a introduit son propos en soulignant que la France n'était pas seule dans son combat en faveur de la diversité linguistique dans l'Union européenne. Après avoir relevé que les entorses au multilinguisme au sein des institutions communautaires suscitaient dans d'autres pays européens la même exaspération, il a considéré que la proposition de résolution permettait de réaffirmer le caractère d'intérêt général européen lié au respect de la diversité linguistique. Il a ainsi remercié la commission des affaires européennes, en particulier son président, pour sa vigilance et sa détermination sur ce sujet.
Il a estimé que l'affirmation légitime de l'Europe comme un ensemble politique habilité à parler d'une seule et même voix sur la scène internationale ne pourrait se faire qu'au prix du respect de sa pluralité linguistique et culturelle, établissant ainsi que la tendance lourde à l'unilinguisme anglophone méconnaissait la devise même d'une Union européenne qui aspire à « l'unité dans la diversité ».
Il a mentionné la nécessité pour les Etats membres et les citoyens européens de prendre connaissance, dans leur langue, des règles de droit produites par l'Union européenne qui leur sont directement opposables. Il a souligné également que le multilinguisme institutionnel répondait à un besoin de transparence démocratique, notamment à l'égard des parlements nationaux, gardiens du respect de la subsidiarité dans l'Union européenne.
Il a précisé que la proposition de résolution se fondait précisément sur deux entorses au multilinguisme pénalisant fortement les assemblées parlementaires dans leur contrôle de l'action communautaire : d'une part, les rapports de progrès de la Commission européenne sur les pays candidats potentiels à l'entrée dans l'Union (comme la Bosnie ou le Kosovo) sont disponibles uniquement en anglais, et, d'autre part, certains documents préparatoires à l'avant-projet de budget communautaire sont, soit exclusivement disponibles en anglais, soit traduits systématiquement avec retard.
Après avoir indiqué que des arguments de fonctionnement des institutions ou encore de coût prétendument exorbitant des services de traduction et d'interprétariat étaient régulièrement avancés pour excuser les nombreuses infractions au respect de la diversité linguistique, il a fait remarquer que, en termes relatifs, le coût total de la traduction et de l'interprétariat dans une Union comptant vingt-trois langues officielles, toutes institutions confondues, ne représenterait, en moyenne, que 2,20 euros par citoyen et par an.
Réfutant tout sentiment de fatalité, malgré la persistance d'infractions linguistiques, il a souligné les efforts des pouvoirs publics français pour tenter de rétablir un équilibre satisfaisant entre les langues.
Il a noté ainsi que le plan pluriannuel d'action pour le français en Europe, géré par l'Organisation internationale de la francophonie, avait permis de développer une offre de formation au français en direction des élites des institutions de l'Union européenne. Jugeant très insuffisants les moyens alloués à ce plan, il s'est déclaré convaincu de la nécessité de sa rapide montée en puissance pour répondre à une demande croissante d'apprentissage du français, ainsi que du renforcement de la coopération bilatérale en matière de formation des fonctionnaires nationaux et européens, en particulier avec les nouveaux entrants.
Il a également salué les efforts de la présidence française de l'Union européenne, qui ont permis l'adoption par le Conseil, les 20 et 21 novembre 2008, d'une résolution sur le multilinguisme appelant notamment à lancer une réflexion sur la mise en place d'un éventuel programme européen spécifique de soutien à la traduction.
Après avoir fait mention de la dernière communication de la Commission européenne sur le multilinguisme, en septembre 2008, qui fait de la diversité linguistique un atout économique pour l'Europe et qui appelle à un vaste effort en faveur de la traduction humaine et automatique, il a regretté que cette communication n'aborde pas directement la question du multilinguisme institutionnel. Il a noté, toutefois, que l'indication de la nécessité de développer les compétences linguistiques des citoyens européens par l'apprentissage obligatoire, dans les systèmes éducatifs nationaux, de deux langues étrangères rejoignait ses préoccupations, exprimées dans deux rapports qu'il a présentés au nom de la commission des affaires culturelles du Sénat sur l'enseignement des langues vivantes en France et dans une recommandation du Conseil de l'Europe sur la diversification des compétences linguistiques des citoyens européens.
Il a appelé ensuite à la plus grande vigilance sur la question de l'apprentissage d'une deuxième langue étrangère, citant l'exemple du Royaume-Uni qui a supprimé le caractère obligatoire de l'apprentissage des langues étrangères, sous prétexte de lutter contre l'absentéisme et de l'Italie qui pourrait prochainement ne plus appliquer cette obligation au collège. Il a exhorté la France à se montrer exemplaire dans la mise en oeuvre de l'enseignement obligatoire d'au moins deux langues étrangères.
Puis il a exprimé le souhait de compléter sur certains points le texte proposé par la commission des affaires européennes afin, en particulier, d'appeler le Gouvernement à la plus grande vigilance pour prévenir toute discrimination fondée sur la langue.
Tout d'abord, il a proposé de rappeler en préambule que le respect du multilinguisme institutionnel conditionne l'exercice effectif de la citoyenneté européenne, en garantissant à tous les ressortissants communautaires un droit égal d'accès à la réglementation européenne et de contrôle démocratique des institutions de l'Union européenne et que l'émergence d'un véritable espace public européen multilingue passe par le développement des compétences linguistiques des citoyens, notamment des fonctionnaires communautaires.
Il a ensuite jugé opportun de mentionner dans le texte de la résolution un certain nombre d'initiatives susceptibles d'être mises en oeuvre pour promouvoir le multilinguisme et notamment :
- la mise en place de mécanismes d'évaluation et de contrôle communautaires spécifiquement dédiés à la question du multilinguisme institutionnel et à la prévention des discriminations fondées sur la langue ;
- le Gouvernement doit exiger des institutions communautaires qu'elles clarifient les critères présidant à la traduction de certains de leurs documents de travail pour permettre aux parlements nationaux de disposer, dans des conditions d'égalité et dans les meilleurs délais, de toutes les informations nécessaires pour exercer efficacement leur mission de contrôle de l'action de l'Union européenne ;
- les institutions communautaires doivent impérativement améliorer la présentation multilingue de leurs sites Internet, en particulier ceux comportant des informations relatives au fonctionnement du marché intérieur et à la consommation ;
- un signal fort en faveur du respect du multilinguisme dans le processus d'élargissement doit être adressé aux autorités communautaires, en particulier à la direction générale de l'élargissement de la Commission européenne.
Enfin, le rapporteur a fait observer que l'engagement en faveur du multilinguisme institutionnel ne devait pas être interprété par les autres pays européens comme une tentative vaine et naïve de restaurer un âge d'or du français en tant que langue véhiculaire de la construction européenne.
Tout en souscrivant pleinement à la volonté exprimée par la commission des affaires européennes de voir la France et l'Allemagne se rapprocher dans ce combat, il a souligné la nécessité de prévenir toute crispation chez nos partenaires européens, notamment nos alliés de langue latine. En ce sens, il a suggéré d'adopter une formulation qui appelle à un rapprochement plus large avec les gouvernements de tous les Etats membres sensibles à l'avenir du multilinguisme en Europe, la France et l'Allemagne devant en effet coopérer avec d'autres pays, et notamment engager des discussions avec l'Italie sur la nécessité de préserver, dans ce pays, l'apprentissage obligatoire d'une deuxième langue étrangère.
En conclusion, il a considéré que l'adoption de cette proposition de résolution européenne permettait d'envoyer un signal fort au Gouvernement et aux institutions communautaires en faveur du multilinguisme en Europe et devrait être accueillie très favorablement par l'ensemble des pays européens dont la langue est négligée dans le processus décisionnel communautaire.
Un débat s'est ensuite engagé.