Je remercie tous les membres de la commission qui sont intervenus sur la situation de la francophonie. La place de la langue française n'est pas mineure, elle fait partie des huit à neuf langues internationales, centrales, comme l'espagnol, le chinois, à côté de l'anglais, langue hypercentrale. Si nous continuions ainsi, le français achèverait de se replier comme le suédois en Suède ou le néerlandais en Hollande.
J'ai entendu la remarque sur M. Rey, que l'on peut partager ou pas. Des bas bleus préfèrent l'anglais mais le plus dangereux est que, dans d'autres pays, l'on ne considère plus notre langue comme exprimant une volonté de modernité. J'ai été à Montreux. Il y a 220 millions de francophones ? Cocorico ! Cependant le français ne peut continuer de se développer en Afrique s'il poursuit son recul en France car, s'il n'est plus la langue de l'accès à la modernité, pourquoi l'employer ? Alors, cette embellie ne durerait pas. Lorsqu'en 1995 le président Chirac avait déclaré que l'avenir de la langue française se jouait sur les bords de la Seine et non sur les rives de l'Oubangui, j'avais été un peu choqué car j'avais enseigné sur les rives de l'Oubangui. Cependant, je rentre du Japon, où j'étais invité par l'université de Kyoto, où l'on lit les rapports du Sénat, et en particulier celui que j'avais intitulé « Pour que vivent les langues ». Un professeur de cette université avait en effet été sensible au fait que je plaidais pour la réciprocité. J'ai d'abord participé à un colloque sur le choix des langues à l'université : il y avait deux blocs, d'un côté les francophones et de l'autres les administrateurs de l'université qui voulaient réserver notre langue à quelques étudiants. Au demeurant, l'Angleterre n'a-t-elle pas renoncé à l'obligation d'apprendre une langue étrangère, qui était le plus souvent le français ? Il y a une tendance générale à réduire les langues à des instruments de communication. Mais d'aucuns ne veulent pas d'un tête-à-tête avec les Américains, et le français est aussi une langue de culture. Alors que les administrateurs de l'université voulaient se borner à un petit nombre de cours, pour le japonais comme pour le français, j'ai plaidé ardemment la cause du pluriculturalisme.
Le lendemain, la société japonaise de didactique du français, qui regroupe le Japon, la Corée et Taïwan, fêtait ses 40 ans. Nous avons travaillé de manière approfondie en nous rappelant le souvenir de Paul Claudel. La France dispose d'un centre installé dans une maison donnée par une grande famille japonaise et qui est située à proximité de l'université. Elle a continué à fonctionner pendant la dernière guerre, face au centre culturel allemand - le Goethe Institut est aujourd'hui installé dans les murs de l'Institut français de Kyoto.
Nous pouvons redouter que le grand vent de la mondialisation joue contre notre langue. J'aimerais que l'on prenne cette affaire au sérieux et qu'un membre du Gouvernement en soit en charge. J'approuve la proposition de M. Duvernois sur la place des crédits de la francophonie dans les programmes : le Japon ne relève pas de l'aide au développement. Il s'agit ici d'un problème mondial. De nouvelles amputations de crédits sont déraisonnables. Puisque nous nous étions battus aux côtés de nos collègues de la commission des affaires étrangères, il faudrait les informer de notre intention de déposer un amendement d'appel.