Le paysage audiovisuel français connaît une profonde mutation en raison de la révolution numérique et des réformes sans précédent menées par le Gouvernement et le Parlement. Les lois « télévision du futur » et « lutte contre la fracture numérique » assurent le passage au tout numérique dans de bonnes conditions, la loi sur le nouveau service public de télévision a ouvert la perspective d'une télévision publique sans publicité et modernisé la gouvernance de l'audiovisuel extérieur de la France, les lois Hadopi I et II ont adapté le cadre législatif aux mutations technologiques et permis au média audiovisuel de jouer son rôle d'instrument démocratique et de vitrine de la culture française et européenne.
Le projet de loi de finances pour 2011 donne aux organismes de l'audiovisuel public les moyens de leurs missions. Saluons l'effort financier consenti par le Gouvernement : une hausse de 3,4 % des crédits, qui atteignent près de 4 milliards d'euros. L'augmentation de la contribution à l'audiovisuel public (CAP), dont le produit s'élèvera à 3,2 milliards d'euros en 2011, a desserré l'étau budgétaire au service d'un développement harmonieux de l'audiovisuel public.
La dotation de France Télévisions s'élève à 2,5 milliards d'euros ; la baisse de 0,5 % est liée au réajustement des prévisions initiales du plan d'affaires, du fait des surplus publicitaires constatés en 2009 et 2010 et attendus en 2011. Le problème tient à l'absence de modèle de financement de long terme. Le Gouvernement propose de reporter l'échéance de la suppression de la publicité sur les antennes de France Télévisions au 6 janvier 2014. Ce moratoire est pragmatique et responsable : je l'avais d'ailleurs suggéré avec Claude Belot dans le rapport que nous avons présenté en juin dernier sur les comptes de France Télévisions. Il ne remet pas en cause la suppression totale de la publicité sur France Télévisions, dont la date est fixée par la loi ; j'y reste extrêmement attachée, car elle permettra de renforcer la qualité du service public audiovisuel et de confirmer le virage éditorial pris il y a quelques années.
Toutefois le compte n'y est pas, comme l'ont montré les longues analyses que Claude Belot et moi-même avons menées. Le produit complémentaire de CAP attendu pour 2014 devrait être supérieur d'environ 150 millions d'euros aux prévisions du PLF 2011, soit une hausse de 50 millions d'euros par an : on est loin des 380 millions d'euros supplémentaires nécessaires pour compenser la suppression totale de la publicité, sans même parler du cas probable où la taxe dite « télécoms » serait déclarée contraire au droit communautaire ! C'est la raison pour laquelle je vous présenterai deux amendements visant, d'une part, à prolonger le moratoire jusqu'au début de l'année 2015 - cet amendement s'applique aussi à RFO - d'autre part à élargir son assiette aux résidences secondaires et aux terminaux informatiques. Louis de Broissia avait souligné dans son rapport sur le projet de loi de finances pour 2005 l'absurdité d'exclure les résidences secondaires de l'assiette de la redevance. Je propose que chaque taxe d'habitation soit assortie d'une contribution, dans le cas où le logement est équipé d'un récepteur permettant de recevoir la télévision. Le produit attendu de cette évolution pourrait atteindre 200 millions d'euros. S'il était décidé d'allouer la quasi-totalité de la hausse du produit de la CAP à France Télévisions, le président de France Télévisions pourrait mener sereinement la réforme à son terme. Je proposerai aussi qu'un rapport annuel du Conseil supérieur de l'audiovisuel éclaire chaque année le débat parlementaire sur le budget global de France Télévisions.
Nos dernières auditions ont confirmé l'impression selon laquelle la politique du groupe public sur le média global manque d'ambition, alors que le téléviseur numérique sera bientôt lancé sur le marché : je vous renvoie aux analyses de M. Bruno Patino. L'actuel président doit se saisir de ce problème, et le contrat d'objectifs et de moyens (COM) l'y encourager.
Les ressources d'Arte augmentent de plus de 4,1 % pour atteindre 251,8 millions d'euros en PLF 2011. Cette dotation devrait non seulement lui permettre de poursuivre les objectifs assignés par le contrat d'objectifs et de moyens, mais aussi de faire face aux dépenses imprévues liées au coût de la diffusion HD sur un canal plein, à sa participation au groupement d'intérêt public (GIP) France Télé numérique et à sa diffusion outre-mer. Nous aurons l'occasion d'en reparler puisqu'un avenant au contrat d'objectifs et de moyens vient de nous être transmis pour avis. Je m'interroge d'ailleurs sur la stratégie consistant à négocier un nouveau COM avant l'arrivée de la nouvelle présidente, stratégie que Michel Thiollière avait déjà contestée à propos de France Télévisions. Je vous proposerai donc d'adopter un amendement visant à mettre fin à ce déphasage préjudiciable, en imposant que soit signé un nouveau contrat d'objectifs et de moyens au début du mandat des présidents de l'audiovisuel public.
La dotation de Radio France s'élève à 606,6 millions d'euros, en hausse de 3,9 %. Le groupe fait face au double défi culturel du renouvellement de son offre éditoriale et du passage au numérique, et à l'épreuve technique de la réhabilitation de la Maison de la Radio, dont le coût n'a pas été correctement évalué à l'origine. Mais il devrait en avoir les moyens.
L'Institut national de l'audiovisuel est également financé par la contribution à l'audiovisuel public à hauteur de 91,9 millions d'euros en 2011, ce qui constitue une hausse importante de 5,4 %, en parfaite conformité avec le contrat d'objectifs et de moyens négocié avec l'État. Quelques incertitudes demeurent sur l'ampleur du plan de sauvegarde et de numérisation : notre commission doit être vigilante.
La dotation en faveur de la société holding « Audiovisuel extérieur de la France » s'établit à 330,3 millions d'euros, en augmentation de plus de 5 %, un peu moins si l'on prend en compte l'exécution du budget de 2010. Cette hausse témoigne du soutien de l'État à ce groupe dont l'audience est appréciable et l'avenir assuré, si l'on fait abstraction de la guerre des chefs. L'enjeu principal des deux prochaines années est la fusion des entités ; France 24, chaîne de télévision d'information internationale diffusée en plusieurs langues, RFI, radio polyglotte, et TV5 Monde, télévision généraliste francophone, doivent tirer parti de leurs complémentarités. C'est l'un des objectifs du contrat d'objectifs et de moyens en cours de négociation, et qu'il est urgent de présenter : le groupe manque de visibilité sur ses financements et ses orientations stratégiques, et le Parlement ne peut pour l'heure donner un avis éclairé sur les crédits qui lui sont alloués.
Quant au groupement d'intérêt public (GIP) France Télé numérique, 131 millions d'euros lui sont consacrés au lieu de 15 millions en 2009 et 40 millions en 2010. Le passage au tout-numérique s'effectue dans de bonnes conditions, et le calendrier est respecté. En revanche, le financement du GIP est assez opaque : le « bleu » prévoit 333 millions d'euros pour financer notamment le fonds d'aide prévu à l'article 102 de la loi du 30 septembre 1986, l'accompagnement renforcé des personnes âgées et le fonds d'aide dit « 102 bis » destiné aux foyers qui ne recevront plus la télévision par la voie hertzienne terrestre lors de l'extinction du signal analogique. Mais rien n'est dit sur l'origine de ces 333 millions : il faudra la demander au ministre.
Les radios associatives locales se voient accorder une aide appréciable de 29 millions d'euros, comme l'an dernier. Les nombreuses propositions de M. Emmanuel Hamelin sur le fonds de soutien à l'expression radiophonique sont pertinentes, et j'espère que le Gouvernement prendra rapidement des initiatives en ce sens.
Faut-il relever le seuil de concentration applicable au secteur de la radio ? La question est complexe, car on ne sait pas si l'un des grands groupes a atteint le seuil des 150 millions d'habitants desservis fixé par l'article 41 de la loi du 30 septembre 1986 ; on ne connaît pas non plus l'impact d'un relèvement sur le paysage radiophonique. Sur le fondement de l'article 18 de la loi du 30 septembre 1986, je vous propose donc de saisir officiellement le CSA de cette question.
S'agissant des deux taxes créées par la loi du 5 mars 2009 sur la publicité des chaînes privées et les opérateurs de télécommunications dans le cadre de la réforme de France Télévisions, des aménagements sont en cours et je vous soumettrai deux amendements techniques.
Sous réserve de l'adoption de ces quelques amendements, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à l'audiovisuel de la mission « Médias » et des crédits de la mission « Avances à l'audiovisuel public ».