Mes chers collègues, nous accueillons M. Cyril Robinet, chargé de mission Afrique de l'Est à la Délégation aux affaires stratégiques sur la situation en Somalie.
Occupant un territoire stratégique à la corne de l'Afrique et contrôlant, avec le Yémen, le golfe d'Aden par lequel transite une partie considérable du trafic pétrolier, la Somalie est un Etat d'une extrême fragilité au coeur de l'arc de crise défini par le Livre blanc sur la défense et la sécurité. C'est un pays d'une très grande pauvreté, en guerre civile depuis 19 ans. C'est un pays divisé puisque le Somaliland, au nord-ouest du pays, a déclaré unilatéralement son indépendance en mai 1991. La province voisine du Puntland a déclaré son autonomie en 1998. C'est un pays sans Etat puisque le gouvernement fédéral de transition (GFT) ne tient que par la présence des forces de l'Union africaine qui sécurise une partie de sa capitale et l'aéroport. Sans cette protection, le GFT serait emporté rapidement par les milices des Shebab.
J'observe la mise en garde très ferme du Conseil de paix et de sécurité de l'Union africaine qui exprime sa très grande préoccupation devant l'incapacité du gouvernement à gouverner, à faire preuve de responsabilité, de désintéressement et de détermination. La nomination d'un nouveau premier ministre parait malvenue aux plus proches amis de la Somalie, à l'Union africaine et en particulier en Ethiopie. La cohésion entre le GFT, le Puntland et Ahl es Sunna, qui semble une condition préalable pour consolider la situation -mais vous nous le confirmerez- serait menacée par cette nomination de M. Mohammed Abdullahi.
C'est un pays sur le sort duquel se penche la communauté internationale mais sans vouloir y mettre les moyens nécessaires à sa stabilisation et à son développement. Le seul pays qui pourrait intervenir, et qui du reste l'a déjà fait, l'Ethiopie, ne souhaite sans doute pas y retourner et se laisser enliser dans ce conflit. Le débat mais non la solution se trouve-t-elle au Conseil de sécurité qui pourrait accéder à la demande de renforcement de l'AMISOM jusqu'à 20 000 hommes ? Pourtant toutes nos analyses et tous nos intérêts nous incitent à souhaiter une stabilisation de cette zone dangereuse qui comprend le Yémen, le Soudan et la Somalie. Le développement spectaculaire de la piraterie, né de la misère, nous a conduit à intervenir avec l'opération Atalanta et celle de l'OTAN, avec succès mais en reconnaissant que la résolution du problème est à terre et non sur mer. Nous formons les forces de sécurité du GFT mais nous sommes incapables d'en estimer les résultats.
Ne sommes-nous pas, faute de volonté politique mais aussi faute de moyens militaires disponibles et dans l'incapacité de financer une opération lourde, en train de laisser s'installer ici comme au Yémen des mouvances islamistes radicales qui deviendront des bases du terrorisme régional et international actives capables d'intervenir sur les ressources pétrolières ou sur les voies d'approvisionnement stratégiques maritimes ou par voie de pipelines ? Vous allez peut être nous donner quelque espoir de sortie de crise. Dans une interview que vous avez donnée au ministère de la défense vous semblez penser qu'une timide solution consisterait en la mise en place d'une forme de confédération basée sur les clans et les territoires. Je vous passe la parole.