L'Assemblée nationale a adopté le 26 janvier dernier la proposition de loi du député Serge Letchimy, à qui le Gouvernement avait demandé d'étudier les moyens de relancer la lutte contre l'habitat insalubre outre-mer. L'objectif de ce texte est, à la suite de l'élaboration du plan global de lutte contre l'habitat indigne et insalubre en outre-mer adopté lors du conseil interministériel du 6 novembre 2009, de doter cette politique publique d'outils efficaces. Le soutien apporté par le Gouvernement à ce texte traduit son engagement pour le logement outre-mer.
L'habitat insalubre en outre-mer est un phénomène massif : plus de 200 000 personnes vivent dans des logements qui ne répondent pas aux conditions minimales de confort et de dignité en Guadeloupe, en Martinique, à La Réunion, à Mayotte et en Guyane, ce qui les expose à des risques notamment sanitaires. Certes, ce texte ne règle pas tout, mais il constitue une avancée notable.
Le champ d'application de sa section 1 est national car le bénéfice d'une aide financière à des occupants sans droit ni titre ne peut pas être réservé à l'outre-mer, à moins d'introduire une rupture d'égalité avec la métropole. Pour autant, l'habitat informel ou spontané concerne presque exclusivement l'outre-mer : il est constitué de constructions et d'installations à usage d'habitation, construites par des personnes sans droit ni titre, sur des terrains qui forment des zones d'urbanisation de fait, sans desserte, ni assainissement, ni eau potable, ni les autres équipements publics de base propres à assurer la salubrité et la sécurité. Malgré l'accélération des opérations de résorption de l'habitat insalubre (RHI) lancées depuis plus de 25 ans, le phénomène persiste. La situation est particulièrement inquiétante à Mayotte où les bidonvilles se développent.
Les situations sont très diverses. Dans certains cas, les occupants ont construit sur la base de contrats de location sous seing privé, ou encore d'accords verbaux juridiquement fragiles ; d'autres sont sans droit ni titre, d'autres encore sont locataires de ces habitations. Ces constructions, autour desquelles se sont développées activités commerciales et artisanales, constituent souvent le seul patrimoine de leurs occupants. Certaines de ces cases sont correctes ou peuvent être améliorées. La volonté du Gouvernement est d'accélérer le rythme des opérations de résorption.
J'ai bien conscience que la proposition de loi peut susciter certaines interrogations, en dépit des garanties apportées au respect du droit de propriété.
En ce qui concerne le champ d'application du texte, la section 1 s'applique également à la métropole : la « cabanisation », qui touche notamment le littoral, y reste cependant limitée. En revanche, des règles particulières se justifient par les situations de droit et de fait prévalant dans les DOM. D'où l'application de la section 2 au seul outre-mer.
La question des étrangers en situation irrégulière concerne surtout la Guyane et Mayotte qui totalisent 96,6 % du total des reconduites d'étrangers en situation irrégulière. Le Gouvernement est déterminé à poursuivre sa politique de fermeté : en 2010, les éloignements de personnes en situation irrégulière ont progressé en outre-mer de 16,65 %. Le Gouvernement entend réserver le versement de l'aide financière prévu par ce texte aux seules personnes régulièrement installées sur le territoire national, comme cela est la règle pour les prestations familiales. Le texte doit s'inscrire dans une démarche équilibrée et pragmatique.
Dernière interrogation : le sort des « marchands de sommeil ». La volonté du Gouvernement et des parlementaires de mettre un terme à cette pratique inacceptable est manifeste : l'article 5 de ce texte dispose qu'aucune aide ne peut être versée aux bailleurs de locaux frappés d'un arrêté d'insalubrité ou de péril. Je demanderai aux préfets d'être particulièrement attentifs à la bonne application de cette mesure.
Pour terminer, je veux souligner deux mesures particulièrement novatrices de ce texte. Tout d'abord, la possibilité de définir par arrêté du préfet un périmètre d'insalubrité adapté à l'état des diverses constructions dans les secteurs d'habitat informel, après un travail de repérage de 18 mois au maximum. De fait, l'actuel article L. 1331-25 du code de la santé publique exige un quartier homogène et suppose une interdiction générale et définitive d'habiter, sanctionnée par une obligation de relogement dans un délai maximum d'un an. Ce dispositif n'est pas adapté à l'outre-mer où les quartiers sont hétérogènes et nombre habitations peuvent être conservées et améliorées. Ensuite, il n'est ni souhaitable, ni réaliste d'interdire d'habiter dans un certain périmètre et de s'obliger à reloger tous les occupants dans le délai d'un an. Il convient donc de mener un travail de repérage pour définir les périmètres concernés : l'Assemblée nationale a décidé de le limiter à 18 mois. Ce délai me parait raisonnable : à trop le prolonger, nous n'arriverons pas à résorber l'habitat insalubre
La seconde mesure concerne l'abandon manifeste des parcelles, qui existe dans nombre de villes et de bourgs ; compte tenu de la rareté du foncier urbain outre-mer, une simplification des articles L. 2243-1 et suivants du code général des collectivités territoriales s'impose pour accélérer les processus de travaux et de récupération de ces biens.
Le texte étant d'origine parlementaire, le Gouvernement sera attentif à toutes vos propositions d'amélioration. J'espère la même belle unanimité qu'à l'Assemblée nationale !