La commission entend M. Philippe Deslandes, président de la Commission nationale du débat public, en application du V de l'article 3 de la loi n° 2010-597 du 3 juin 2010 relative au Grand Paris.
Je suis heureux d'accueillir en votre nom M. Philippe Deslandes, président de la commission nationale du débat public. Il est, pour cette réunion ouverte aux membres de la commission spéciale sur le Grand Paris, accompagné de M. François Leblond, président de la commission particulière du débat public sur le réseau de transport public du Grand Paris. Ensemble, ils vont revenir sur le déroulement de cette procédure et nous exposer le bilan qu'ils en ont tiré.
Merci de cet accueil, monsieur le Président. J'étais venu lors de l'examen du projet de loi sur le Grand Paris. J'avais alors demandé au rapporteur M. Jean-Pierre Fourcade que la commission particulière compte douze membres. Il y a eu en effet 67 réunions publiques en quatre mois, soit une tous les deux jours, et il était important que la commission particulière puisse se subdiviser en plusieurs groupes.
Les deux débats publics conjoints - l'un sur le réseau de transport public du Grand Paris et l'autre sur le projet de métro automatique Arc Express - se sont déroulés du 30 septembre 2010 au 31 janvier 2011, soit dans les quatre mois qui nous étaient impartis. Le calendrier prévu par la loi du 3 juin a été scrupuleusement respecté, même si cela a parfois été difficile pour la préparation du dossier soumis à la concertation, ne serait-ce que parce que la société la société du Grand Paris n'était pas constituée. La commission nationale et les ingénieurs qui préfiguraient le Grand Paris ont travaillé tout l'été afin d'être prêts pour le 1er septembre. Les délais ont été tenus et le débat a eu lieu.
L'ambiance a d'abord été conflictuelle : le schéma directeur de la région d'Île-de-France (SDRIF) avait été annulé par le Conseil d'État, tandis que le gouvernement n'avait pas confirmé ses promesses de financement. Le projet de la Région, Arc Express consistait à l'origine en une rocade en souterrain d'une soixantaine de kilomètres reliée aux lignes de métro existantes ; avec une quarantaine de gares en proche banlieue, situées à un kilomètre ou 1,5 kilomètre l'une de l'autre, comme pour le métro, il assurait une vitesse commerciale de 40 kilomètres-heure contre 25 pour le métro. Le projet du Grand Paris dessinait une double boucle, avec une petite rocade desservant Montfermeil à l'est, une autre à l'ouest pour Versailles, Saclay et Massy, et une ligne reliant Roissy à Orly, via Paris ; d'une longueur de 162 kilomètres avec une gare tous les 4 à 8 kilomètres, le réseau aurait eu une vitesse commerciale de 60 kilomètres-heure.
La première réunion a eu lieu le 30 septembre et, dès le début est apparue la nécessité d'une synthèse entre les deux projets, comme l'a bien vu Gilles Carrez. Ce besoin de convergence et de complémentarité a été exprimé dès le début par André Santini et repris par Jean-Paul Huchon, lequel a néanmoins souhaité simultanément une mobilisation des financements pour les transports. De réunion en réunion, le public a quant à lui insisté sur la nécessité de l'amélioration de l'existant, et surtout du R.E.R.
Convergence et amélioration de l'existant sont les deux concepts autour desquels s'est effectué le rapprochement entre l'État et la Région. Dès sa nomination au ministère de la ville, Maurice Leroy a réuni un groupe de travail, intégrant par exemple l'Atelier international d'architecture, afin de dégager les voies d'une contribution commune. Le compromis a été possible, d'autant que nous nous sommes efforcés de faire en sorte que le débat autour des deux projets ne tourne pas au duel entre le Syndicat des transports publics d'Ile-de-France (STIF) et la Société du Grand Paris. Peu à peu, les deux propositions ont laissé place à une troisième, sortie le 26 janvier. Le débat, qui en 67 réunions publiques a réuni 17 500 personnes, ce qui est considérable, a ainsi préparé les voies d'un compromis et forcé les maîtres d'ouvrage à s'entendre. Le public a réellement participé au processus d'élaboration de la décision. Je ne peux que me féliciter de cet exercice de démocratie participative.
Le président Philippe Deslandes a dit tout ce qu'il fallait dire. Puisque le président de la commission particulière propose les noms des membres de celle-ci au président de la commission nationale du débat public, j'ajouterai simplement que j'ai fait en sorte qu'il y ait autant de femmes que d'hommes, plus d'actifs que de retraités, et que les critères professionnels assurent une complémentarité des compétences.
J'ai participé à la préparation de la première réunion. Nous avons réussi à respecter les délais, ce qui n'était pas évident. Les services ont bien travaillé et mes trois collaborateurs se sont montrés très efficaces.
Dans le compte rendu, qui est sur internet depuis trois jours, nous avons essayé de présenter les conclusions de la manière la plus opérationnelle et la plus didactique possible. Les propositions de gares y sont plus nombreuses que dans le protocole intervenu entre l'État et la Région : des arbitrages seront nécessaires.
Le débat a été très riche, mais très lourd. Si le travail de la commission présidée par le ministre Maurice Leroy a été très important, notre rôle a été très positif : la loi sur le débat public a montré toute son utilité dans un tel dossier. C'est la première fois que la région d'Île-de-France bénéficie d'un tel traitement dans la préparation et dans la discussion d'un débat public ; je suis très heureux d'y avoir contribué.
A l'issue de la conférence de presse, jeudi dernier, Christian Blanc, qui voulait initialement confier le débat public au préfet de région et non à la commission nationale de débat public, nous a présenté ses félicitations et ses remerciements. La raison l'a emporté.
Si je n'ai pas encore lu le rapport, j'entends déjà chacun s'extasier sur la richesse de l'expérience. Est-ce à dire que les précédents débats n'avaient pas suscité la même implication ?
Nous voulions éviter deux débats successifs sur Arc Express et sur le réseau de transport du Grand Paris. Il faut rendre hommage aux députés qui ont ajouté l'obligation d'un débat public, mais aussi rappeler que ce sont les sénateurs qui, en commission mixte paritaire, ont prévu l'examen concomitant des deux projets. Cependant, il n'y a pas eu d'accord sur deux points. J'aimerais d'abord connaître votre sentiment sur la desserte de Saclay, qui pose problème, et ensuite sur la plus difficile question du partage de la maîtrise d'ouvrage entre le STIF et la Société du Grand Paris.
Le Conseil d'Etat avait estimé qu'il y avait incompatibilité entre des projets des collectivités territoriales et le SDRIF. Nous avons voté la semaine dernière, en l'amendant, une proposition de loi d'origine socialiste permettant à toutes les collectivités territoriales de débloquer des projets compatibles avec le projet de SDRIF de 2008 et avec la loi sur le Grand Paris. Qu'en pensez-vous ?
Quid des autres débats ? Un débat public n'est ni un référendum ni un sondage mais une confrontation d'arguments afin d'éclairer la décision que le maitre d'ouvrage prend à l'issue du débat. Il réunit en général 3 000 personnes, comme sur la concession de la liaison routière Centre-Europe-Atlantique entre Saône-et-Loire et Allier.
Nous avons tenu 17 réunions sur les nanotechnologies - certaines ont été annulées à cause des manifestants - mais, comme les gens découvraient ces technologies, ils sont d'abord venus s'informer : ils pouvaient difficilement donner leur avis... Pour qu'un débat soit fructueux, il serait bon de le préparer par une information préalable. En l'occurrence, le débat est devenu intéressant vers la fin, lorsque les participants ont compris les enjeux. Nous avons été confrontés à une opposition frontale, animée par « Pièces et main d'oeuvre », groupe animé par des ingénieurs qui ont fait intervenir des anarchistes locaux. Les préfets ont laissé les anarchistes rentrer dans les salles, et il s'est passé ce qui devait se passer, sauf à Caen où le préfet à tenu tête au pavillon noir. La presse s'est intéressée au sujet lorsqu'il y eu des oppositions physiques. Dans le reste de l'Europe, le débat s'est limité aux initiés. Le Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) avait déjà beaucoup réfléchi sur le sujet, mais ses travaux étaient restés confidentiels : l'intérêt du débat public, c'est d'être public. Le public ne vient largement aux réunions que lorsqu'il a l'impression de pouvoir exercer une influence dès lors que tout n'est pas bouclé. Sur le Grand Paris, les gens ont compris qu'ils pouvaient faire passer un message sur le matériel actuel ou sur le réseau existant, message qu'ils avaient déjà exprimé dans l'enquête publique sur le SDRIF, mais sur des registres, pas de vive voix.
Si je prends l'exemple de la route Centre-Atlantique, la ministre de l'écologie et du développement durable dispose désormais de tous les éléments, y compris juridiques, de la concession d'une route nationale. L'Allier est relativement favorable, mais la Saône-et-Loire est farouchement hostile, faute de circuits de substitution.
Les débats marchent bien. Nous en menons une dizaine par an ; ils concernent l'interconnexion sud des TGV en Ile-de-France, le TGV Paris-Le-Havre, le TGV Paris-Caen, le TGV Paris-Orléans-Lyon, sans oublier l'extension de la piste d'aéroport de Mayotte ou celle du port de Jarry en Guadeloupe. Cependant, celui sur le Grand Paris a été le plus important, voire le plus populaire.
S'agissant de Saclay, les Verts ont mis le sujet en exergue dès le début du débat. Les gens du nord-est et de Seine-Saint-Denis voulaient réinvestir l'argent de Saclay dans le réseau en boucle de ce département. La boucle orientale courte est bien dans l'accord, mais pas Saclay. Toute l'habileté de Maurice Leroy a consisté à écarter les points qui fâchaient afin de dégager un accord sur les autres.
Le partage de la maîtrise d'ouvrage est un point qui doit impérativement être tranché d'ici le 31 mai. Qui fait quoi sur la ligne bleue Orly-Saint-Denis-Pleyel ou sur la boucle Bobigny-Pantin-Val de Fontenay-Noisy-le Grand ? Nous expliquons bien dans nos recommandations qu'il faut partager clairement. Le choix est en train de s'opérer. Nous avons nettement souhaité une concertation sur le segment Bobigny-Noisy-le-Grand, dont l'opportunité a été établie par le débat.
S'agissant de la proposition de loi, nous avons un débat en cours sur Villages nature en Seine-et-Marne, qui figure dans le SDRIF révisé, mais pas dans celui de 1994... Il est important que ce texte soit voté.
Le compte rendu consacre un chapitre complet à Saclay. Nous tablions sur 100 cahiers d'acteurs, nous en avons eu 250, soit 1 000 pages ! Une faible majorité de cahiers est très, très favorable, une petite minorité très défavorable - ce sont toutes les associations que l'on connaît ; les élus locaux, très nuancés, posent des questions tout en soulignant l'importance de désenclaver Saclay ; enfin, la chambre d'agriculture, qui a beaucoup travaillé, veut qu'on lui garantisse 2 300 hectares.
Le rapport peut être utile parce qu'il fait oeuvre de pédagogie sur un sujet très délicat. Lors des réunions (je pense en particulier à celle de Jouy-en-Josas), les uns et les autres se sont parlé, ce qui n'était jamais arrivé auparavant. J'ajoute que les industriels, depuis qu'ils ont reçu le montant de leur imposition au titre des bureaux, disent que s'ils paient, ils veulent être écoutés.
Je veux d'abord vous féliciter d'avoir mené à bien une affaire extrêmement lourde. Vous avez montré qu'un débat était possible sur un tel sujet : c'est la consécration de la démarche du débat public ! Vous avez évoqué la place des élus ; j'ai suivi plusieurs réunions dans les Hauts-de-Seine : nous avons essayé de nous taire. Nous avons fait de gros efforts, d'autant que nous connaissions les intervenants...Les élus doivent-ils rester discrets ou doivent-ils plus s'impliquer dans les réunions?
La dualité Arc Express - réseau de transport Grand Paris a laissé place à la complémentarité, mais l'information préalable n'a-t-elle pas manqué ? Il y a le tracé sur la carte, et il y a les dessertes, les choix entre des gares plus proches mais des durées de trajet plus longues, ou des gares plus éloignées, avec rabattement des voyageurs, mais des temps de parcours plus courts. Si l'on avait expliqué que le débat portait sur deux conceptions différentes de transport, vous auriez gagné du temps.
L'affaire du plateau de Saclay va au-delà du désenclavement. La question des transports n'a pas été réglée dans les années 70, et le résultat est dramatique : des écoles sont complètement enclavées, en rase campagne ; inviter un chercheur américain tient de la gageure : si aller de Roissy à Paris est une aventure, que dire du voyage de Paris à Saclay ! L'aménagement du territoire, c'est traditionnellement le logement, l'emploi et les transports, mais il doit également prendre en compte la dimension scientifique.
Nous l'avons bien senti et j'avais essayé, sans succès, de convaincre Christian Blanc de lancer un débat spécifique sur Saclay. Quand on investit plus de 300 millions d'euros dans des bâtiments universitaires, c'est nécessaire. A défaut, on est passé à autre chose et on s'est inquiété « d'un métro dans les champs de betteraves » : il aurait fallu un débat sur les écoles, les entreprises et les gens auraient commencé à croire au projet .... Il est vrai que le directeur général de l'établissement public ne souhaitait pas un débat public tout de suite. Reste que quand on ne joue pas le jeu de la transparence, on introduit un biais.
Dans un débat, le public, ce ne sont pas les associations, ce ne sont pas les élus, et il importe que chacun laisse parler les autres. Les gens ont souvent peur de parler en public ; ils s'expriment sur internet pour dire oui mais vont aux réunions pour dire non. Il faut que les élus montrent l'exemple en venant aux réunions, mais qu'ils n'y monopolisent pas la parole. Il revient au président de la commission particulière d'expliquer aux élus qu'ils ont un rôle moteur, mais qu'ils doivent écouter, car les avis sont très souvent pertinents.
Le compte rendu donne la liste, énorme, des personnalités rencontrées avant le débat public. L'implication des élus était très forte : il était naturel qu'ils viennent et essaient de parler, mais nous avons eu un peu de mal au début - Philippe Deslandes nous l'a fait remarquer - à laisser les particuliers s'exprimer. J'ai demandé une fois que les élus ne parlent pas les premiers, et cela a marché. Il a fallu établir un équilibre, trouver le juste ton.
Vous nous avez cité une liste des prochains sites donnant lieu à débat public. Celui sur le Grand Paris intéresse d'abord la région d'Île-de-France, mais le président de la République avait évoqué l'axe Seine, les ports de Rouen et du Havre, et la ligne à grande vitesse ; n'est-ce pas le cas ?
Si ! Dans trois semaines sera décidé un débat sur la liaison Paris-Normandie, avec une ligne nouvelle entre Paris et Mantes et trois scénarios pour les deux Normandie ; Rouen sera à 45 minutes, Le Havre et Caen à 1 h 15... mais la ligne ira au Havre sans passer par Criquetot !
Je suis surpris, car la réunion que nous avons à la préfecture dans quinze jours devait porter sur quatre scénarios...
J'ai vécu un autre débat public sur le port méthanier d'Antifer. Ce n'était pas les élus qu'il fallait faire taire à cette époque ! La commission nationale s'appuie-t-elle sur ce type d'exemples pour prévoir une organisation différente des réunions ?
Il est très important de bien préparer le débat et d'identifier ceux qui entendent monopoliser la parole afin d'empêcher le débat. Ce qui reste du service des renseignements généraux ne les repère pas toujours, parce qu'ils viennent parfois de l'extérieur. Une bonne préparation avec tous les acteurs permet de détecter les tensions et de les désamorcer, sans interdire aux opposants de s'exprimer. Mais c'est aussi un problème d'éducation : on l'a bien vu pour les nanotechnologies.
Je sais bien que la LGV ne passera pas à Criquetot, mais nous travaillons à réactiver la ligne, qui vient de Gravenchon-Lillebonne-Bréauté et Fécamp, sous forme de tram-train, vers Le Havre.
Je me suis posé la question de l'assise géographique du débat public et j'aurais aimé organiser des réunions au-delà de l'Île-de-France, à Amiens, Orléans et Rouen. C'était trop lourd mais néanmoins le compte rendu intègre des réflexions du maire d'Orléans et d'élus picards.
Le débat sur l'EPR de Penly s'est bien passé ; le collectif « STOP EPR » m'avait assuré qu'il y participerait sans violence. Aujourd'hui, ça se passerait certainement moins bien...
Je m'associe aux félicitations qui vous ont été adressées. Votre mission a été un succès, notamment pour alerter les pouvoirs publics sur la nécessité d'améliorer l'existant. Mais, puisque nous en sommes au debriefing, j'aimerais savoir si l'on a bien pris en compte la dimension financière pour l'usager. Le réveil des entreprises a été brutal et cela ne fait que commencer. Toujours sur la dimension économique, je rappelle que l'Etat a longtemps hésité entre Eole et Météor, si bien qu'on a mis vingt ans pour construire deux demi-projets et qu'il n'y a toujours pas de liaison entre Roissy et la capitale sans rupture de charge. Etes-vous content du rapprochement entre la SNCF et la RATP, mais n'avez-vous pas le sentiment que, de conciliation en conciliation et de compromis en compromis, on a oublié la cohérence du projet, qu'il y a eu fausse information voire mystification ?
Le débat n'est pas terminé. Pour l'instant, aux termes du protocole d'accord, ni l'État ni la Région ne sont maîtres d'ouvrage.
Reste à la société du Grand Paris et au STIF à confirmer les engagements pris en quelque sorte en leur nom. Les discussions se poursuivent, certaines gares sont encore optionnelles ; il faut maintenant justifier les choix : l'exercice est assez difficile d'ici le 31 mai. Vous avez raison de vous interroger sur le partage de la maîtrise d'ouvrage. Le projet commun est ambitieux, mais qui fait quoi ? Je sais que les discussions sont toujours en cours ; je sais que la liaison directe Roissy-Paris sans rupture de charge à St-Denis-Pleyel conserve des partisans. Dans l'accord, il y a rupture de charge. Cela sera-t-il encore le cas après le 31 mai ? Je n'en sais rien.
Au début, on parlait de double liaison. La résolution du 15 novembre a repris le projet de Charles-de-Gaulle-express, liaison directe à partir de la gare du Nord. Il y avait deux lignes : entre Roissy et La Défense, par Saint-Denis, la ligne verte ; et entre Roissy et Orly, la ligne bleue, également via Saint-Denis mais sans rupture de charge. Certains ont fait remarquer qu'à vouloir tout regrouper sur la ligne 14, on prenait le risque d'une saturation dés la mise en service. La liaison directe Roissy-Orly est certaine, mais avec ou sans rupture de charge, le service n'est pas le même. Mais nous ne décidons pas : les arguments sont sur la table, aux décideurs de décider.
Pendant les débats, la question n'a guère été évoquée, et lorsqu'elle l'a été, la rupture de charge à Saint-Denis-Pleyel a suscité peu d'émotion... La situation changera peut-être lorsque le projet sera achevé, mais jusqu'à présent, la liaison avec Roissy a été jugée si importante que l'on ne s'est pas véritablement penché sur cette rupture. Les élus locaux concernés, surtout soucieux de valoriser Saint-Denis-Pleyel, ne jugeaient pas la rupture fondamentale. J'ai entendu peu de choses sur cette question.
Mais Jean-Pierre Fourcade peut confirmer que ce fut l'un des éléments majeurs lors de l'examen du projet de loi, un élément qui a pesé dans les décisions finales.
La RATP est favorable à une liaison directe Roissy-Orly.
Cette affaire présente des aspects techniques sur lesquels je ne suis pas assez compétent. Certains disent qu'il serait absurde de faire circuler le même train sur les 150 kilomètres de la boucle. Pourquoi le RER fonctionne-t-il si mal ? Parce que les lignes sont trop longues et sans segmentation.
Il faut tout de même prévoir des segmentations. Il y a deux théories : une liaison directe Roissy-Orly par un Meteor élargi ; ou Roissy-boucle, comportant une desserte rapide de La Défense, Saclay, Descartes...Il faudra trancher entre ces deux conceptions techniques d'ici le 31 mai ; mais aujourd'hui, les dirigeants de la société du Grand Paris, de la RATP et du STIF ne sont pas d'accord sur ce point technique.
Ce n'est pas leur seul point de désaccord !
Les citoyens ne savent pas toujours ce que c'est que le débat public ; nous l'avons vu dans mon département lors du débat sur la route Centre-Europe-Atlantique...Bien des élus ont pensé qu'en participant à toutes les réunions, ils sensibiliseraient mieux la commission à leurs positions. Mais la présidente n'a pas été sensible au plaisir d'entendre douze fois le même argument !
M. le Premier ministre a demandé à M. le président du Sénat de bien vouloir lui faire connaitre le nom du sénateur appelé à siéger au Conseil national de la sécurité routière en remplacement de notre collègue Francis Grignon, dont le mandat arrive à expiration et qui ne souhaite pas être candidat. Je vous propose la candidature de Gérard Bailly. (Assentiment)
Il en est ainsi décidé.
Ensuite, la commission entend Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, chargée de l'outre-mer, sur la proposition de loi n° 267 (2010-2011) portant dispositions particulières relatives aux quartiers d'habitat informel et à la lutte contre l'habitat indigne dans les départements et régions d'outre-mer.
Notre commission, élargie aux anciens membres de la mission commune d'information sur la situation des départements d'outre-mer, a le plaisir d'accueillir pour la première fois Mme Penchard. La ministre nous donnera son sentiment sur ce texte adopté à l'unanimité par l'Assemblée nationale en janvier dernier, dont notre collègue Georges Patient est le rapporteur, et Serge Larcher le rapporteur pour avis. A titre indicatif, le texte pourrait, à la demande du groupe socialiste, être inscrit à l'ordre du jour du mercredi 4 mai après-midi.
L'Assemblée nationale a adopté le 26 janvier dernier la proposition de loi du député Serge Letchimy, à qui le Gouvernement avait demandé d'étudier les moyens de relancer la lutte contre l'habitat insalubre outre-mer. L'objectif de ce texte est, à la suite de l'élaboration du plan global de lutte contre l'habitat indigne et insalubre en outre-mer adopté lors du conseil interministériel du 6 novembre 2009, de doter cette politique publique d'outils efficaces. Le soutien apporté par le Gouvernement à ce texte traduit son engagement pour le logement outre-mer.
L'habitat insalubre en outre-mer est un phénomène massif : plus de 200 000 personnes vivent dans des logements qui ne répondent pas aux conditions minimales de confort et de dignité en Guadeloupe, en Martinique, à La Réunion, à Mayotte et en Guyane, ce qui les expose à des risques notamment sanitaires. Certes, ce texte ne règle pas tout, mais il constitue une avancée notable.
Le champ d'application de sa section 1 est national car le bénéfice d'une aide financière à des occupants sans droit ni titre ne peut pas être réservé à l'outre-mer, à moins d'introduire une rupture d'égalité avec la métropole. Pour autant, l'habitat informel ou spontané concerne presque exclusivement l'outre-mer : il est constitué de constructions et d'installations à usage d'habitation, construites par des personnes sans droit ni titre, sur des terrains qui forment des zones d'urbanisation de fait, sans desserte, ni assainissement, ni eau potable, ni les autres équipements publics de base propres à assurer la salubrité et la sécurité. Malgré l'accélération des opérations de résorption de l'habitat insalubre (RHI) lancées depuis plus de 25 ans, le phénomène persiste. La situation est particulièrement inquiétante à Mayotte où les bidonvilles se développent.
Les situations sont très diverses. Dans certains cas, les occupants ont construit sur la base de contrats de location sous seing privé, ou encore d'accords verbaux juridiquement fragiles ; d'autres sont sans droit ni titre, d'autres encore sont locataires de ces habitations. Ces constructions, autour desquelles se sont développées activités commerciales et artisanales, constituent souvent le seul patrimoine de leurs occupants. Certaines de ces cases sont correctes ou peuvent être améliorées. La volonté du Gouvernement est d'accélérer le rythme des opérations de résorption.
J'ai bien conscience que la proposition de loi peut susciter certaines interrogations, en dépit des garanties apportées au respect du droit de propriété.
En ce qui concerne le champ d'application du texte, la section 1 s'applique également à la métropole : la « cabanisation », qui touche notamment le littoral, y reste cependant limitée. En revanche, des règles particulières se justifient par les situations de droit et de fait prévalant dans les DOM. D'où l'application de la section 2 au seul outre-mer.
La question des étrangers en situation irrégulière concerne surtout la Guyane et Mayotte qui totalisent 96,6 % du total des reconduites d'étrangers en situation irrégulière. Le Gouvernement est déterminé à poursuivre sa politique de fermeté : en 2010, les éloignements de personnes en situation irrégulière ont progressé en outre-mer de 16,65 %. Le Gouvernement entend réserver le versement de l'aide financière prévu par ce texte aux seules personnes régulièrement installées sur le territoire national, comme cela est la règle pour les prestations familiales. Le texte doit s'inscrire dans une démarche équilibrée et pragmatique.
Dernière interrogation : le sort des « marchands de sommeil ». La volonté du Gouvernement et des parlementaires de mettre un terme à cette pratique inacceptable est manifeste : l'article 5 de ce texte dispose qu'aucune aide ne peut être versée aux bailleurs de locaux frappés d'un arrêté d'insalubrité ou de péril. Je demanderai aux préfets d'être particulièrement attentifs à la bonne application de cette mesure.
Pour terminer, je veux souligner deux mesures particulièrement novatrices de ce texte. Tout d'abord, la possibilité de définir par arrêté du préfet un périmètre d'insalubrité adapté à l'état des diverses constructions dans les secteurs d'habitat informel, après un travail de repérage de 18 mois au maximum. De fait, l'actuel article L. 1331-25 du code de la santé publique exige un quartier homogène et suppose une interdiction générale et définitive d'habiter, sanctionnée par une obligation de relogement dans un délai maximum d'un an. Ce dispositif n'est pas adapté à l'outre-mer où les quartiers sont hétérogènes et nombre habitations peuvent être conservées et améliorées. Ensuite, il n'est ni souhaitable, ni réaliste d'interdire d'habiter dans un certain périmètre et de s'obliger à reloger tous les occupants dans le délai d'un an. Il convient donc de mener un travail de repérage pour définir les périmètres concernés : l'Assemblée nationale a décidé de le limiter à 18 mois. Ce délai me parait raisonnable : à trop le prolonger, nous n'arriverons pas à résorber l'habitat insalubre
La seconde mesure concerne l'abandon manifeste des parcelles, qui existe dans nombre de villes et de bourgs ; compte tenu de la rareté du foncier urbain outre-mer, une simplification des articles L. 2243-1 et suivants du code général des collectivités territoriales s'impose pour accélérer les processus de travaux et de récupération de ces biens.
Le texte étant d'origine parlementaire, le Gouvernement sera attentif à toutes vos propositions d'amélioration. J'espère la même belle unanimité qu'à l'Assemblée nationale !
Ce texte s'attaque à un sujet essentiel : l'habitat informel en outre-mer. De 150 000 à 200 000 personnes, selon le député Letchimy, sont concernées. Le chiffre est important à l'échelle de l'outre-mer : il équivaut à 6 millions de métropolitains. Le texte a des atouts ; je le soutiens. Néanmoins, après vous avoir entendu Mme la ministre, je continue de m'interroger sur certains points.
Le champ d'application de la section 1 relative à l'octroi d'aides financières, dans le cadre d'opérations d'aménagement et sous certaines conditions, à des personnes installées sur des terrains sur lesquels elles n'ont ni droit ni titre, a suscité des inquiétudes parmi les sénateurs. La volonté de respecter la Constitution a conduit à l'étendre à la métropole. L'article 73 de la Constitution ne permet-il pas de le limiter aux départements d'outre-mer ?
En ce qui concerne les étrangers en situation irrégulière, vous avez évoqué Mayotte, mais prenons le cas de la Guyane. Pas moins de 80 % des occupants sans titre sont des étrangers en situation irrégulière. Ce texte ne risque-t-il pas de créer un appel d'air ? Comment comptez-vous régler la question concrètement ? Toujours en Guyane, plus de 90 % du foncier appartient à l'État. Dans ces conditions, ne revient-il pas à l'État de financer intégralement les aides financières et le relogement des personnes évincées liées à des opérations d'aménagement, lorsque ces dernières portent sur des terrains cédés par l'État aux collectivités territoriales.
Monsieur le rapporteur, les départements et régions d'outre-mer relèvent du régime de l'identité législative aux termes de l'article 73 de la Constitution : dépourvus de statut particulier, ils bénéficient de toutes les dispositions législatives de droit commun. Une mesure, pour être rapidement applicable outre-mer, doit donc être étendue à tout le territoire national. C'est un principe constitutionnel. Cela dit, les dispositions de ce texte visent majoritairement l'outre-mer : seul le phénomène de « cabanisation » du littoral serait concerné en métropole pour une aide en volume moindre.
Vous savez l'action de l'État en matière de lutte contre l'immigration irrégulière et les moyens qu'il a engagés en Guyane. Ceux-ci ont d'ailleurs permis une diminution nette de la délinquance et de l'orpaillage illégal depuis 2007. Reste que l'immigration illégale posera toujours un problème particulier en Guyane, du fait de ses 730 km de frontière avec le Brésil et de ses 510 km avec le Surinam. Les bailleurs et les collectivités, notamment Cayenne, veulent résorber rapidement l'habitat insalubre. Nous devons tenir compte de leurs demandes en reconnaissant un droit à indemnisation aux seules personnes - j'y insiste - en situation régulière. En bref, la logique est identique à celle qui prévaut pour le versement des allocations familiales.
Le rôle de l'État ? Celui-ci participera au financement des opérations de résorption de l'habitat insalubre notamment via l'Agence nationale de l'habitat (l'ANAH) et le Fonds régional d'aménagement foncier et urbain (le FRAFU).
Ce texte est équilibré, à la fois juridiquement et financièrement. Et pour la première fois, un texte reconnaît un droit à prévoir une aide pour des personnes qui ont construit des logements sans droit ni titre : cela ne s'est jamais vu !
Je me réjouis que le Parlement s'attaque aux problèmes spécifiques que connaissent certains territoires atypiques. Avec la loi sur le Grand Paris, nous avons répondu aux attentes des élus franciliens ; il n'y a aucune raison de traiter autrement les élus ultra-marins.
Si la section 1 du texte vise l'ensemble du territoire national, nous pourrions découvrir qu'il existe également des occupations sans droit ni titre en métropole. Récemment, un maire m'a signalé le cas d'une famille, autrefois nomade, qui s'est installée depuis des décennies sur une parcelle avec l'accord du propriétaire ; cette famille a construit un logement, en dehors de toutes les règles d'urbanisme ; aujourd'hui, l'urbanisme arrive, et il n'y a plus une, mais cinq familles... Que faire ? Il y aurait aussi des occupations sans droit ni titre du coté de Perpignan et dans le Var ; il n'est pas impossible que l'on découvre bientôt d'autres cas. Je ne suis nullement horrifié par ce petit millier de cas ; la République peut les absorber. Vous avez évoqué un principe constitutionnel pour justifier l'extension du champ du texte à tout le territoire national. Pour autant, nous avons adopté une loi Montagne en 1985, puis la loi d'orientation pour la ville et la loi Demessine qui prévoient toutes des dispositions spécifiques pour des territoires zonés. (M. Claude Lise approuve.) Qu'en est-il exactement ? Ne risque-t-on pas de susciter l'incompréhension des élus de métropole? Enfin, si la loi est consensuelle, il n'y a aucun risque que les parlementaires saisissent le Conseil constitutionnel...
Le Gouvernement avait donné un avis favorable à l'assouplissement de la procédure de récupération des parcelles et immeubles manifestement abandonnés à l'article 16 de cette proposition de loi ; la Chancellerie semble revenir sur son avis : faut-il y voir un signe de méfiance envers les collectivités ? Ce serait un mauvais signe. Comment expliquer ce revirement ? Quid du contrôle des aides financières pour les bailleurs sans titre ? Président de l'ANAH, je sais que des bailleurs indélicats demandent parfois jusqu'à 900 euros pour un toit de tôle de 6 mètres carrés posé sur quatre piquets. Nous ne pouvons pas légaliser ces situations inacceptables !
Monsieur Repentin, c'est un vrai débat, que nous avons eu à l'Assemblée nationale. Si l'on avait abordé le problème sous l'angle du droit de la propriété, nous risquions l'inconstitutionnalité. D'où la réaction de la Chancellerie. Les auteurs de la proposition de loi ont donc choisi d'instituer plutôt une aide sociale. Or toute aide sociale votée par le Parlement doit s'appliquer à l'ensemble du territoire national. J'entends vos observations sur le risque d'effet d'appel, mais le texte est bordé : il concerne seulement les implantations depuis plus de dix ans, ce qui limitera le nombre de demandes en métropole. Le problème est autrement plus sérieux en outre-mer où l'habitat informel a prospéré avec la complicité de tous, y compris des pouvoirs publics. Bien souvent, ces habitations sont le seul patrimoine de leurs occupants. En tant que ministre chargée de l'outre-mer, je défends mes territoires. Certaines opérations sont bloquées depuis 20 ans ; c'est le cas notamment au quartier de Trénelle à Fort-de-France ! Résorber ces poches d'habitat insalubre indignes de la République est une nécessité dans le cadre que la Constitution nous impose : celui du régime de l'identité législative.
Les trois premiers articles de ce texte évoquent un barème qui serait fixé par l'État. Celui-ci sera-t-il différencié selon les départements et régions concernés ? Avez-vous une idée du montant de l'aide ?
Nous n'en sommes pas encore là. L'arrêté sera fixé par les ministres compétents ; France Domaine fera des propositions qui pourront tenir compte du cout du foncier dans chaque territoire. Nous sommes ouverts.
Madame la ministre, vous ne m'avez pas répondu : lorsque l'État est propriétaire du foncier, comme en Guyane, l'aide financière sera-t-elle directement prise en charge par l'État ?
Il s'agit d'une opération tiroir : d'un coté, libération de foncier qui sera cédé gratuitement à des opérateurs pour construire des logements sociaux, de l'autre, aide à l'occupant sans titre sur la base d'un barème. Voilà la décision qu'a prise le Président de la République lors du conseil interministériel.
Le FRAFU, la ligne budgétaire unique (LBU), le « Fonds Barnier ».
Dans le cadre des opérations RHI, une part de 20 % reste souvent à la charge des communes ; certaines d'entre elles sont déjà exsangues. L'État ne peut-il pas tout prendre en charge ?
Les communes doivent être les acteurs de leur développement. Au moment où l'on parle tant du rôle des acteurs publics locaux, ce serait un mauvais message de laisser l'État maître du jeu.