Après la situation des personnels, que vient d'exposer notre collègue André Dulait, je vais vous présenter les crédits de fonctionnement du titre 3 du programme 178, programme placé sous la responsabilité de l'amiral Guillaud, chef d'état-major des armées (CEMA).
Je ferai le point sur les bases de défense, qui assurent le soutien des unités qui leur sont rattachées, puis évoquerai le maintien en condition opérationnelle (MCO) des matériels et l'entraînement des personnels.
Le projet de loi de finances pour 2011 attribue à ce titre 3 5,804 milliards d'euros de crédits de paiement (CP), contre 5,493 milliards en 2010, soit une hausse de 5,7 %, avec + 310,6 millions d'euros, inégalement répartis entre les quatre actions qui composent le titre 3.
L'action n° 1 « Emploi des forces » augmente ainsi de 22 %, permettant l'amélioration de l'insertion de la France dans des dispositifs militaires multinationaux, comme la force de réaction rapide de l'Union européenne et la capacité de réaction rapide de l'OTAN « Nato Response Force » (NRF).
L'action n° 2 « Préparation et emploi des forces terrestres » recule de 13,1 %, traduisant notamment la contraction des jours d'entraînement de l'armée de terre, dont le général Irastorza, chef d'état-major de l'armée de terre, a analysé les éléments lors de sa venue devant notre commission.
L'action n° 3 « Préparation des forces navales » diminue de 9,8 % et l'action n° 4 « Préparation des forces aériennes » diminue de 5,7 %; essentiellement par transfert de crédits consacrés au soutien vers les bases de défense.
Vous trouverez les éléments détaillés de chacune de ces actions dans mon rapport écrit. Je m'en tiendrai ici à l'exposé des principales problématiques du titre 3.
Le nombre total de 60 bases de défense (BdD) a été retenu, au terme d'une période d'expérimentation commencée en janvier 2009, avec d'abord 11 bases expérimentales en 2009, puis, en 2010, 18 bases « pilotes », dont celle de Nancy où s'est rendue une délégation de la commission, le 8 avril dernier. 51 BdD seront déployées en métropole, 5 outre-mer et 4 à l'étranger, à Djibouti, aux Emirats Arabes Unis, au Gabon et au Sénégal.
Ces bases constituent « le principal levier de la mutualisation de l'administration générale et du soutien commun », selon les termes du ministère de la défense. Leur déploiement suppose une harmonisation des procédures, aujourd'hui différentes selon les armées, en matière de systèmes d'information, et de gestion du personnel et des soldes. Si je me réfère aux réponses qui m'ont été faites sur ces points, cette harmonisation, simple dans son principe, mais dont les détails sont difficiles à mettre en oeuvre, n'aboutira pas avant 2012 ou 2013, dans le meilleur des cas.
Je crains, et certains chefs d'état-major ne cachent pas leurs réserves sur ce point, que ce processus de mise en place des BdD n'ait été trop hâtif. Je comprends, cependant, qu'il convenait de réduire le plus possible la période de transition entre l'ancien et le nouveau système.
Nous jugerons aux résultats, et observerons si cette mutualisation des procédures, qui suppose celle des soutiens, aboutira bien à l'objectif poursuivi, qui est la réduction du nombre des personnels qui leur sont dévolus, et, in fine, à des économies budgétaires.
Des rapprochements entre armées ont déjà été réalisés en matière d'habillement, fonction qui pourrait être externalisée au terme d'un bilan économique et social qui s'achèvera fin 2011.
L'harmonisation des différents régimes indemnitaires en matière de crédits d'alimentation est également en cours, et la modernisation de l'économat des armées a également été entreprise.
Les commissariats d'armées ont été réunis en un organe unique, dont une partie des activités sera transférée aux Bases de défense.
J'en viens aux difficultés financières et d'organisation suscitées par le maintien en condition opérationnelle (MCO) de matériels de plus en plus vecteurs de technologies.
Ce MCO relève budgétairement du titre 3 du programme 178, mais implique également les rémunérations versées aux différents personnels intervenant dans la maintenance, rémunérations qu'il est malaisé d'évaluer financièrement avec précision : c'est pourquoi le suivi financier s'opère par la notion d'entretien programmé des matériels (EPM), qui ne recouvre que des coûts de fonctionnement. Un matériel en bonne condition opérationnelle constitue un élément déterminant de la capacité d'action des armées.
La maintenance et son coût ne sont devenus des sujets de préoccupation majeure qu'à partir des années 1990, du fait de la complexité croissante des matériels utilisés. Le redressement des montants financiers dévolus à cette fin constituait une des priorités de la LPM 2003-2008, tandis que les armées s'organisaient, dans le même temps, pour mieux structurer leurs services de maintenance. Ainsi furent successivement créés le service de soutien de la flotte (SSF) en 2000, la SIMMAD (structure intégrée de maintien en condition opérationnelle du matériel aéronautique de défense) en 2002, le SIAé (service industriel d'aéronautique) en 2007, et la SIMMT (structure interarmées du MCO des matériels terrestres) le sera en 2011.
Mais, malgré ces réorganisations, les coûts ne cessent de croître. Ainsi, le MCO de l'armée de terre est passé de 1,183 milliard d'euros en 2005 à 1,437 en 2008, celui de l'armée de l'air, de 1,688 milliard à 1,72 milliard aux mêmes dates, et celui de la marine de 941 millions à 1,027 milliard.
L'actuelle loi de programmation militaire prévoit que les coûts des matières premières et des prestations industrielles continueront d'augmenter, mais que le volume des personnels civils ou militaires, relevant du ministère de la défense et affectés à la maintenance, décroîtra, ce qui conduira à une stabilité des coûts globaux. Il est, en effet, prévu qu'une part importante des activités de maintenance sera transférée à des structures de type industriel, qu'elles soient privées ou étatiques. Un calendrier prévisionnel de leurs travaux leur permettra de mieux les organiser, et d'en réduire, de ce fait, les coûts.
Lors de son audition par la commission, le 14 octobre dernier, l'amiral Guillaud n'a pas caché ses préoccupations dans ce domaine et a estimé que la création de ces structures constituait certes un levier positif, mais qui ne produira des effets de modération des coûts de MCO que dans la durée. Cette modération est surtout attendue d'une globalisation, dans les contrats passés avec les industriels, des commandes d'équipements et des opérations de maintenance, requérant ainsi une plus forte implication des industriels, dès la conception des équipements, dans l'organisation de leur future maintenance.
Un cas concret récent illustre ce propos : deux contrats ont été conclus, en juillet 2010, entre l'Etat et la Snecma, pour la maintenance du moteur du Rafale, le M88, l'un portant sur un coût forfaitaire d'entretien par heure de vol, pour une durée de 10 ans, l'autre sur le coût des pièces de rechange. Cet engagement dans la durée donne à l'industriel une visibilité sur son plan de charge, et lui permet donc de s'engager sur ces coûts forfaitaires, plus réduits.
Je dois également évoquer le sujet controversé de l'externalisation de certaines activités. Il est logique qu'avec la professionnalisation, les armées se soient consacrées prioritairement à leur « coeur de métier », concluant des marchés de service pour le gardiennage de bâtiments non militaires, l'entretien des véhicules de la gamme commerciale, l'entretien des locaux et des espaces verts.
Cependant, comme tous les contrats impliquant de la main-d'oeuvre, ils sont coûteux, même s'il est rationnel que ces fonctions ne soient plus assumées par des militaires.
Un partenariat public-privé a également été conclu en 2008 entre le ministère de la défense et une société privée pour la fourniture d'heures de vol à l'école de pilotage de l'armée de l'air à Cognac, et semble donner des résultats positifs pour les finances publiques, même s'il est un peu tôt pour établir un bilan.
Je terminerai avec l'entraînement des forces. Les temps d'entraînement réalisés, armée par armée, ont été stables en 2009 par rapport à 2008, mais devraient se réduire légèrement dans les années à venir. Aussi, pour l'armée de terre, l'objectif de 120 jours/homme par an sera ainsi ramené à l05 d'ici 2013, à l'exception des pilotes d'hélicoptère dont l'entraînement devrait être identique, à 180 heures.
Le chef d'état-major de l'armée de terre (CEMAT) a estimé que cette réduction n'affecterait pas la capacité opérationnelle de son armée, notamment du fait de sa participation accrue à des OPEX (opérations extérieures).
Pour la marine, l'activité des unités de surface a été de 87 jours en 2009, contre 94 prévues, et se monterait à 100 jours en 2010. Les heures de vol de l'aéronavale ont été de 170, contre 200 prévues, et de 180 en 2009.
Enfin, l'armée de l'air a accompli, en 2009, 177 heures pour les pilotes de chasse, 304 pour le transport et 151 pour les hélicoptères. Les objectifs pour 2010 étaient respectivement de 180, 400 et 200 heures. C'est incontestablement pour les pilotes de transport que la situation continue d'être la plus critique.
Si ces chiffres bruts dépeignent une réalité facile à comprendre, leur pertinence est difficile à juger pour un non-spécialiste, d'autant que les comparaisons avec les principales armées occidentales se heurtent à des modalités de recension différentes des nôtres.
En résumé, je récapitulerai ainsi les grands enjeux du titre 3 : le regroupement des soutiens au sein des BdD produira-t-il les économies espérées en termes de personnels ?
Le ministère de la défense parviendra-t-il à mieux impliquer les industriels français dans la « bataille » des coûts du MCO ?
Les réductions budgétaires permettront-elles de garantir à nos troupes un niveau d'entrainement suffisant, compatible avec nos engagements sur différents théâtres extérieurs.
Au vu de l'ensemble de ces observations, je m'en remets à la sagesse de la commission sur l'avis à donner sur les crédits du titre 3 du programme 178 pour 2011.