Intervention de André Trillard

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 17 novembre 2010 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2011 — Mission action extérieure de l'etat programmes 105 151 et 332 - examen du rapport pour avis

Photo de André TrillardAndré Trillard, rapporteur pour avis :

Les crédits affectés à la mission « Action extérieure de l'État » progressent de 4 % en 2011 par rapport à 2010, pour atteindre 2,965 milliards de crédits de paiement (CP). Cette progression est évaluée à structure constante, c'est-à-dire compte non tenu des sommes affectées au programme 332, créé spécifiquement en 2011 pour financer les présidences françaises du G20 et du G8. Je vous renvoie à mon rapport imprimé pour l'analyse détaillée de ce programme, comme des programmes 105 «Action de la France en Europe et dans le monde », et 151 «Français à l'étranger et affaires consulaires », pour m'en tenir à quelques remarques.

La croissance des crédits affectés au programme 105, de 6,6 % en CP, à 1,814 milliards, découle pour l'essentiel de l'amélioration du financement des opérations de maintien de la paix (OMP), menées dans le cadre des Nations unies. Sur les 112,35 millions supplémentaires affectés à ce programme, 80 millions leur sont consacrés. J'avais souligné, dans mon avis précédent, combien la croissance des financements requis par ces OMP, comme par les contributions obligatoires dues aux organisations internationales pesait sur les ressources du programme 105. C'est toujours le cas, mais je me félicite d'une meilleure prévision budgétaire, en loi de finances initiale, du montant d'engagements auxquels nous ne pouvons nous soustraire, et qui devaient être, de toute façon, honorés.

La France participe, par l'envoi de personnels, à 9 des 16 OMP déployées, et elle en est le cinquième contributeur, à hauteur de 7,5% de leur financement, qui est en forte croissance depuis le début des années 1990. Les contributions obligatoires et les OMP ont représenté en 2009 70 % de la consommation des crédits du programme 105, hors dépenses de personnel, avec une part respective de 36 % et de 34%. Pour les contributions obligatoires, les quinze premières organisations absorbent 80 % des financements. Parmi celles-ci, citons, par ordre décroissant, l'ONU, le Conseil de l'Europe, l'OTAN, l'OMS, la FAO, l'AIEA, l'OCDE, l'OIT, l'UNESCO, l'OSCE, le Tribunal pénal pour l'ex-Yougoslavie, l'OMC, l'Organisation des Nations-Unies pour le développement industriel et le Tribunal pénal international pour le Rwanda. De vives interrogations planent sur l'efficacité de certaines de ces organisations, et sur leur ratio coût/efficacité. Nous ne pouvons que le déplorer, et peut être en tirer des leçons pour l'avenir, en exhortant l'exécutif à se montrer plus réservé face à d'éventuelles créations de nouveaux organismes de ce type.

Je me félicite de la stabilisation - de la fin de la chute - des crédits d'intervention affectés à la coopération de sécurité et de défense, à 35 millions en CP, alors qu'ils avaient été réduits en 2008 et 2009. Cette somme intègre les 3,4 millions du programme 209 consacrés à la sécurité intérieure et à la sécurité civile, affectées au programme 105 à compter du PLF 2011. Compte tenu d'une réserve légale qui devrait s'élever à 1,8 million, les crédits disponibles devraient être de 33,06 millions.

La réserve légale constituée en 2010 a été mobilisée pour soutenir les actions en Mauritanie; celle de 2011 pourrait donc également l'être en cas de nécessité. Les priorités géographiques de cette coopération découlent, pour des raisons évidentes, de l'actualité récente au Niger et dans les pays de la zone sahélienne : Niger donc, Mauritanie et Mali. Parmi les 16 écoles militaires existant en Afrique, consacrées à la formation du maintien de la paix, la France soutient particulièrement celle de Bamako, au Mali, celle de Ouidah, au Bénin, et celle d'Awaé, au Cameroun. Il s'agit là d'une coopération de long terme, appuyant des écoles nationales qui ont un rayonnement régional et dont le coût est inférieur à la venue de stagiaires en France. Une nouvelle école de génie-travaux vient d'être ouverte à Brazzaville, en partenariat avec certaines entreprises françaises qui ont besoin de recruter des chefs de chantier congolais.

Il s'agit là d'une forme très efficace de coopération tant pour la France que pour les pays partenaires. En effet, l'armée est souvent, dans ces États aux structures fragiles, l'institution la plus solide, et notre action de formation ne peut qu'être bénéfique pour doter ses cadres de modes de pensée et d'action inscrits dans une perspective démocratique. Par ailleurs, cette coopération constitue un partenariat concret de développement, et contribue à l'influence de la France, tant dans les pays africains francophones que dans ceux qui les entourent, qu'ils soient anglophones ou lusophones.

J'en viens maintenant aux éléments saillants du programme 151 « Français à l'étranger et action consulaire », dont les crédits progressent de 5,4 % à 348,18 millions de CP en 2011. L'action n°1 «Offre d'un service public de qualité aux Français de l'étranger», qui regroupe l'action consulaire, progresse de 6,6%, à 184,5 millions, et représente près de 54 % du montant du programme. Ces sommes sont consacrées à l'accès aux services administratifs pour nos compatriotes de l'étranger, à l'aide sociale qui peut leur être apportée en cas de besoin, et à l'animation du réseau consulaire, qui s'appuie, de façon croissante, sur nos consuls honoraires.

C'est l'action n°2 «Accès des élèves français au réseau AEFE » (Agence pour l'enseignement français à l'étranger) qui bénéficie de la plus forte augmentation, avec 13,5 millions supplémentaires, soit une croissance de 13 %. Cette action représentait 32,71 % du programme en 2010, proportion qui passe à 34,68 % en 2011.

L'élément problématique dans cette action touche à la prise en charge (PEC) par l'État des frais de scolarité des élèves français des classes de lycée. Cette décision, conforme à une promesse du candidat Nicolas Sarkozy durant la campagne présidentielle de 2007, n'a cessé de faire débat depuis son instauration, du fait des importants montants financiers qu'elle requiert, alors que nous nous trouvons dans un contexte de grande rigueur budgétaire. La commission des finances du Sénat a souhaité, dès l'origine, l'encadrement de cette mesure, et nous l'avons soutenue dans cette démarche. Cette exigence de réalisme a conduit à l'instauration d'un moratoire qui limite actuellement cette PEC aux seules classes de lycée. Elle a fait l'objet en 2010 de deux rapports, l'un par la mission d'évaluation et de contrôle (MEC) de la commission des finances de l'Assemblée nationale, l'autre, rédigé par Mmes Geneviève Collot, députée, et Maryse Joissains, sénatrice, à la demande du Président de la République, et rendu public le jour de l'audition de M. Bernard Kouchner par notre commission, le 3 novembre dernier. Leurs conclusions diffèrent et je n'évoquerai pas ici, faute de temps, leurs points de convergence et de divergence. La commission sénatoriale des finances a, de nouveau, adopté un amendement visant à modérer le dynamisme de la dépense induite par la PEC, et je vous propose, dans mon intervention en séance publique, d'apporter le soutien de notre commission à cet amendement.

J'en viens au problème complexe de l'immobilier à l'étranger. La France possède un grand nombre d'implantations à l'étranger, dont l'entretien est rarement assuré de façon correcte. A cet état de fait s'ajoute que, depuis le 1er janvier dernier, les produits de cession de nos biens à l'étranger sont devenus le moyen de financement unique des opérations immobilières du MAEE à l'étranger, aucun crédit budgétaire n'étant plus alloué à ce titre. Les futures opérations de rénovation et d'achat dépendent de la remontée des produits de cession vers le MAEE. Or, le délai entre la mise en vente d'un bien et sa réalisation est souvent de l'ordre d'une année, voire plus. Le ministère a établi une liste de biens immobiliers «réalisables» en 2010-2012, que vous trouverez dans mon rapport écrit, et dans laquelle sont représentés tous les continents. La trentaine de cessions à venir sont évaluées à un total de près de 370 millions. Le principe même de ces cessions me semble positif, dans la perspective d'une meilleure organisation et gestion des implantations à l'étranger, puisque le produit en sera entièrement affecté au MAEE. Cependant, le marché immobilier est volatile, ce qui peut être profitable, en cas de hausse, car les prix attendus des cessions seront alors supérieurs aux attentes - mais aussi ceux des achats éventuels ; en revanche, en cas de baisse, comme celle qui affecte les marchés immobiliers, objet d'une «bulle» spéculative, comme en Espagne par exemple, les cessions ne pourront être effectuées qu'à un prix inférieur à celui escompté ou elles ne pourront pas aboutir, faute d'acheteur.

Le programme 332 regroupe les sommes destinées à financer les présidences françaises du G20 et du G8. Elles sont estimé à 80 millions en A.P., dont 60 millions sont inscrits dans le PLF 2011, pour 50 millions de C.P.

Sous le bénéficie de ces remarques, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits des programmes 105, 151 et 332 de la mission « Action extérieure de l'État » pour 2011.

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