Je me réjouis que l'on pose la question de la place de l'école maternelle dans la réduction de l'échec scolaire. Les propositions annoncées cependant, bien que tronquées par les médias, m'ont profondément inquiétée. L'évaluation est stigmatisante et elle contribue à créer une école du tri, une école du dépistage. Elle naturalise les différences au nom du principe d'égalité des chances. Je trouve cela dangereux. Or les parcours sont différents, et on ne peut pas avoir de schéma en la matière.
J'ai également du mal à croire à une maladresse, parce que ces idées ne sont pas nouvelles : je citerai le rapport du député Bénisti de 2004 « De la langue maternelle à la délinquance infanto-juvénile » et les propositions de Jean-Marie Bockel sur le repérage des troubles du comportement en 2010.
Non seulement cela va sélectionner les enfants, mais cela va aussi trier les enseignants et les établissements. Cela correspond à la logique de mise en concurrence que l'on cherche à introduire dans l'école en général. On veut repérer des conduites, mais supprimer les manifestations de souffrances sans en traiter les causes et les racines est complètement inefficace et très dangereux. On ne fera qu'aggraver la mésestime de soi et l'angoisse des élèves, des parents et des enseignants, dans une situation déjà complexe. L'étude sur le « burn-out » a pu être contestée par M. Luc Chatel, mais la question des conditions d'enseignement ne peut plus être ignorée. Elles se sont terriblement dégradées en raison du manque de formation. C'est un problème de mastérisation mais pas seulement : la formation continue aussi est en jeu. On a d'autant plus de mal à croire à une maladresse, par ailleurs, dans ce contexte de suppression des effectifs.
La prévention doit s'appuyer sur un postulat d'éducabilité, selon la capacité de chacun à comprendre et acquérir des codes, à apprendre à devenir élève à son rythme. Nous exprimons tous une grande inquiétude, et votre exposé n'a pas permis de la lever du tout.