Chaque intervenant a exprimé un point de vue commun sur l'école maternelle : elle est particulière, essentielle, elle est l'école du plaisir et du langage. Le ministère est évidemment d'accord sur le fait que l'enfant ne doit pas être soumis à une pression qui n'a rien à voir avec sa classe d'âge. Nous devons éviter les malentendus sur ces bases, qui sont aussi les nôtres. C'est un sujet fondamental, et quand on voit tout ce qui se joue avant six ans sur les courbes d'évolution de l'enfant, on est convaincu qu'il faut y concentrer l'effort.
La grande question, c'est ce qui se passe concrètement dans les écoles maternelles au niveau pédagogique, dans les relations entre professeurs, parents et enfants.
Nous ne sommes pas dans la situation que les journaux avaient décrite. Il y a un problème de vocabulaire : le mot « évaluations » donne lieu à des malentendus, aussi nous utiliserons le terme « outils ». Les évaluations en école maternelle existent depuis 1970, tout dépend ce que l'on met derrière ce terme. Outre les principes que je viens d'énoncer, nous avons élaboré des méthodes différenciées qui soulèvent des questions auxquelles je vais répondre séparément.
Mme Sylvie Goy-Chavent a évoqué les contenus pédagogiques et leur adaptation en CP. Le mot-clé de notre politique est celui de « personnalisation ». L'objectif est de personnaliser le parcours de l'élève à travers certaines stratégies pédagogiques. Les deux heures de soutien par semaine en primaire sont un dispositif fondamental, qui produit des effets positifs. Nous fournissons de plus en plus d'outils de ce type aux professeurs pour réussir la personnalisation.
En ce qui concerne la transparence du Gouvernement vis-à-vis du Parlement, et que vous évoquiez également madame la Présidente, il y a un sujet. Le site destiné aux enseignants « Eduscol » ( www.eduscol.education.fr), qui est accessible à tout un chacun, diffuse de plus en plus de ces outils au service de la formation continue.
L'évaluation est une problématique présente sur toute la durée du cursus, jusqu'au baccalauréat. Mais elle se pose en des termes très différents en maternelle. Le livret personnel de compétences vise à identifier les compétences que l'enfant a acquises à chaque étape.
Madame Laborde, vous vous demandiez s'il s'agit d'une compensation au manque de formation. Nous ne faisons pas nôtre l'expression « batterie d'outils », et préférons parler « d'outils à disposition des enseignants ». Nous vous transmettrons sous peu les exercices en question, qui sont très intéressants. Le but n'est pas le rabâchage, ni de ficher les élèves ou de les stigmatiser. Il n'est pas de mettre une étiquette qui suivrait l'enfant toute sa vie. C'est simplement un outil qui permet d'identifier des problèmes pour y répondre, ce que les enseignants font déjà aujourd'hui en pratique.
Mme Gonthier-Maurin a parlé de naturalisation des différences et de sélection. Il faut être capable d'aller à la racine des problèmes, et cela suppose un travail d'équipe à l'échelle des écoles. Il y a eu également des soupçons de médicalisation des problèmes, et nous sommes conscients du sujet. Cet outil est l'une des façons d'y faire face. Plus de 10 % des enfants sont considérés à tort comme relevant d'un orthophoniste, alors que le chiffre réel avoisine les 4 ou 5 %. L'objectif est de démédicaliser le sujet, en ayant une série de tests permettant d'aller graduellement chez le médecin ; ensuite, chacun fait son métier, le professeur d'un côté et le médecin de l'autre. Notre outil est bien sûr évolutif, et ces débats ont lieu pour que nous puissions l'améliorer.
Monsieur Le Scouarnec, sur les effectifs réduits : la politique nationale a suivi cette logique depuis des années, surtout en zone d'éducation prioritaire, quand l'école le réclame. L'enseignant peut actuellement travailler pendant une demi-heure par semaine avec un petit groupe d'élèves (3 à 5 enfants), dans la même perspective de personnalisation.
Madame Gillot souhaite éviter une école du tri anxiogène. Il est difficile de passer sa journée à penser quelque chose, et de se le voir retourner sous forme d'accusation. L'école maternelle doit à tout prix ne pas être anxiogène. Nous y travaillons, et ce que nous faisons n'est pas parfait, mais croyez bien que le principe est celui-là. Dans le futur, la philosophie de l'évaluation sera affirmée, mais ce ne sera pas une philosophie anxiogène.
Quant aux enfants handicapés que vous mentionnez, je crois qu'il y a un consensus sur les progrès accomplis depuis 2005. Il y a eu une augmentation de 50 % du nombre d'enfants handicapés dans les écoles, et un effort national très important sur cette question. Cela montre la capacité de personnalisation du système, et sa capacité à maintenir le principe d'égalité.
Mme Cukierman pose la question des parents d'élèves. C'est évidemment une question clé. Le dialogue entre les familles et les écoles est primordial, à travers des opérations comme « la mallette des parents » qui se tient chaque année. Cette opération met en place un accueil des parents en début d'année, pour les informer sur les enjeux de l'école et diffuser des messages anti-anxiogènes.
Monsieur Antoinette, je vous remercie d'avoir mentionné l'outre-mer. Je suis heureux que vous terminiez par cet exemple, qui illustre la problématique d'adaptation. En effet, notre outil est fait pour être adapté, et d'abord aux élèves qui sont non francophones, pour des raisons culturelles. C'est l'accompagnement de ceux-là qui est important. Depuis deux ans et demi, les inspecteurs de l'éducation nationale de maternelle travaillent auprès des académies pour faire vivre ce principe d'adaptation. Nous n'oublions pas qu'à Mayotte ou en Guyane, le premier objectif est déjà de s'assurer que les élèves aillent à l'école dès trois ans.