Lors de l'examen du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale, la commission des affaires sociales, vous vous en souvenez, a souhaité engager un débat sur l'instauration d'une taxe nutritionnelle dans notre pays.
L'analyse faite notamment par le président de la mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale, la MECSS, M. Alain Vasselle, est partie d'un double constat : d'une part, la nécessité de lutter plus activement contre l'obésité, qui reste en progression dans notre pays, en particulier par un renforcement des moyens destinés à modifier les comportements alimentaires ; d'autre part, l'obligation de trouver et de diversifier les ressources nécessaires au rééquilibrage des comptes de la sécurité sociale.
Pour répondre à cette double préoccupation, la mise en place d'une taxe nutritionnelle est une solution qui mérite d'être examinée sérieusement. Elle pourrait prendre plusieurs formes.
La première est la taxation de certaines catégories de produits avec l'application d'un taux ou d'un montant par unité de produit, par exemple 1 % du prix de vente hors taxe des confiseries ou un centime par canette de boisson sucrée.
La deuxième est la taxation des composants jugés mauvais sur le plan nutritionnel - graisses, sel, sucre - et qui entrent dans la composition des produits alimentaires.
La troisième est l'augmentation du taux de la TVA applicable à certains produits, par exemple les barres chocolatées, les sodas, les chips ou les confiseries.
La commission des affaires sociales a, pour l'instant, retenu la première option. Il ne nous a pas paru opportun de proposer, à ce stade, une augmentation de la TVA. Par ailleurs, la taxation des seuls composants est extrêmement complexe à mettre au point ; elle n'a d'ailleurs encore jamais été mise en oeuvre, y compris dans les pays, principalement anglo-saxons, qui disposent d'une « fat tax ».
La commission a donc suggéré - et le Sénat a adopté cet amendement à l'occasion de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 - que l'on taxe simplement les boissons sucrées, à l'exception des jus de fruits et des eaux minérales aromatisées, en appliquant un taux de 1 % au prix de vente hors taxe de ces produits. Le choix des boissons sucrées visait à éviter de toucher des produits de première nécessité, tout en ciblant la taxe sur des produits réellement néfastes sur le plan nutritionnel.
Quels sont les principaux arguments qui militent en faveur d'une telle taxe ?
Premièrement, elle permettrait de donner un signe à nos concitoyens, de susciter une prise de conscience sur les conséquences sanitaires des choix alimentaires. Le monde de la médecine, de même que l'Organisation mondiale de la santé, l'OMS, se prononcent aujourd'hui sans équivoque sur la nécessité de donner cette alerte.
Deuxièmement, elle pourrait contribuer à financer le coût en augmentation rapide des problèmes de santé liés à l'obésité et aux mauvais comportements alimentaires.
Au passage, je souligne que ces mauvais comportements ne sont pas seulement à l'origine des problèmes d'obésité et des pathologies liées au surpoids. Ils provoquent aussi de nombreuses maladies, notamment certains cancers, comme le montrent de façon très claire de récentes études. Il y a donc un enjeu réel et majeur de santé publique à faire évoluer certaines habitudes alimentaires.
Quels sont les principaux arguments avancés contre la taxe ?
D'abord, elle serait une atteinte à la liberté et à la vie privée, une intrusion du Gouvernement dans des choix nutritionnels qui sont éminemment personnels, argument toujours avancé dans les pays anglo-saxons. Mais ne taxe-t-on pas déjà le tabac ou l'alcool pour des raisons précisément liées à la santé de la population ?
Ensuite, la taxe aurait un impact disproportionné sur les populations pauvres ou à faible revenu. Or on observe que ce sont aussi celles qui souffrent le plus des problèmes de santé liés à cette mauvaise alimentation et qu'il convient donc de les accompagner sur un meilleur chemin nutritionnel. C'est à ce titre d'ailleurs que Martin Hirsch, en charge au Gouvernement des solidarités actives, a plusieurs fois insisté sur l'utilité de créer une telle taxe.
Enfin, on souligne souvent la difficulté du choix des aliments taxables. Par exemple, se pose dans notre pays le problème des fromages qui présentent un taux élevé de matière grasse. Cet argument existe bien sûr, mais il ne paraît pas insurmontable.