Intervention de Robert Bret

Réunion du 27 mars 2008 à 9h30
Politique de lutte contre l'obésité — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Robert BretRobert Bret :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en 2000 déjà, l'Organisation mondiale de la santé reconnaissait à l'obésité la qualification d'épidémie.

C'est dire les risques qui y sont liés. Nous les connaissons, il s'agit de la diminution de l'espérance de vie et de l'accroissement des risques cardiovasculaires. À cet égard, nous savons qu'un obèse a dix fois plus de risques qu'une personne de poids normal d'être traité pour les trois facteurs suivants - le diabète, l'hypertension, les anomalies des graisses du sang.

Les risques ne se limitent pas à l'aspect médical, puisque l'obésité a également des conséquences au regard de la société, avec l'exclusion et les discriminations à l'emploi, mais aussi avec le coût que fait peser cette épidémie sur notre système de santé.

Or, sous les apparences d'un débat d'ordre médical et même de santé publique compte tenu de l'ampleur du phénomène, la question de l'obésité soulève des interrogations allant au-delà des seules normes médicales.

Nous pourrions paraphraser un célèbre adage : nous ne sommes pas seulement ce que nous mangeons, mais ce que nous mangeons reflète la société dans laquelle nous vivons.

Parler de l'obésité, c'est introduire une réflexion sur les habitudes alimentaires en elles-mêmes certes, mais également sur la nature des produits entrant dans notre alimentation, sur nos rythmes de vie, le partage de notre temps entre vie professionnelle et vie privée.

C'est également aborder les évolutions de notre société : l'implication du travail à temps partiel et à horaires décalés.

C'est aussi évoquer les crises que nous rencontrons et qui se répercutent à tous les niveaux. Je pense, par exemple, à la précarisation, qui empiète sur les temps nécessaires au repos, à la préparation ou à l'éclatement des temps de repas.

Je l'indiquais préalablement, l'obésité et une bonne part des déséquilibres alimentaires trouvent à la fois leurs conséquences et leurs sources dans les évolutions de notre société, ses déséquilibres et ses crises.

Selon l'étude ObEpi de 2006 réalisée en collaboration avec l'INSERM, la fréquence de l'obésité « reste inversement proportionnelle aux revenus ». Ainsi, les revenus mensuels des personnes atteintes d'obésité représentent moins de 900 euros pour 19 % d'entre elles, se situent entre 1 200 et 2 900 euros pour 18 % d'entre elles, et s'élèvent à près de 5 000 euros pour seulement 5 % d'entre elles. Les chiffres sont clairs !

Une autre statistique qui montre que l'obésité progresse plus vite chez les femmes que chez les hommes vient confirmer ces chiffres. Dès lors, comment ne pas établir un lien entre ces données et le récent rapport du Conseil économique et social, qui confirme ce que nous dénoncions : les femmes sont en plus grande précarité que les hommes, puisqu'elles sont plus souvent soumises aux temps partiels imposés et aux conditions de travail les plus difficiles.

Autant dire, madame la ministre, que la précarisation accroît les risques d'obésité, sachant que la même étude témoigne de la progression constante et croissante des formes les plus graves d'obésité dans les foyers à faibles ressources financières.

Il faut donc agir et ce, à tous les niveaux, tant en France qu'à l'échelon européen.

La France présidera l'Union européenne à partir du mois de juillet prochain. Les pâles propositions du plan santé- jeunesse m'inquiètent quant à la capacité de notre pays d'être une force de propositions sur ce sujet.

Alors que, dans son Livre vert sur l'obésité, la Commission européenne faisait le constat de la nécessité de coordonner les politiques de luttes contre l'obésité, l'on regrettera tous, dans cette enceinte, que de ce Livre vert il ne reste rien, ou si peu, si ce n'est le témoignage de la force des lobbies et des groupes industriels.

Bien entendu, la priorité doit être donnée à la lutte contre l'obésité infantile. Encore une fois, il s'agit bien d'une question sociale et il nous faut faire le choix entre deux modèles de sociétés.

On ne peut ignorer, madame la ministre, que, depuis des années, votre majorité ne cesse de diminuer le nombre de poste de personnels parascolaires dans les établissements. Tous les moyens auront été bons : diminution budgétaire, transferts de personnels non compensés aux collectivités territoriales entre autres, moins d'adultes encadrant les cantines, moins de personnels techniques, ouvriers et de service, ou TOS. Espaces de fabrication à l'origine, les cantines se sont de plus en plus souvent muées en lieux de transformation, où l'on se contente de réchauffer et de distribuer les repas.

Quant aux médecins scolaires et aux nutritionnistes, ils manquent cruellement. On sait pourtant que le système scolaire pourrait être le lieu opportun pour un plan de grande envergure concernant l'éducation des plus jeunes à une alimentation saine et équilibrée. Combien de jeunes, inscrits dans nos établissements, ne font qu'un seul repas dans la journée, celui qui est distribué dans les écoles, collèges et lycées ?

C'est donc à l'école, au sens large, qu'il faut intervenir. Mais, pour ce faire, encore faut-il disposer de moyens humains et financiers, lesquels ne peuvent reposer sur la seule capacité des collectivités locales et territoriales.

La conception gouvernementale de la décentralisation a conduit à de grandes aggravations des disparités entre les régions et les départements. Les collèges et les lycées ne sont pas épargnés.

L'étude de l'ObEpi précise encore que l'obésité se mesure également sur le plan territorial. Le nord de la France, par exemple, connaît une expansion plus grande et plus rapide de l'obésité que le sud de notre pays. Et cela n'est pas du seul fait du « régime crétois » et des vertus de l'huile d'olive, même si ces dernières sont certaines.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion