Intervention de Alain Pichon

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 13 octobre 2010 : 1ère réunion
Audition pour suite à donner à l'enquête de la cour des comptes sur le centre français pour l'accueil et les échanges internationaux egide

Alain Pichon, président de la quatrième chambre de la Cour des comptes :

La Cour a procédé à un contrôle d'EGIDE conformément à la demande adressée par la commission des finances du Sénat. Je dois dire que nos rapporteurs ont reçu, tant des responsables d'EGIDE que des administrations concernées par l'enquête, un excellent accueil, qui nous a permis d'accomplir ce travail dans d'excellentes conditions.

EGIDE, qui fut, historiquement, opérateur du ministère de la coopération, peut être considérée soit comme une association, parfois mal aimée et en proie à des difficultés financières au point que l'on a pu s'interroger sur sa survie, soit comme un vecteur essentiel de la politique de mobilité internationale de la France, dont elle a assuré, avec un certain succès, une partie de la logistique.

La loi du 27 juillet 2010 a prévu la création de l'établissement public industriel et commercial (EPIC) « CampusFrance », au sein duquel EGIDE a vocation à s'intégrer, avec l'ambition d'en faire un instrument efficace, qui faisait un peu défaut jusque là et dont le besoin se faisait sentir, de l'influence et de l'attractivité de la France à l'étranger.

Ajourd'hui, EGIDE dispose d'une expertise reconnue dans la logistique des politiques de mobilité internationale ; son efficacité nous a été confirmée tant par le ministère des affaires étrangères et européennes que par les postes diplomatiques et consulaires que nous avons consultés. La réputation d'EGIDE, parfois mise en cause dans le passé, est donc désormais bien assise, héritage qu'il convient de veiller à conserver dans la perspective de la réforme.

Divers facteurs ont contribué à mettre l'association en danger, conduisant à poser la question de l'équilibre financier du nouvel établissement CampusFrance. C'est pourquoi il faudra veiller, dès le départ, à l'équilibre de la situation financière de ce dernier.

La Cour avait signalé dès 2004 les difficultés financières que rencontrait EGIDE, et qui ont épousé la même inflexion dans les années qui ont suivi, puisque le compte d'exploitation de l'association affichait, en 2009, un solde négatif de 4 millions d'euros, sur un chiffre d'affaire de 16 millions. Parmi les causes, multiples, de la dégradation, la réduction rapide et sensible du volume des crédits gérés par l'association pour le compte du ministère des affaires étrangères et européennes moins 25 % en cinq ans a joué un rôle déterminant. Les postes diplomatiques pouvant faire jouer la fongibilité sur leurs crédits délégués, ceux qui étaient dédiés aux bourses et à l'accueil de personnalités ont été dérivés, pour 15 %, sur d'autres priorités. Compte également le fait que le ministère ne rémunère pas les prestations d'EGIDE de façon équilibrée, ce qui implique un coût pour l'association, puisque le poids des charges et la qualité des prestations ne sont pas financés à leur juste hauteur.

L'environnement administratif, également, a joué un rôle plutôt défavorable, eu égard à l'incertitude qu'il a suscité. La tutelle, qui n'a pas su dégager de stratégie pluriannuelle, a rarement été digne de ce qu'elle attendait d'EGIDE.

Je rappelle que l'association est devenue l'un des opérateurs du ministère des affaires étrangères lors de l'absorption par celui-ci du ministère de la coopération, en 1998, sans qu'un opérateur principal soit alors choisi, le Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (CNOUS) se trouvant cependant privilégié au regard d'EGIDE, jugée affectée du « péché originel » d'être une émanation de l'ancien ministère de la coopération... Sans compter que le CNOUS bénéficie également de subventions du ministère chargé de l'enseignement supérieur. L'intervention concomitante des deux opérateurs, intervenant sur les mêmes zones géographique, a provoqué l'incompréhension des publics visés, nos partenaires étrangers comprenant mal la coexistence des deux entités.

L'activité liée aux bourses est déficitaire pour les deux opérateurs. Cependant, l'avantage, pour les gouvernements étrangers, que présente l'hébergement à prix subventionnés dans les résidences universitaires tend à fausser la concurrence au détriment d'EGIDE.

L'association, malgré de réels efforts de redressement, a ainsi vécu, en même temps que son personnel, une situation de relative précarité. La réforme votée par le Parlement en juillet dernier, qui, suivant notamment les préconisations formulées par la Cour des comptes lors de son précédent contrôle, crée l'EPIC CampusFrance en y intégrant l'activité internationale du CNOUS et celle d'EGIDE, est ainsi bienvenue. On peut attendre de cette réforme une meilleure définition et une harmonisation des types de prestations, mieux ciblées sur leurs publics, une amélioration de l'accueil des boursiers et personnalités étrangères, un meilleur niveau de rémunération des prestations, d'où une amélioration de la transparence.

Mais il faut aller plus loin. Le nouvel établissement doit mettre un terme à des doublons onéreux, rationaliser le maillage territorial, optimiser la gestion des ressources humaines en préservant les compétences, les savoir-faire et le réseau d'EGIDE, actif immatériel qui vaut d'être sauvegardé.

Le pilotage de la réforme mérite d'être renforcé, à deux mois et demi de l'entrée en vigueur prévue pour celle-ci, le 1er janvier 2011. Au moment où la Cour des comptes rendait son rapport, la question du siège du nouvel EPIC n'avait pas reçu de réponse claire, l'impact des synergies devait encore être évalué et les contrats de performance, destinés à définir les orientations, la stratégie de l'Etat, les objectifs fixés aux opérateurs et les modalités d'intégration des trois entités restaient à arrêter.

Ce nouveau CampusFrance doit participer à la promotion de notre enseignement supérieur à l'étranger, alors que la mobilité internationale se développe dans un contexte très concurrentiel. Il importe donc que la naissance de l'établissement s'accompagne de solides garanties. Sa création témoigne d'une politique ambitieuse d'accueil et de projection de nos enseignants et de nos experts ; elle requiert un opérateur robuste, au fonctionnement lisible et dont la pérennité budgétaire, financière et humaine soit garantie sans solution de continuité. C'est à ces conditions qu'une telle politique nous permettra de combler un retard préjudiciable aux intérêts internationaux de la France, pour peu que l'on s'en réfère aux progrès accomplis par nos partenaires européens, qui sont aussi nos concurrents dans ce domaine.

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