La commission procède tout d'abord à l'audition pour suite à donner à l'enquête demandée à la Cour des comptes, transmise en application de l'article 58-2° de la LOLF, sur le Centre français pour l'accueil et les échanges internationaux (EGIDE).
Nous allons procéder à une nouvelle audition de suivi d'une enquête réalisée par la Cour des comptes en application de l'article 58-2° de la LOLF. Cette enquête porte sur l'association EGIDE, Centre français pour l'accueil et les échanges internationaux, opérateur du ministère des affaires étrangères et européennes pour la gestion des bourses et missions d'experts à l'étranger et des invitations de personnalités étrangères en France. Cette audition est ouverte aux membres de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et de la commission des affaires culturelles, ainsi qu'à la presse.
Nous devons l'enquête de la Cour des comptes à l'initiative conjointe de notre collègue Adrien Gouteyron, rapporteur spécial de la mission « Action extérieure de l'Etat », et de notre ancien collègue Michel Charasse, alors rapporteur spécial de la mission « Aide publique au développement », dont Yvon Collin a depuis repris les fonctions. La demande avait été adressée à la Cour des comptes dans la perspective de la réforme du dispositif de gestion des bourses, missions et invitations, prévue par la loi du 27 juillet 2010 relative à l'action extérieure de l'Etat. Elle visait à évaluer la transparence du fonctionnement de l'association EGIDE et l'efficacité de sa gestion.
Je demande à chaque intervenant, pour préserver la possibilité du dialogue, de limiter son intervention liminaire à ses considérations principales. Chaque sénateur qui le souhaite pourra ensuite poser ses questions. Je rappelle que nous aurons, à l'issue du débat, à prendre une décision sur la publication de l'enquête de la Cour au sein d'un rapport d'information.
La Cour a procédé à un contrôle d'EGIDE conformément à la demande adressée par la commission des finances du Sénat. Je dois dire que nos rapporteurs ont reçu, tant des responsables d'EGIDE que des administrations concernées par l'enquête, un excellent accueil, qui nous a permis d'accomplir ce travail dans d'excellentes conditions.
EGIDE, qui fut, historiquement, opérateur du ministère de la coopération, peut être considérée soit comme une association, parfois mal aimée et en proie à des difficultés financières au point que l'on a pu s'interroger sur sa survie, soit comme un vecteur essentiel de la politique de mobilité internationale de la France, dont elle a assuré, avec un certain succès, une partie de la logistique.
La loi du 27 juillet 2010 a prévu la création de l'établissement public industriel et commercial (EPIC) « CampusFrance », au sein duquel EGIDE a vocation à s'intégrer, avec l'ambition d'en faire un instrument efficace, qui faisait un peu défaut jusque là et dont le besoin se faisait sentir, de l'influence et de l'attractivité de la France à l'étranger.
Ajourd'hui, EGIDE dispose d'une expertise reconnue dans la logistique des politiques de mobilité internationale ; son efficacité nous a été confirmée tant par le ministère des affaires étrangères et européennes que par les postes diplomatiques et consulaires que nous avons consultés. La réputation d'EGIDE, parfois mise en cause dans le passé, est donc désormais bien assise, héritage qu'il convient de veiller à conserver dans la perspective de la réforme.
Divers facteurs ont contribué à mettre l'association en danger, conduisant à poser la question de l'équilibre financier du nouvel établissement CampusFrance. C'est pourquoi il faudra veiller, dès le départ, à l'équilibre de la situation financière de ce dernier.
La Cour avait signalé dès 2004 les difficultés financières que rencontrait EGIDE, et qui ont épousé la même inflexion dans les années qui ont suivi, puisque le compte d'exploitation de l'association affichait, en 2009, un solde négatif de 4 millions d'euros, sur un chiffre d'affaire de 16 millions. Parmi les causes, multiples, de la dégradation, la réduction rapide et sensible du volume des crédits gérés par l'association pour le compte du ministère des affaires étrangères et européennes moins 25 % en cinq ans a joué un rôle déterminant. Les postes diplomatiques pouvant faire jouer la fongibilité sur leurs crédits délégués, ceux qui étaient dédiés aux bourses et à l'accueil de personnalités ont été dérivés, pour 15 %, sur d'autres priorités. Compte également le fait que le ministère ne rémunère pas les prestations d'EGIDE de façon équilibrée, ce qui implique un coût pour l'association, puisque le poids des charges et la qualité des prestations ne sont pas financés à leur juste hauteur.
L'environnement administratif, également, a joué un rôle plutôt défavorable, eu égard à l'incertitude qu'il a suscité. La tutelle, qui n'a pas su dégager de stratégie pluriannuelle, a rarement été digne de ce qu'elle attendait d'EGIDE.
Je rappelle que l'association est devenue l'un des opérateurs du ministère des affaires étrangères lors de l'absorption par celui-ci du ministère de la coopération, en 1998, sans qu'un opérateur principal soit alors choisi, le Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (CNOUS) se trouvant cependant privilégié au regard d'EGIDE, jugée affectée du « péché originel » d'être une émanation de l'ancien ministère de la coopération... Sans compter que le CNOUS bénéficie également de subventions du ministère chargé de l'enseignement supérieur. L'intervention concomitante des deux opérateurs, intervenant sur les mêmes zones géographique, a provoqué l'incompréhension des publics visés, nos partenaires étrangers comprenant mal la coexistence des deux entités.
L'activité liée aux bourses est déficitaire pour les deux opérateurs. Cependant, l'avantage, pour les gouvernements étrangers, que présente l'hébergement à prix subventionnés dans les résidences universitaires tend à fausser la concurrence au détriment d'EGIDE.
L'association, malgré de réels efforts de redressement, a ainsi vécu, en même temps que son personnel, une situation de relative précarité. La réforme votée par le Parlement en juillet dernier, qui, suivant notamment les préconisations formulées par la Cour des comptes lors de son précédent contrôle, crée l'EPIC CampusFrance en y intégrant l'activité internationale du CNOUS et celle d'EGIDE, est ainsi bienvenue. On peut attendre de cette réforme une meilleure définition et une harmonisation des types de prestations, mieux ciblées sur leurs publics, une amélioration de l'accueil des boursiers et personnalités étrangères, un meilleur niveau de rémunération des prestations, d'où une amélioration de la transparence.
Mais il faut aller plus loin. Le nouvel établissement doit mettre un terme à des doublons onéreux, rationaliser le maillage territorial, optimiser la gestion des ressources humaines en préservant les compétences, les savoir-faire et le réseau d'EGIDE, actif immatériel qui vaut d'être sauvegardé.
Le pilotage de la réforme mérite d'être renforcé, à deux mois et demi de l'entrée en vigueur prévue pour celle-ci, le 1er janvier 2011. Au moment où la Cour des comptes rendait son rapport, la question du siège du nouvel EPIC n'avait pas reçu de réponse claire, l'impact des synergies devait encore être évalué et les contrats de performance, destinés à définir les orientations, la stratégie de l'Etat, les objectifs fixés aux opérateurs et les modalités d'intégration des trois entités restaient à arrêter.
Ce nouveau CampusFrance doit participer à la promotion de notre enseignement supérieur à l'étranger, alors que la mobilité internationale se développe dans un contexte très concurrentiel. Il importe donc que la naissance de l'établissement s'accompagne de solides garanties. Sa création témoigne d'une politique ambitieuse d'accueil et de projection de nos enseignants et de nos experts ; elle requiert un opérateur robuste, au fonctionnement lisible et dont la pérennité budgétaire, financière et humaine soit garantie sans solution de continuité. C'est à ces conditions qu'une telle politique nous permettra de combler un retard préjudiciable aux intérêts internationaux de la France, pour peu que l'on s'en réfère aux progrès accomplis par nos partenaires européens, qui sont aussi nos concurrents dans ce domaine.
Je vous remercie de cet éclairage sur une institution qui joue un rôle important et qui a traversé des moments difficiles du fait d'une tutelle hésitante, pour ne pas dire évanescente, tandis que l'avènement de l'EPIC CampusFrance apparaît comme le bon moyen de consacrer son action.
Je remercie la Cour des comptes pour la qualité de son enquête, qui fournit des éléments très utiles non seulement pour juger le passé mais surtout pour préparer l'avenir. Le rapport de cette enquête souligne la faiblesse du contrôle effectué par le ministère des affaires étrangères et européennes sur l'association EGIDE, qui s'en est remis, pour l'essentiel, à la seule vigilance de ses postes diplomatiques et consulaires. Il relève l'absence d'indicateurs de performance et demande la mise en place d'une comptabilité analytique, pour éviter toute défaillance du pilotage d'EGIDE dans le futur EPIC. Comment le ministre entend-il répondre à ces nécessités ?
Le président Pichon a souligné combien est proche l'échéance prévue par la loi. Le nouveau CampusFrance sera-t-il en état de marche au 1er janvier ? Ses statuts sont-ils prêts ? Où se situera son siège ? Au-delà, dans quel délai le contrat de performance sera-t-il élaboré ?
Plus largement, quels moyens sont-ils déployés en faveur de la politique française de mobilité internationale des personnes, dont on sait l'importance eu égard à nos ambitions, alors que l'évolution des crédits porte à s'interroger sur la façon dont nous pourrons soutenir la comparaison avec l'effort des autres pays européens, qui sont nos partenaires mais aussi, ainsi que l'a relevé la Cour des comptes, nos concurrents ?
Je remercie à mon tour la Cour des comptes pour son enquête, qui vient utilement alimenter notre réflexion. Son rapport n'aborde guère la question de la pertinence du modèle économique retenu pour fixer les relations financières entre le ministère des affaires étrangères et européennes et ses opérateurs, soit une tarification à la prestation. Est-ce là l'organisation la plus efficace ? Garantit-elle toute la transparence ? Permet-elle d'optimiser les coûts ? Le rapport suggère que tel n'est sans doute pas le cas pour l'activité « événementielle » de l'association, mais qu'en est-il pour celles qui constituent son coeur de métier, soit la gestion des bourses, missions et invitations ? Est-il prévu de reconduire ce système de rémunération pour le nouvel opérateur et, dans l'affirmative, quelles sont les perspectives de relèvement du barème, dont le rapport de la Cour des comptes établit la légitimité ?
Par ailleurs, la direction d'EGIDE peut-elle dissiper les doutes quant à la crédibilité de la stratégie élaborée dans le but d'assurer le relèvement financier de l'opérateur sur la période 2010-2012 ? Peut-on être assurés qu'elle sera en mesure de mettre en oeuvre la maîtrise des ressources humaines annoncée ? Comprenez notre relative inquiétude : le futur EPIC va hériter d'un important passif, et les mêmes causes produisant les mêmes effets...
EGIDE a près de cinquante ans et sa situation financière a toujours été relativement équilibrée jusque vers le milieu de la décennie 2000, sans jamais recevoir de subvention, ce qui peut laisser penser que son modèle économique, fondé sur la rémunération de prestations de service, est relativement viable. Les coûts de gestion représentent aujourd'hui de 8 % à 9 % du chiffre d'affaire, soit un niveau plus que convenable, que connaissent peu de sociétés de prestation de service.
EGIDE perçoit des avances de ses commanditaires, qui, gérées « en bon père de famille », produisent des intérêts qui, mettant en léger excédent le compte d'exploitation des produits financiers, assurent l'équilibre général.
Alors qu'EGIDE a, en dix ans, absorbé deux autres associations, elle compte aujourd'hui moins de 200 salariés, contre 300 lorsque j'en ai pris, il y a dix ans, la présidence, soit une réduction d'un tiers des effectifs sur la période, à même service rendu. Même s'il est vrai que la comptabilité analytique n'est pas assez développée, je ne connais pas beaucoup d'entreprises ni d'opérateurs de l'Etat qui aient conduit un tel effort de rationalisation dans un délai si court, avec un chiffre d'affaire en croissance de 50 %. La Cour des comptes relève, dans son rapport, l'effort de réorganisation conduit pour répondre à un souci de rationalisation.
EGIDE est l'un des rares opérateurs du ministère des affaires étrangères et européennes qui dispose d'un important patrimoine immobilier. Elle est propriétaire de son siège et de plusieurs résidences étudiantes. Ses réserves sont largement suffisantes pour couvrir quelques années de déficit. Un plan de redressement vigoureux a été mis engagé en 2009, suivi à la virgule près : nous redressons la barre.
Les causes de la situation difficile que connaît EGIDE depuis 2005 sont multiples. L'une de ses activités consistait, en vertu de libéralités, à gérer les bourses et invitations de grandes entreprises, pour le compte de ces dernières. La redéfinition de ces libéralités a conduit à la disparition sans compensation de cette activité très rémunératrice, qui permettait de compenser l'insuffisance de la rémunération de ses prestations par le ministère des affaires étrangères et européennes. Quant à ses activités traditionnelles, elles ont connu un fléchissement, notamment pour ce qui concerne la gestion des bourses. J'ai demandé à plusieurs reprises au ministère de pouvoir disposer d'une visibilité sur plusieurs années, afin de dresser un vrai schéma stratégique, sans avoir encore obtenu de réponse claire. Les efforts de diversification, enfin, demandés tant par notre ministère de tutelle que par l'autorité chargée du contrôle budgétaire, requièrent une prospection des marchés, qui est en cours, si bien qu'il n'est pas encore possible de fournir des prévisions chiffrées.
Vous avez évoqué les avantages attachés à la création d'un EPIC plus intégré. J'ai demandé à plusieurs reprises depuis dix ans, en vain, une mutualisation des moyens logistiques des opérateurs du ministère fournissant les mêmes prestations de service qu'EGIDE, afin de réaliser des économies d'échelle. J'ai demandé, dans le passé, qu'EduFrance, devenue CampusFrance, soit hébergé au siège d'EGIDE, suffisamment spacieux, afin de permettre une mise en commun des services support.
Je ne puis le dire puisqu'il n'a pas été donné suite à ma demande.
Il semble qu'elles aient tenu à une question de personnalité, à la tête d'un opérateur qui craignait d'être confondu avec les autres. J'ai été accusé de vouloir absorber les autres ! S'imaginait-on que le vieux serviteur de l'Etat que je suis allait commencer sur le tard une carrière de proconsul ? Notre tutelle n'a, hélas, jamais arbitré.
Nous pourrions loger le nouvel EPIC sans problème. Nous avons engagé des frais préliminaires pour étude. On nous a demandé, une année durant, de réfléchir à une grande maison des opérateurs dont EGIDE serait le financeur, grâce à ses réserves, alors même que notre siège, dont la fermeture est à l'ordre du jour, permettrait d'abriter l'établissement.
Il a été dit qu'EGIDE est la descendante d'une association créée dans l'urgence, au cours des années 1960, par le ministère de la coopération, pour faire face à l'afflux de stagiaires africains, nombreux eu égard au retard qui avait été pris. Le ministère des affaires étrangères, jusqu'aux années 1990, avait pour sa part choisi le CNOUS comme opérateur. À partir de 1985-1986, on a opéré un partage réglementaire, l'un ou l'autre opérateur étant choisi pour gestionnaire selon les catégories de boursiers. Au moment de la fusion des deux ministères, entre 1997 et 1998, on n'a pas tranché entre les deux opérateurs. Depuis, les critères de répartition, qui avaient un sens au milieu des années 1980, sont devenus incompréhensibles pour les postes, avec ce résultat que depuis la fusion, nous avons eu la surprise de les voir se tourner vers l'un ou l'autre opérateur, sans mise en compétition d'aucune sorte mais seulement en vertu de leur culture d'origine.
Au total, j'ai le sentiment qu'EGIDE a rigoureusement resserré ses coûts : le chiffre que j'ai tout à l'heure cité, moins de 10 % de frais de gestion, est éloquent. Hors toute polémique, je ne suis pas sûr que le CNOUS dispose des mêmes éléments d'appréciation de ses coûts réels... Sans compter que la gestion des boursiers est plus onéreuse pour EGIDE, qui sert davantage de prestations que celles assurées par le CNOUS.
Est-ce à dire que votre mode d'appréciation des coûts n'est pas le même que celui du CNOUS ?
Je constate seulement que nous assurons une gestion qui ne dépasse pas 9 % du chiffre d'affaires. Ce n'est pas courant. Au moment de l'intégration dans le futur EPIC, toutes les questions ne seront pas réglées.
Si elles doivent l'être, il serait urgent que nous soyons avertis des dispositions pratiques. À défaut, une période transitoire ne serait pas malvenue...
Je remercie la commission des finances de nous donner l'occasion de cet échange sur un opérateur essentiel pour assurer l'attractivité de la France dans le monde et, partant, son influence, dont on sait que c'est ainsi qu'elle se construira dans les trente prochaines années.
La direction générale dont j'ai la responsabilité est une nouveauté. Elle est issue de la réorganisation du ministère, en 2009, qui visait à se doter d'une direction à même d'assurer le lien entre les projets globaux, figurant en tête de l'agenda international, le développement et la politique d'influence.
Il s'agissait aussi, pour mettre en pratique les décisions prises dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), d'assurer l'établissement et la tutelle des opérateurs, chargés de mettre en oeuvre les stratégies définies par la direction. Nous avons relevé, avec Mme Duchesne, directrice en charge des questions de mobilité, qui m'accompagne, des problèmes de fonctionnement susceptibles de mettre en cause la viabilité économique d'EGIDE. Nous avons beaucoup dialogué avec le président Nemo et son directeur général, Dominique Hénault, ici présent, dont je salue les compétences et l'engagement. Nous avons constaté que si des améliorations avaient été opérées, divers problèmes demeuraient liés au fait que le « fonds de commerce » traditionnel de l'association s'était, au cours des dernières années, réduit dans de larges proportions, sans que vienne le compenser ni une diversification des activités certes engagée, encouragée, mais dont les effets ne se faisaient pas assez rapidement sentir, ni, malgré les efforts, une réduction des coûts de fonctionnement, notamment en personnel. Tout cela dans un contexte rendu plus difficile par la coexistence de deux opérateurs entre lesquels la concurrence n'était pas également assurée, tandis que s'ouvrait, avec la perspective de la fusion, une phase de transition suscitant des incertitudes...
Nous avons réagi, avec le plan de redressement engagé fin 2009, complété par un nouveau plan qui devrait être prochainement adopté par le conseil d'administration, pour assurer la poursuite de la diversification et améliorer la productivité, y compris par la voie des horaires. Nous avons également prévu d'augmenter les tarifs de gestion, pour porter le pourcentage des frais de 9 % à 11 % à l'horizon 2012. Nous avons également entamé une politique de simplification des bourses, pour réduire les coûts de fonctionnement, prévu des cessions d'immeubles, une rationalisation du réseau régional et un effort de réduction du personnel. Nous poursuivons donc de concert cet effort de réaction.
Ce n'est pas de gaîté de coeur que le ministère, qui participe à l'effort de réduction des dépenses de l'Etat, a vu diminuer les crédits consacrés aux bourses. Nous avons toujours été attentifs à sanctuariser les bourses, ainsi que nous l'avons fait en 2010. Mais, comme l'a relevé le président Pichon, nous avons été confrontés à un impondérable : dans un contexte budgétaire contraint, un certain nombre de postes, en charge de la gestion des crédits hors bourses d'excellence, ont préféré, dans le cadre d'enveloppes fongibles, conserver d'autres activités, si bien que le principe de sanctuarisation s'en est trouvé écorné.
M. Nemo souhaitait plus de visibilité : nous la lui apportons. Dans le projet triannuel présenté au Parlement, nous proposons la sanctuarisation des bourses.
Cette mesure s'inscrit-elle dans le projet de loi de programmation des finances publiques ?
Oui, tout à fait. Pour nous assurer qu'il n'y aura pas ponction, nous donnons instruction aux postes de respecter strictement le principe, sous peine d'une sanction qui prendra la forme d'une réduction à due concurrence de l'enveloppe de programmation suivante.
L'établissement du nouvel opérateur CampusFrance apportera un progrès certain. Elle met fin à cinq années d'incertitudes, qui ont affecté les esprits. La loi du 27 juillet 2010 réunit enfin les deux intervenants en matière de gestion des bourses. La double tutelle du ministère des affaires étrangères et européennes et du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche est une bonne chose : elle nous aidera à oeuvrer ensemble pour promouvoir notre politique de mobilité.
Nous avons identifié un préfigurateur, M. Pierre Buhler, ambassadeur, qui a été pressenti pour diriger le nouvel opérateur. Il recevra dans les jours qui viennent une lettre de ses deux ministères de tutelle qui doit lui donner tous les éléments, au 1er décembre, pour l'établissement de l'opérateur. Parallèlement, nous avons lancé, avec le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, un audit indépendant sur la viabilité économique de l'opérateur et sur la question de la comptabilité analytique. Nous avons commencé à travailler sur le contrat d'objectifs et de performance sur trois ans dont tout opérateur de l'Etat doit être doté. Un calendrier est établi, des réunions régulières ont lieu entre les directeurs de cabinet, un comité de pilotage est en place.
Pour ce qui est des locaux, nous souhaitons regrouper les opérateurs rue de la Grange-aux-Belles, dans l'immeuble d'EGIDE, lieu d'accueil de caractère, où nous nous emploierons à maintenir la proximité entre la tutelle et l'opérateur.
Enfin, les inspections des deux ministères de tutelle produiront le rapport prévu par la loi sur l'intégration du CNOUS au sein de CampusFrance.
Nous sommes bien sûr très réactifs face à la mobilité croissante des étudiants dans le monde. Trois millions d'étudiants vivent hors de leur pays ; ce nombre devrait doubler en quinze ans. La France est à la troisième place mondiale pour l'accueil d'étudiants étrangers : notre pays en accueille 270 000, tandis que 100 000 de nos jeunes compatriotes étudient à l'étranger. Nous menons des opérations importantes, par exemple avec les établissements franco-chinois ou encore le projet de « Sorbonne Abu Dhabi ».
Au total, nos activités pour le rayonnement de la France vont bien au-delà des 80 millions d'euros que nous consacrons aux bourses pour les étudiants étrangers.
Le projet de décret est à Matignon, il sera transmis au Conseil d'Etat dans les meilleurs délais. Nous disposerons, au 1er décembre, du rapport des inspections, qui examinera l'ensemble de l'opération, y compris les conditions du transfert de personnel. L'audit sera, lui, disponible en février, préalablement à la conclusion du contrat d'objectifs et de performance que nous comptons signer au premier semestre.
Nous anticipons l'arrivée du CNOUS international dans l'organisation même du service et par des efforts d'assainissement, en particulier avec la disparition des antennes régionales. L'important, c'est de connaître l'opérateur et le périmètre. Nos activités traditionnelles sont sauvegardées, il n'y a plus d'incertitude, chacun peut agir dans la transparence et nous avons encore une marge de progrès avec la diversification et le ciblage des étudiants non boursiers.
Qu'en pense-t-on du côté du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche ?
Le calendrier prévu par la loi de juillet denier est respecté, M. Pierre Buhler recevra dans les tout prochains jours sa lettre de mission, qui fixera un délai impératif de résultat pour le 1er décembre. Le décret sera lui aussi examiné instamment, et transmis au Conseil d'Etat dans les meilleurs délais.
L'accueil d'un nombre toujours plus important d'étudiants étrangers nous invite à adapter nos structures. Le réseau des centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (CROUS) assume ce rôle d'accueil depuis des décennies : 27 % des logements étudiants gérés par les oeuvres universitaires et scolaires accueillent des étudiants étrangers, soit 36 000 logements.
Dans les mêmes conditions financières que celles dont bénéficient les étudiants français. L'égalité de traitement, qui vaut pour les frais d'inscription, s'applique aussi au logement étudiant.
Le projet de loi relative à l'immigration, actuellement en discussion à l'Assemblée nationale, prévoit d'élargir la cotutelle de CampusFrance au ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. La double tutelle est cohérente avec les missions confiées à CampusFrance, renforcer l'attractivité de la France et accueillir des étudiants étrangers qui viennent se former avec des étudiants français ; en revanche, la triple tutelle risque d'alourdir la gestion, sans qu'on en voit la raison d'être. Nous espérons que le Sénat, lors de son examen du projet de loi, maintiendra la double tutelle.
L'efficacité commande de ne pas éparpiller la tutelle. CampusFrance n'ayant aucune compétence en matière de visa, la cotutelle du ministère chargé de l'immigration n'a pas de raison d'être. Elle rendrait la tutelle plus lourde.
Le chiffre de 36 000 logements résulte-t-il d'une décision, ou bien de la demande ?
M. François Bonaccorsi. - Je voudrais corriger des inexactitudes que nous entendons depuis que le CNOUS est sur la sellette.
Le « CNOUS international », d'abord, cela n'existe pas. Le CNOUS dispose d'un service d'accueil des étudiants étrangers et c'est avec les 28 CROUS que nous travaillons en réseau, avec les universités, pour accueillir les étudiants étrangers et les aider dans leurs démarches. Si nous parvenons à loger 36 000 étudiants étrangers, c'est grâce à une politique active, sachant que nous logeons moins de 10 % des étudiants français et que le problème du logement étudiant est important.
J'ai été nommé le 22 septembre et je découvre le dossier. Le rapport de la Cour des comptes laisse penser que notre réseau serait peu réactif : c'est tout à fait inexact. Le CNOUS est même très réactif, fort de son expérience depuis 1958. J'en ai eu l'exemple très récemment, lorsque, en application d'un accord entre le ministère des affaires étrangères et européennes et la Française du Bâtiment, nous avons logé de toute urgence des étudiants sénégalais.
Nous contestons certaines des affirmations du rapport de la Cour des comptes ; mon prédécesseur en a fait état par écrit. On nous reproche de « démarcher » des gouvernements étrangers pour accueillir des étudiants étrangers, alors que c'est l'inverse qui est vrai, et que le ministère des affaires étrangères et européennes nous donne instruction d'honorer les demandes exprimées par les gouvernements ; c'est même eux qui choisissent l'opérateur. Le rapport de la Cour des Comptes nous reproche d'être ce que nous sommes : un opérateur qui met à disposition des logements, notamment à des étudiants étrangers et qui, pour entretenir ces logements, salarie du personnel.
J'apprends ici que l'activité internationale du CNOUS serait intégrée dans le nouvel EPIC : est-ce un projet, ou bien la décision a-t-elle déjà été prise ? Si c'est le cas, il faut nous le dire au plus vite, car les salariés aussi bien que les étudiants s'inquiètent : la fusion aura une incidence sur leur vie quotidienne ! La loi est la loi, nous ferons ce qui doit être fait mais nous devons le savoir très vite.
Pour nous, c'est le rapport conjoint des deux inspections qui doit définir les modalités du transfert des activités internationales du CNOUS, mais rien n'est dit des agents, qui ne savent pas où ils seront en septembre de l'année prochaine.
Peut-être les représentants de la tutelle peuvent-ils tirer au clair cette ambiguïté ?
La loi est très claire : nous allons procéder à l'intégration des activités internationales du CNOUS dans CampusFrance, la mission des inspections du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche et du ministère des affaires étrangères et européennes va en préciser les modalités.
La lettre de mission est prête, elle sera envoyée très prochainement.
Les deux inspecteurs généraux ont déjà été choisis.
Monsieur le directeur du CNOUS, quelles sont vos propositions ou vos suggestions pour cette intégration ?
Je veux d'abord souligner l'importance du travail en réseau capitalisé au fil des années par les oeuvres universitaires et scolaires : les universités attendent beaucoup de nous, pour accueillir les étudiants étrangers qui sont de plus en plus nombreux à s'y inscrire et qui contribuent à leur rayonnement international. Pour l'avenir, plusieurs hypothèses sont à examiner : celle d'un transfert de toutes les activités du CNOUS avec le personnel, mais toutes les activités ne concernent pas l'accueil des étudiants étrangers ; celle du transfert des activités sans le personnel ; enfin, celle où le CNOUS serait la tête de réseau et aurait un rôle de prestataire auprès du nouvel EPIC. Il faut choisir au plus vite, pour en informer les agents, qui sont directement concernés.
Merci à chacun d'entre vous d'avoir bien voulu informer la commission sur ce beau projet du pilotage de l'accueil des étudiants étrangers en France.
Le rapport de la Cour des comptes ne mentionne pas le patrimoine immobilier d'EGIDE, que représente-t-il ?
Le patrimoine comprend l'immeuble du siège et un certain nombre de résidences, apportées lors de la fusion avec l'association des foyers internationaux. Les immeubles ont été comptabilisés à leur valeur historique amortie. Nous n'avons pas repris dans le rapport tous les éléments du bilan.
Oui, par un commissaire aux comptes.
L'organisation de la tutelle est très importante, on l'a vu pour la nomination du directeur de CampusFrance, retardée faute d'accord entre les deux ministères de tutelle. L'actuel groupement d'intérêts publics CampusFrance est cependant parvenu, avec très peu de personnel, à rassembler toutes les universités françaises, à l'exception des trois universités de Strasbourg, pour assurer la promotion de l'enseignement supérieur à l'étranger. C'est fort de cette expérience que l'association ne veut pas fusionner avec EGIDE sans garantie.
Les difficultés financières d'EGIDE tiennent aux choix budgétaires de la nation : les crédits de l'action culturelle extérieure ont baissé de 30 % entre 2002 et 2009, le nombre d'étudiants étrangers accueillis en France a diminué dans les mêmes proportions, passant de 22 500 à 15 600, et le nombre de stagiaires a chuté beaucoup plus, de 12 000 à 4 700. On se félicite de « sanctuariser » un nombre d'étudiants étrangers accueillis, mais il faut savoir qu'il est d'un tiers inférieur à celui qu'on enregistrait il y a dix ans ; c'est autant de moins pour l'activité des organismes qui les accueillent. Quant aux postes diplomatiques, leurs charges incompressibles sont telles qu'ils doivent rogner sur les bourses, comme sur tout : ils vont délivrer principalement des bourses de prestations sociales, qui gonflent les listes sans coûter grand-chose.
La direction générale de la mondialisation devra veiller à ce qu'un semblable contournement de la règle ne se produise pas.
Le ministère des affaires étrangères et européennes n'est pas responsable du recul constant des moyens que l'Etat met à sa disposition pour l'action extérieure. Nous remontons le courant, mais c'est après les coups portés par la RGPP !
Le ministère chargé de l'immigration serait associé à la tutelle : pourquoi ? La tutelle est déjà difficile à deux, elle ne peut que s'alourdir à trois, et pour des raisons tout à fait injustifiées ici.
Un nouvel EPIC verra le jour, sa comptabilité sera-t-elle publique ou privée ? Si c'est une comptabilité publique, pourquoi ne pas créer plutôt un établissement public administratif ?
La comptabilité doit donner une image fidèle du patrimoine et des opérations d'un organisme. L'important n'est pas que la comptabilité soit privée ou publique. Les comptes doivent être sincères, qu'ils soient publics ou privés.
A quel niveau de dépenses le contrôleur financier de chaque ministère aura-t-il son mot à dire ?
La réforme de l'Etat modifie sans doute les conditions d'exercice de la fonction de contrôleur de l'Etat, qu'il faudra redéfinir. On demande que les comptes soient clairs et sincères, on les vérifie, mais on n'est pas là pour les contrôler au jour le jour, dépense par dépense : mieux vaut faire confiance aux gestionnaires, cela les responsabilise.
La question de la tutelle est complexe. Je fais confiance à la cotutelle, mais faire entrer un troisième partenaire me paraît hasardeux. On l'a vu avec l'Agence française du développement, qui devait composer avec une quadruple tutelle. Je crois d'ailleurs que la cotutelle exige une cellule de coordination, plus efficace que la désignation d'un chef de file.
S'il y a tant de ministères, on finira par s'adresser au Premier ministre !
L'idée du Premier ministre était celle d'une cotutelle assurée par le ministère des affaires étrangères européenne et celui de l'enseignement supérieur et de la recherche. D'autres ministères peuvent être associés au conseil d'administration de l'EPIC, mais sans disposer pour autant d'une tutelle. Il faut être efficace.
L'organisation de la cotutelle à deux est déjà avancée, nous envisageons un secrétariat commun.
Je vois dans le rapport de la Cour des comptes que l'Union européenne figure au tableau financier, mais pour un très faible montant. Quelle est la coopération d'EGIDE avec l'Union européenne ?
Par ailleurs, je crois que le ministère chargé de l'immigration ne serait pas du tout à sa place dans la tutelle du nouvel EPIC ; ce serait même une « hérésie » de mêler immigration et accueil des étudiants étrangers.
La ligne budgétaire que vous mentionnez concerne des opérations de jumelage qui ont cessé, et EGIDE ne participe pas, actuellement, à d'autres programmes de l'Union européenne.
Nous arrivons au terme de cette audition, je remercie chacun d'y avoir participé, tout particulièrement le Président Pichon, qui s'apprête à prendre sa retraite. Monsieur le président de la quatrième chambre, je vous exprime toute notre gratitude : nous avons toujours apprécié vos rapports structurés et clairs, qui allaient à l'essentiel. Grâce à vous, nos missions de contrôle de l'action gouvernementale et d'évaluation des politiques publiques ont pris tout leur sens.
Je me félicite que cette audition ait eu lieu, parce qu'elle a amélioré notre information, mais aussi, semble-t-il, celle des services de l'Etat !
La feuille de route est plus claire et nous espérons que le nouvel outil améliorera la situation. Nos rapporteurs spéciaux vont continuer à suivre ce dossier.
Je dois demander à la commission si elle autorise la publication du rapport d'enquête de la Cour des comptes.
La procédure habituelle consiste à communiquer le pré-rapport aux administrations et à tenir compte de leurs remarques pour la rédaction du rapport définitif. La réponse du CNOUS s'appliquait donc au pré-rapport et non au rapport définitif, qui tient compte de cette réponse. On pourrait envisager, comme pour le rapport public annuel, que la Cour des comptes adresse aux administrations concernées le rapport définitif et que leurs observations sur ce document lui soient annexées. C'est une suggestion dont je ferai part au Premier Président de la Cour.
Je trouve singulier que l'Etat insiste sur la coordination, qui est une nécessité, alors que l'on constate que des administrations comme celles que nous venons d'entendre font une application aussi divergente des principes que nous adoptons. Ces différences sont coûteuses, nous devons nous en préoccuper. Ensuite, lorsque nous constatons que le ministère chargé de l'immigration cherche à s'immiscer dans la politique d'accueil des étudiants étrangers, je crois que notre débat ne doit pas être seulement institutionnel, mais d'ordre philosophique.
À l'issue de ce débat, la commission autorise la publication de l'enquête de la Cour des comptes ainsi que du compte rendu de la présente audition sous la forme d'un rapport d'information.
La commission adopte le rapport présenté par M. Adrien Gouteyron, rapporteur, le 6 octobre.
Elle adopte le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement d'Antigua et Barbuda relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale.
La commission entend ensuite une communication de Mme Michèle André, rapporteure spéciale, sur la mise en oeuvre de la révision générale des politiques publiques (RGPP) dans les préfectures.
Nous allons entendre Mme Michèle André, rapporteure spéciale de la mission « Administration générale et territoriale de l'Etat », sur l'application de la RGPP dans les préfectures.
La RGPP s'applique à toutes les missions budgétaires depuis la loi du 9 février 2009 de programmation des finances publiques, en particulier à la mission dont je rapporte les crédits.
Dans les préfectures, la RGPP vise trois dimensions stratégiques de l'activité de ces services déconcentrés de l'Etat : la délivrance des titres d'identité, le contrôle de légalité et la gestion des fonctions support.
Par définition, cette politique touche l'ensemble des agents des préfectures, mais elle concerne plus spécifiquement environ 18 000 emplois équivalent temps plein travaillé (ETPT). Dans ces métiers, elle prévoit la suppression de 2 107 ETPT entre 2009 et 2011, c'est-à-dire 11,7 % des effectifs directement concernés par les « mandats RGPP ».
Des économies budgétaires sont recherchées parallèlement à cet objectif de réduction des emplois. La suppression des 2 107 emplois représente une économie de 104 millions d'euros en dépenses de personnel et 18 millions d'économies de fonctionnement sont attendus sur trois ans. Aucun gain n'est cependant espéré dans le domaine de l'investissement. Au total, la RGPP permettrait ainsi une économie de 122 millions sur trois ans.
Son rythme de mise en oeuvre prévoit un étalement des suppressions d'ETPT sur la période 2009-2011, avec toutefois une accélération du processus entre la première étape (en 2009) et les deux étapes suivantes (en 2010 et 2011). Selon les informations communiquées par le ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, 740 ETPT ont effectivement été supprimés en 2009. L'effort doit se poursuivre en 2010 et en 2011. Au total, les fonctions support devraient perdre 1 011 ETPT, l'activité de délivrance de titres 626 ETPT et le contrôle de légalité 470 ETPT.
Comment ce schéma d'ensemble s'applique-t-il concrètement dans les préfectures ? Et quel est l'impact de cette réforme pour les usagers et les personnels ?
Les résultats à ce jour sont décevants, et même préoccupants.
Si le passage au passeport biométrique a été réussi au 28 juin 2009, conformément aux engagements européens de la France, l'usager a dû attendre plus longtemps pour la délivrance de son passeport. Du fait de la saisonnalité de cette activité, l'été 2009 a représenté une période particulièrement critique avec des délais supérieurs à un mois dans certains départements. Les problèmes informatiques liés au nouveau système de délivrance des passeports biométriques ont ainsi fortement pesé sur les demandeurs souhaitant voyager à l'étranger.
Les espoirs de gains de productivité attendus de ce nouveau système de délivrance ont été déçus. Le récent rapport, présenté par la Cour des comptes à votre commission, sur le prix du passeport biométrique met en évidence un accroissement des charges de personnel portant sur chaque dossier de passeport.
Le nouveau système d'immatriculation des véhicules (SIV) rencontre également des problèmes. Fondé sur un partenariat avec les professionnels de l'automobile, il vise à simplifier les démarches administratives de l'usager lors de la délivrance des cartes grises. Cependant, les propriétaires de véhicule sont très loin de passer toujours par un professionnel de l'automobile pour l'immatriculation : c'est le cas pour 90 % des véhicules neufs, mais seulement 20 % des véhicules d'occasion. Le réflexe d'un particulier achetant un véhicule d'occasion à un autre particulier demeurera encore longtemps de se tourner vers la préfecture. Le passage au SIV a fortement augmenté le délai de traitement des demandes, principalement du fait de difficultés informatiques : on serait passé de 25-30 minutes, à 40 minutes par dossier. Enfin, un coût supplémentaire de transaction est apparu, car la plupart des professionnels font payer leurs prestations d'immatriculation. On peut donc s'interroger sur cette logique consistant à faire financer, par l'usager et au profit d'acteurs privés, d'incertains gains de productivité dans la sphère publique. Devant la préfecture des Alpes-Maritimes, il m'a même été donné d'observer un professionnel qui « rabattait » des usagers découragés par les temps d'attente au guichet et qui leur proposait ses services, plus rapides mais payants !
En matière de contrôle de légalité, la nouvelle stratégie s'appuie sur une concentration des moyens en préfecture. Le sous-préfet conserve un rôle de conseil auprès des élus locaux, mais la RGPP lui fait perdre des cadres A et son activité de conseil va pâtir du fait que l'expertise sera désormais concentrée à l'échelon de la préfecture.
La RGPP s'accompagne d'un recentrage du contrôle sur les actes les plus sensibles et à fort enjeu, tels que l'urbanisme, l'environnement, la commande publique ou les actes budgétaires. Ce recentrage pose la question du « rétrécissement » du périmètre du contrôle de légalité. La diminution du champ prioritaire de ce contrôle ne doit pas se traduire par de l'insécurité juridique, elle-même à l'origine d'un coût social élevé. Juste après la tempête Xynthia, nous avons constaté une certaine fébrilité dans les services, pour s'assurer que les permis de construire délivrés étaient conformes à la loi...
L'impact de la RGPP sur les fonctions support paraît relativement modeste à ce jour. Les préfectures se sont engagées sur la voie de la mutualisation, mais dans un nombre de secteurs relativement restreint. Plus du tiers porte sur les standards téléphoniques, 31,6 % concernent la gestion des ressources humaines, et 10,5 % touchent la fonction achat. La distance rend plus difficile la mise en commun des moyens et il faut articuler les mutualisations régionales entre les préfectures avec des mutualisations interministérielles. Enfin, l'inquiétude des préfectures des départements face à l'affirmation grandissante du rôle pivot des préfectures de région n'est pas sans conséquence sur le nombre limité de mutualisation, que ce frein soit explicité ou pas.
Un récent rapport de l'Inspection générale de l'administration met en lumière les gains très limités de ces mutualisations. Il chiffre notamment à 65 ETPT les économies en emplois réalisées, soit une moyenne de 2,03 ETPT par mutualisation. Ces faibles gains ne permettront pas de couvrir les suppressions d'emplois prévues, pas plus que l'externalisation de certaines tâches n'y remédiera de manière satisfaisante. Ainsi, par exemple, l'externalisation de l'entretien des bâtiments préfectoraux se traduit bien souvent par une perte de qualité dans le service rendu, à un coût qui par ailleurs ne diminue pas.
A ces difficultés de mise en oeuvre des principaux axes de la RGPP dans les préfectures s'ajoute un environnement informatique défaillant. Le progiciel de gestion intégré CHORUS connaît ainsi une mise en route très difficile, qui pénalise les préfectures dans leur recherche d'efficacité et de gain de productivité. En concentrant une part importante des actes budgétaires à la préfecture de région, CHORUS contribue à déresponsabiliser les agents en préfecture, qui perdent les outils nécessaires à une bonne vision de leur gestion.
Ces difficultés peuvent créer au sein des services un climat de défiance à l'égard du changement. Elles contribuent à saper la confiance des équipes dans le processus de modernisation et à brouiller la bonne lecture de la trajectoire budgétaire des services, avec pour conséquence un management rendu moins cohérent.
Le pari de la RGPP paraît en passe d'être perdu dans les préfectures. En quoi consistait-il ? Il s'agissait de réaliser des gains de productivité grâce à une organisation plus performante des services et à un recours accru aux nouvelles technologies. Ces gains de productivité « gageaient » les réductions de postes annoncées, sans dégradation des conditions de travail pour les agents, ni de la qualité du service public rendu à l'usager. A mi-chemin de la programmation triennale de la RGPP, il semble bien que l'espérance d'une amélioration de la productivité soit déçue.
Comme nombre de mes interlocuteurs, à tous les niveaux de la hiérarchie, me l'ont rapporté : « on est arrivé à l'os », « on fait tourner un moteur sans huile ». Les préfectures ont absorbé, avec toutefois une difficulté croissante, les suppressions drastiques d'effectifs en 2009 et en 2010. Mais l'année 2011 pourrait bien être l'année de trop : une pause paraît devoir s'imposer. Il y va de la mise en péril de la qualité du service public dans les préfectures.
Peut-être le débat budgétaire sera-t-il l'occasion de demander au ministre si les préfectures sont appelées à disparaître pour devenir des sous-préfectures régionales...
Il faudra surtout interroger le ministre du budget. J'ai visité un certain nombre de préfectures en région et en département. La quasi-totalité des personnes rencontrées m'ont dit la difficulté de remplir un service public, déjà dégradé, avec des vacataires et un outil informatique défaillant. Pour traiter les dossiers en attente - notamment de cartes grises - certaines préfectures sont obligées de fermer leurs guichets la moitié de la journée, ou de rattraper le retard le samedi, ou bien encore de multiplier les séances de « calinothérapie » pour leur personnel. CHORUS est encore un problème. Les agents sont dévoués, ils ont un grand sens du service public mais ils s'interrogent. Une préfecture a même mis en place une cellule « Souffrance au travail ».
Je suis parfois exaspéré par certaines formules syndicales qui frisent la bêtise.
Cette initiative n'émane pas de syndicalistes mais d'un Secrétaire général de préfecture...
L'outil informatique est défaillant. D'accord, mais a-t-on fait tous les efforts nécessaires pour former correctement le personnel ?
Le ministre de la fonction publique lui-même a appelé l'attention sur le retard de la France en matière de télétravail. Les préfectures ne devraient-elles pas le développer, dans la mesure où c'est un outil bien perçu, mobilisateur et qui concourt au bien-être au travail ?
J'avais retiré de ma visite à la préfecture du Pas-de-Calais une impression plutôt optimiste. Cela tient-il à un volontarisme particulier du préfet de ce département ? Madame André, avez-vous pu y aller et y avez-vous constaté une évolution ? Autrement dit, faut-il désespérer ?
Michèle André a constaté le résultat de la confrontation des préfectures avec deux procédures administratives verticales - dont le Parlement est exclu -, à savoir la RGPP et la réorganisation de l'administration territoriale...
Ce rapport est alarmant mais comment s'en étonner ? On est passé d'une culture du service public -qui comportait quelques travers mais où dominait l'humanisme - à une culture de la performance appliquée par des gens désabusés. Les préfets passent leur temps à prendre les pouvoirs de leurs subalternes tandis qu'ils sont eux-mêmes complètement coiffés par le préfet de région, si bien qu'ils ne songent plus qu'à ne pas exercer cette fonction plus longtemps. Dès lors, qu'on ne s'étonne pas des résultats de la RGPP.
La vraie question, c'est notre vision des sous-préfectures. On n'y a pas répondu. Doit-on les maintenir ? Les sous-préfets viennent maintenant travailler tous les jours à la préfecture. Et quel sera demain le rôle des préfectures par rapport aux préfectures de région ? Beaucoup de services extérieurs de l'Etat sont désormais constitués au niveau régional.
Le préfet du Pas-de-Calais est comme tous les autres, qui font le maximum. De même, j'ai trouvé chez tous les secrétaires généraux la volonté d'organiser leurs services de guichet - dont ils disent qu'ils ne veulent plus - et d'employer au mieux leur personnel en leur donnant les formations adéquates. Pour les cartes grises ou le contrôle de légalité, il n'y a pas de problème de formation. Le problème réside plutôt dans un matériel qui n'est pas facile à manipuler, un outil informatique défaillant et rebelle qui efface tout dès la première erreur, qui bogue sans arrêt, qui oblige à saisir des séries de 13 à 14 chiffres sans séparation : j'ai vu une personne travailler avec une loupe sur son écran d'ordinateur ! La situation s'est améliorée depuis, mais cela avait contribué à allonger les files d'attente. Si bien qu'on a vu arriver les réseaux de garagistes proposant de payer - jusqu'à 150 euros - pour aller plus vite. Il faut être attentif à ne pas laisser passer la délivrance des titres de circulation dans des circuits incontrôlables.
Le personnel des préfectures est donc motivé et il a apprécié que le Parlement s'occupe de son sort. Il est vrai que ce ministère est difficile à gérer, car il comprend « l'alouette de l'administration préfectorale et le cheval du sécuritaire ». Les préfets, eux, ont fait le maximum pour leur personnel de guichet - fonctionnaires de catégorie C - et ils ont fait appel à des vacataires pour absorber le trop plein de demandes.
La question du télétravail n'a jamais été évoquée dans aucune de mes visites.
Oui, monsieur Fortassin, on veut maintenant de la performance. Mais les agents sont performants et j'ai vu des syndicats motivés, même lorsqu'ils voient fondre les effectifs. Lorsque cinquante personnes attendent devant un guichet, la pression est forte sur le personnel.
Les préfets disposent-ils d'un indicateur qui mesure le délai entre une demande et sa satisfaction ?
Ils ont ces mesures mais, lorsque les guichets sont saturés, le travail « d'arrière-guichet » ne se fait plus.
La réorganisation administrative se fait par regroupement dans deux ou trois nouvelles directions selon les départements : celle de la population, celle des territoires et celle de la cohésion sociale. Certaines deviennent très importantes. On constate une grande inquiétude chez les agents de la direction de la cohésion sociale, qui regroupe le logement social, l'ex-direction départementale de l'action sociale et de la solidarité (DDASS) mais sans les médecins, la jeunesse et les sports ainsi que les droits des femmes. Il y a eu des mouvements immobiliers, mais on a du mal à rassembler les gros services.
Certaines sous-préfectures donnent encore l'illusion d'opérer un contrôle, mais leurs dossiers sont transférés au niveau préfectoral. J'ai constaté le pouvoir que sont en train de prendre les secrétariats généraux aux affaires régionales (SGAR). C'est là qu'on va absorber les salariés performants. Par ailleurs, on trouve dans les directions des « technocrates » qui oublient l'existence des élus.
Sans vouloir noircir le tableau, je me vois donc obligée de dire au ministre qu'une pause s'impose avant de passer à la troisième tranche de suppressions de postes sur ces missions là.
Certes, mais nous devons aussi respecter l'impératif de réduction de la dépense publique et de retour à l'équilibre des comptes publics.
Ma proposition était : « La RGPP dans les préfectures ou la mise en péril de la qualité du service public ».
Il ne faudrait pas que cela donne argument à ceux qui ne veulent rien changer. Dans certains départements, cela marche bien. Par ailleurs, je n'ai pas l'impression que l'administration centrale se dégarnisse beaucoup. Il faudrait un meilleur équilibre entre son sort et celui du terrain, où les services sont « arrivés à l'os ».
J'évoque précisément cette question dans mon rapport.
A l'issue de ce débat, la commission des finances donne acte à Mme Michèle André, rapporteure spéciale, de sa communication et en autorise la publication sous la forme d'un rapport d'information.
- Présidence commune de M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, et de Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales -
Enfin, la commission entend, conjointement avec la commission des affaires sociales, une communication de MM. Auguste Cazalet, Albéric de Montgolfier, rapporteurs spéciaux, et Paul Blanc, rapporteur pour avis, sur l'évaluation des coûts de l'allocation aux adultes handicapés (AAH).
L'allocation aux adultes handicapés ou « AAH », financée par le programme « Handicap et dépendance » de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », représentera en 2011 une dépense annuelle de près de 7 milliards d'euros, soit plus de la moitié des crédits de la mission.
L'AAH est accordée aux personnes handicapées remplissant des conditions d'âge, de nationalité, de résidence, d'incapacité et de ressources. Il existe deux régimes d'AAH. Le premier est régi par l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale : à ce titre, sont éligibles de droit à la prestation les personnes dont le taux d'incapacité est supérieur à 80 % ; le second est régi par l'article L. 821-2 du même code : à ce titre, sont éligibles les personnes dont le taux d'incapacité est compris entre 50 % et 79 % et qui connaissent une « restriction substantielle et durable d'accès à l'emploi ».
Dans les deux cas, l'allocation est versée de façon subsidiaire par rapport aux prestations vieillesse ou invalidité et peut se cumuler avec des revenus d'activité dans la limite d'un plafond annuel d'environ 8 000 euros pour une personne seule. Elle est également différentielle, c'est-à-dire qu'elle compense la différence entre les éventuelles ressources de la personne et le montant maximal de l'AAH. Pour cette raison, on parle de « montant moyen versé » puisque tous les bénéficiaires ne perçoivent pas la même somme. Enfin, l'allocation est « familialisée », l'ensemble des revenus du foyer étant pris en compte pour son calcul. Par exemple, une personne handicapée dont le conjoint gagne plus de 17 000 euros par an ne sera pas éligible à la prestation.
Ce contrôle budgétaire est d'abord né de la volonté de comprendre les déterminants de la dépense au titre de l'AAH. En effet, chaque année, à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances initiale, les commissions des finances et des affaires sociales expriment un certain scepticisme à l'égard de la prévision de dépense inscrite dans le budget. De manière systématique, ces crédits apparaissaient sous-évalués au regard des besoins réels. Et, à chaque fois, les lois de règlement successives sont venues confirmer l'analyse.
Dès lors, la première question est la suivante : est-il possible d'appréhender et d'évaluer a priori la dépense d'AAH de manière satisfaisante ? Ou bien les critères d'attribution de cette prestation sont-ils à ce point complexes qu'il n'est pas concevable d'établir une prévision budgétaire fiable ?
Au-delà de cette problématique purement budgétaire, il convient de s'intéresser à la réforme de l'AAH annoncée par le Président de la République en juin 2008. Celle-ci a été construite autour de deux principes. Premièrement, il s'agit d'améliorer les conditions de vie et le niveau de ressources des personnes handicapées : le montant de l'AAH fait ainsi l'objet d'une revalorisation de 25 % sur la durée du quinquennat. Deuxièmement, la réforme cherche à renforcer l'insertion professionnelle des personnes handicapées, selon la formule « faire de l'AAH un tremplin vers l'emploi », ce qui constitue un objectif ambitieux. La seconde question porte donc sur sa mise en oeuvre : pourra-t-elle atteindre les objectifs qu'elle s'est fixé ? Si oui, dans quelles conditions ?
L'AAH constitue une dépense très dynamique, dont la croissance est soutenue. Elle est passée de 4,4 milliards d'euros en 2002 à près de 6,6 milliards cette année et elle pourrait dépasser 7 milliards l'année prochaine. Le nombre de bénéficiaires ne cesse d'augmenter, passant de près de 690 000 en 1998 à environ 885 000 en 2010 et, probablement, plus de 900 000 en 2011. La même tendance s'observe pour le montant moyen versé. D'un peu plus de 490 euros en 2002, il devrait atteindre 625 euros en 2010, en raison, pour partie, de la revalorisation de l'AAH de 25 % d'ici à 2012.
L'évolution de cette dépense n'est pas toujours correctement traduite dans les prévisions budgétaires initiales et, depuis 2006, l'écart croît de façon exponentielle entre la prévision et l'exécution : de 42 millions d'euros en 2006, il devrait atteindre plus de 400 millions en 2010. Il semblerait néanmoins que la prévision inscrite dans le projet de loi de finances pour 2011 soit un peu plus sincère. Peut-être allons-nous abandonner cette « politique de l'autruche » qui consiste à occulter le dynamisme de la prestation, et donc à sous-budgétiser l'AAH.
Car, au-delà même du principe de sincérité budgétaire, sans lequel l'autorisation parlementaire n'a pas de sens, la sous-évaluation de l'AAH a directement pesé sur les comptes de la sécurité sociale. L'AAH est en effet servie par les caisses d'allocations familiales (CAF). Les crédits votés en loi de finances leur sont donc transférés. S'ils sont insuffisants - et c'est le cas chaque année - la sécurité sociale devient créancière de l'État. Pendant plusieurs années, celui-ci a laissé perdurer cette situation. En 2007, un versement exceptionnel d'environ 100 millions d'euros a apuré les dettes contractées au titre de l'AAH. Depuis, les lois de finances rectificatives de fin d'année ont toujours permis de régulariser la situation de l'État.
Il n'en demeure pas moins que, en cours d'année, la sécurité sociale supporte malgré tout la charge de trésorerie liée à cette sous-budgétisation. Le découvert de trésorerie de l'ensemble des régimes de sécurité sociale devrait dépasser, en 2010, 50 milliards d'euros. Il est donc très regrettable que l'État l'alimente, même de manière infime, alors qu'une programmation prudente de la dépense d'AAH permettrait de l'éviter.
Les déterminants de la dépense d'AAH sont nombreux et guère faciles à appréhender ou, plus exactement, il apparaît délicat de les pondérer les uns par rapport aux autres. Je vais en premier lieu distinguer les effets conjoncturels des effets structurels.
Deux effets conjoncturels se conjuguent et peuvent expliquer une partie de la forte progression récente de la dépense : il s'agit, d'une part, de la revalorisation de l'AAH, d'autre part, de la crise économique. La revalorisation emporte d'abord, très logiquement, un effet-prix puisqu'elle conduit mécaniquement à verser un montant moyen plus élevé aux bénéficiaires. C'est d'ailleurs sa finalité. Mais, de manière plus subtile, elle emporte également un effet-volume. En effet, l'AAH est attribuée à la condition que les ressources de la personne handicapée ne dépassent pas un certain plafond. Celui-ci est calculé en fonction du montant maximal de l'AAH - qui fait l'objet d'une revalorisation. En conséquence, la progression du montant d'AAH, et donc du plafond, est beaucoup plus rapide que celle des salaires. Il en résulte qu'un certain nombre de personnes handicapées, qui n'étaient pas éligibles à la prestation car leurs ressources étaient supérieures au plafond, peuvent désormais entrer dans le dispositif. Avec la crise, cet effet-volume est bien évidemment renforcé puisque, en moyenne, les ressources des ménages diminuent.
Voilà pour les effets conjoncturels. Seule la démographie constitue un effet réellement structurant dans l'évolution de l'AAH. En effet, la probabilité de percevoir l'AAH augmente jusqu'à l'âge de quarante-cinq ans, puis se stabilise. Concrètement, cela signifie que la part des « accidentés de la vie » est plus importante que celle des « handicapés de naissance » au sein des allocataires. Or il se trouve que la génération des quarante-six - cinquante-neuf ans est également la plus nombreuse dans l'ensemble de la population française. Ainsi, la concordance de la dynamique démographique propre à l'AAH et de celle de la population française conduit logiquement à augmenter le nombre de bénéficiaires. A l'inverse, au cours des prochaines années, l'arrivée à l'âge de la retraite des bénéficiaires de l'AAH devrait diminuer leur nombre.
Est-il possible de prévoir de manière plus fiable et plus juste la dépense de cette prestation sociale ? En première analyse, il semblerait que non. La conjonction des effets structurels ou conjoncturels, qui peuvent jouer autant à la hausse qu'à la baisse, devrait imposer la plus grande prudence dans l'élaboration des prévisions. Pourtant, il apparaît nettement que la tendance générale de progression de la dépense d'AAH est parfaitement linéaire. L'exercice 2008, première année de revalorisation de l'AAH, marque une inflexion mais la même linéarité semble devoir être observée.
Vos rapporteurs souhaitent, par conséquent, que le montant des crédits inscrits dans le projet de loi de finances corresponde, au minimum, à la tendance moyenne de progression de la dépense observée au cours des cinq dernières années. Sur cette base, la dotation de l'AAH, pour 2011, serait sous-budgétisée d'au moins 100 millions d'euros.
De même, nous proposons que le calcul a priori de la dépense d'AAH ne prenne pas en compte les mesures d'économies escomptées qui, lors des années précédentes, ne se sont pas réalisées. De surcroît, la méthode retenue pour les calculer n'apparaît pas assez fiable. Il serait donc plus juste de ne les constater qu'a posteriori...
Engagée par le Président de la République, en juin 2008, lors de la conférence nationale du handicap, cette réforme opère un renversement de la logique qui a prévalu jusqu'alors, qui consistait à mesurer le taux d'incapacité permanente des personnes handicapées plutôt que d'identifier leurs facultés à exercer une activité professionnelle. Cette nouvelle approche souhaite favoriser l'emploi des personnes handicapées qui sont en mesure de travailler et garantir un niveau de revenu digne à celles qui sont durablement éloignées de l'emploi. Plusieurs mesures devaient y contribuer : la revalorisation de l'AAH de 25 % d'ici à 2012 ; l'évaluation systématique des capacités professionnelles de la personne handicapée à l'occasion d'une première demande d'AAH ou d'un renouvellement et l'obligation pour les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) d'assortir toute reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) d'une décision d'orientation professionnelle ; la suppression de la condition d'inactivité préalable d'un an pour l'attribution de l'AAH aux personnes ayant un taux d'invalidité compris entre 50 % et 80 %, ce qui permet aux bénéficiaires potentiels de percevoir l'AAH dès leur premier jour d'inactivité et les incite à accepter des missions temporaires de courte durée, ce dont on ne peut que se féliciter ; la suppression de la limite d'âge de trente ans opposable aux travailleurs handicapés pour accéder aux contrats d'apprentissage ; enfin, la révision trimestrielle du montant de l'allocation et la mise en place d'un taux de cumul plus avantageux des revenus d'activité avec l'AAH.
Si nous nous réjouissons que les engagements en faveur de la revalorisation de l'AAH aient finalement pu être tenus malgré un contexte budgétaire très contraint, nous devons déplorer en revanche que les mesures susceptibles de favoriser l'insertion professionnelle des bénéficiaires de l'AAH n'aient toujours pas été mises en oeuvre, faute des dispositions réglementaires et des financements nécessaires. Ainsi, dans l'attente de ce décret, l'application des nouvelles modalités de cumul des revenus d'activité avec l'AAH et la mise en place de la déclaration trimestrielle de ressources pour les quelque 80 000 allocataires travaillant dans le milieu ordinaire a été repoussée au 1er janvier 2011.
Nous vous proposerons de renoncer, dans l'immédiat, à mettre en oeuvre cette seconde mesure, très contraignante pour les personnes handicapées et qui suscite une forte réticence des associations. De plus, sa faible portée - elle ne concerne pour l'instant qu'à peine 10 % des allocataires - et les coûts de gestion qui en résultent minorent les économies que l'on pouvait en attendre.
Par ailleurs, les MDPH et le service public de l'emploi ne disposent pas des moyens nécessaires pour s'acquitter des nouvelles missions qui leur ont été confiées, c'est-à-dire l'évaluation des capacités et des compétences professionnelles des nouveaux demandeurs de l'AAH et leur accompagnement vers l'emploi. D'abord, il n'existe aucun outil opérationnel d'évaluation : les experts chargés de construire une grille d'appréciation objective de l'employabilité ont conclu à l'impossibilité d'élaborer un guide barème semblable à celui qui existe pour déterminer le taux d'incapacité. Ensuite, les moyens humains ont été diversement estimés : les personnels nécessaires aux MDPH pour l'évaluation des capacités professionnelles des demandeurs et leur orientation s'élèveraient à 30 équivalents temps plein (ETP), en conservant la méthode actuelle et en ciblant les mesures sur les seuls primo-demandeurs, mais à 429 ETP, en faisant le choix d'entretiens individuels approfondis pour tous les demandeurs. Pour 2011, le Gouvernement a pris le parti de réserver le bénéfice de l'accompagnement vers l'emploi aux primo-demandeurs, tout en prévoyant d'expérimenter de nouvelles modalités d'évaluation et d'orientation dans une quinzaine de départements. Dans le contexte budgétaire actuel, le choix d'une mise en oeuvre progressive de la réforme nous paraît sage. Mais il nous semblerait plus judicieux de la financer en puisant dans les réserves de trésorerie des deux fonds collecteurs que sont l'Agefiph et le Fonds d'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (le FIPHFP), plutôt que de solliciter les moyens déjà insuffisants des MDPH.
Il convient également de créer les conditions d'un meilleur accueil des personnes handicapées sur le marché du travail, en mobilisant de façon plus incitative les entreprises de moins de vingt salariés non assujetties à l'obligation d'emploi et en développant la mise en place de partenariats d'insertion et de formation entre les grands groupes, l'Agefiph et les organismes de placement spécialisés.
En même temps, il est indispensable d'expliciter les notions d' « employabilité faible » ou de « restriction substantielle et durable d'accès à l'emploi ». Ce critère, qui figure à l'article L. 821-2 du code de la sécurité sociale et qui conditionne l'attribution de l'AAH aux demandeurs dont le taux d'incapacité est compris entre 50 % et 79 %, aurait dû faire l'objet d'un décret précisant son contenu et ses modalités d'application. Or il n'est toujours pas paru. Cette carence explique en grande partie les divergences de pratiques observées d'un département à l'autre et conduit à des disparités importantes dans les taux d'attribution des demandes.
Afin de garantir une meilleure équité de traitement des demandes d'AAH, vos rapporteurs recommandent de renforcer les mesures d'harmonisation, d'évaluation et de contrôle des procédures mises en oeuvre par les MDPH. Cela suppose, d'une part, d'intensifier les actions de formation des membres des équipes pluridisciplinaires et des commissions des droits et de l'autonomie ; d'autre part, de renforcer le contrôle de l'État dans la prise de décision en autorisant ses représentants à la CDAPH à demander le réexamen d'un dossier qu'ils considéreraient comme problématique.
A terme, si nous voulons tirer toutes les conséquences de la réforme voulue par le Président de la République, nous n'échapperons pas à une remise à plat de l'actuel régime juridique de l'AAH, qui se caractérise par trop d'incohérences et d'ambiguïtés. Nous pourrions alors abandonner la distinction entre les deux régimes d'AAH fondée sur le seul taux d'incapacité en privilégiant une différenciation des publics selon leur capacité ou non à exercer une activité professionnelle.
Dans ce schéma, l'éligibilité à l'AAH serait conditionnée à un taux d'incapacité supérieur à 50 % et à la nécessité de justifier d'une faible employabilité. Ainsi, ceux qui seraient en mesure de travailler bénéficieraient d'un accompagnement adapté vers l'emploi, tandis que ceux dont la capacité de travail serait jugée trop faible percevraient un complément d'AAH afin de leur assurer une vie digne. Nous devons garder cet objectif à l'esprit même si nous savons que, faute de disposer de travaux préparatoires suffisants, il n'est pas réalisable à court terme.
La réforme de l'AAH n'est donc pas achevée, loin s'en faut. Il convient dès à présent de préparer la prochaine étape, en veillant à ce que les nouvelles règles conditionnant l'attribution de cette prestation gagnent en cohérence et en clarté et ne se traduisent pas par une augmentation non maîtrisée de la dépense et des disparités territoriales grandissantes. Cela suppose que l'État reprenne toute sa place dans l'élaboration des procédures d'évaluation des demandes et qu'il se donne les moyens d'en assurer le contrôle permanent ainsi qu'une évaluation régulière.
Je retiens de vos communications qu'il faudrait, dans le prochain projet de budget, augmenter d'au moins 100 millions d'euros la dépense de l'AAH.
Il faut tenir un langage de vérité et ne pas sous-estimer le coût de cette allocation et, à l'inverse, ne pas surestimer le coût du RSA activité.
Les louables intentions du législateur ont souvent du mal à se concrétiser au profit de ceux qu'elles visaient. La carte des taux d'attribution de l'allocation que vous nous avez distribuée est saisissante. Pourquoi un tel écart entre les départements ? Il y en a certains où l'on est particulièrement handicapé...
Dans les départements qui abritent beaucoup d'établissements spécialisés - la Lozère, par exemple - il y a davantage d'allocataires que dans les autres.
Si le taux de demandes varie d'un département à l'autre, il faut aussi compter avec des différences dans les pratiques et les critères d'attribution.
Le taux d'acceptation des demandes varie, selon les départements, de 50 % à 80 %.
Beaucoup de MDPH ont du mal à recruter des médecins. De plus, elles connaissent des tensions internes du fait de l'actuelle réorganisation et tout cela freine le règlement des dossiers. La solution n'est donc pas, d'emblée, de renforcer le contrôle de l'État.
Mais celui qui paye, ce n'est pas le département ! Il s'agit d'une allocation nationale ; il faut donc une harmonisation.
On peut cumuler l'AAH avec un salaire dans la limite de 8 000 euros annuels. Pourquoi favoriser ce cumul ? Certes, celui qui travaille a des frais mais un handicapé mental a lui aussi des besoins à satisfaire.
En ce qui concerne la sous-estimation des inscriptions budgétaires, nous constatons le même problème pour la dotation de l'aide médicale de l'Etat - l'AME. Peut-on contraindre le Gouvernement à réévaluer le budget prévu pour l'AAH ou l'AME ou bien le rapporteur général de la commission des finances pourra-t-il déposer un amendement de réévaluation sans qu'on lui oppose l'article 40 ?
Puisque l'augmentation du nombre des allocataires s'explique par l'augmentation du nombre des « accidentés de la vie », il serait bon d'évaluer le coût d'une politique de prévention des accidents.
Lorsque les allocataires de quarante-cinq à cinquante-neuf ans atteignent l'âge de la retraite, ils basculent dans le minimum vieillesse. Il faut en anticiper les conséquences pour le fonds de solidarité vieillesse.
Vous parlez de mesures d'économies. Desquelles s'agit-il ?
Il serait bon d'interpeller le Gouvernement sur sa récurrente carence règlementaire : les ministères traînent trop souvent les pieds pour sortir les décrets d'application.
Le département des Pyrénées-Atlantiques abritait beaucoup d'établissements de cure, devenus établissements médico-sociaux, ce qui explique le nombre importants d'allocataires. Et la création en 2006 des MDPH, structures spécialisées bien identifiées tant par les médecins que par les handicapés, a créé un appel d'air, multipliant le nombre de demandes. Ces MDPH présentent l'intérêt de pouvoir faire une évaluation, ce qui est indispensable, même si cela a un coût.
Monsieur Vasselle, je vous signale qu'un handicapé mental peut travailler à temps partiel. Pour un handicapé, le travail, outre le salaire, apporte le sentiment d'être opérationnel.
Le taux d'AAH dans l'Aisne apparaît très élevé, mais la carte que vous nous avez distribuée manque d'une légende explicite.
Il est vrai qu'une légende nous éclairerait ; nous travaillons beaucoup sur la cartographie...
Les entreprises qui n'emploient pas le pourcentage légal de personnes handicapées doivent s'acquitter d'une pénalité...
Il se trouve que l'on a vu arriver devant les commissions de l'autonomie des flux considérables, qui laissent à penser que les entreprises y poussent certains de leurs salariés, pour échapper à la sanction...
Le phénomène est beaucoup moins important que ce que l'on peut croire, tant dans les entreprises que dans la fonction publique. A l'inverse, beaucoup de travailleurs handicapés ne souhaitent pas de reconnaissance de cette qualité, notamment pour ne pas être pénalisés auprès des banques lors d'une demande de crédit.
Pour ce qui concerne les collectivités, il faut leur reconnaître qu'elles ont coutume d'employer des personnes qui auraient pu bénéficier de la reconnaissance, de ceux que, dans un village, on appelle le « simple d'esprit », par souci d'intégration. Il n'est pas anormal qu'elles aient aujourd'hui le souci de le faire reconnaître.
Ceux qui peuvent travailler, monsieur Vasselle, conquièrent un statut social en même temps qu'ils bénéficient d'un complément de revenu et cela est inestimable. Ceux qui ne sont pas en mesure de travailler peuvent, quant à eux, percevoir une allocation complémentaire de 180 euros.
En ce qui concerne l'inscription budgétaire des crédits, je rappelle qu'à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances initiale pour 2010, nos deux commissions avaient adopté des amendements visant à faire basculer des crédits du RSA vers le handicap. Or, nous avons eu la surprise de voir les sénateurs présents en séance suivre comme un seul homme l'avis défavorable du Gouvernement... Cela m'a mis dans une sainte colère, au point que je me suis juré que cette année, si nous sommes suivis en commission, nous serions suivis en séance !
S'agissant de l'employabilité des accidentés de la vie, le rapport préconise une prise en charge et la mise en oeuvre d'une action d'insertion dès lors qu'il s'agit d'éviter des troubles postérieurs.
L'impact sur le fonds de solidarité vieillesse ? Avec le vote du texte en cours d'examen sur l'équilibre de notre système de retraites, il restera marginal.
A la lumière des faits, monsieur Lorrain, je me réjouis que l'on ait maintenu, pour les MDPH, le statut de groupement d'intérêt public (GIP), qui préserve la présence de l'État, chargé d'assurer l'égalité de traitement sur l'ensemble du territoire. Il est normal, par ailleurs, que les payeurs aient leur mot à dire.
Lors de l'examen de la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST), nous avions présenté un amendement visant à inclure dans l'intitulé le médico-social, et j'avais demandé que les ARS participent aux commissions des droits et de l'autonomie des personnes handicapées.
Peut-être accusons-nous à tort les entreprises ? A-t-on une idée de l'évolution, sur les trois dernières années, des recettes de l'Agefiph ?
Elles ont augmenté, mais cela tient aussi à l'aggravation des pénalités, qui sont passées, pour une entreprise n'employant aucun salarié handicapé, de 400 à 1 500 fois le Smic. La loi de 2007 avait donné trois ans pour se mettre en règle : aujourd'hui, les pénalités tombent. C'est pourquoi les entreprises ont pris la question à bras le corps. Je dois me rendre la semaine prochaine à Lyon à l'invitation des chambres de commerce pour plancher sur cette problématique.
Tout cela est en effet très délicat.
Le droit d'amendement au projet de loi de finances, monsieur Vasselle, n'est pas une prérogative de la commission des finances. Tout sénateur peut amender des crédits à condition de gager l'amendement sur d'autres crédits pris à l'intérieur de la même mission. S'il apparaît, par exemple, que sur la ligne consacrée au RSA, les crédits sont plus importants que de besoin, chacun aura loisir de présenter un amendement pour sortir une somme de cette ligne en faveur de l'AAH.
Sur tous les amendements présentés l'an passé, la commission des affaires sociales et la commission des finances étaient en parfait accord.
Le Sénat n'est jamais plus fort que lorsque ses commissions sont en accord...
Le même raisonnement vaut pour l'AME mais qui est inscrite sur la mission « Santé ».
Il n'est, en revanche, pas possible de prévoir le transfert de crédits d'une mission à l'autre.
A l'issue de ce débat, la commission des finances et la commission des affaires sociales donnent acte à MM. Auguste Cazalet, Albéric de Montgolfier, rapporteurs spéciaux, et Paul Blanc, rapporteur pour avis, de leur communication et en autorisent la publication sous la forme d'un rapport d'information.