Intervention de Philippe Goujon

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 7 juin 2006 : 1ère réunion
Résolutions européennes — Transfèrement des personnes condamnées - examen du rapport des amendements et adoption de la proposition de résolution de la commission

Photo de Philippe GoujonPhilippe Goujon, rapporteur :

a d'abord observé que le projet de décision-cadre, présenté à l'initiative de l'Autriche, de la Finlande et de la Suède le 12 avril 2005, impliquait une profonde transformation du régime de transfèrement des personnes condamnées au sein de l'Union européenne. En effet, il a rappelé que la convention du Conseil de l'Europe du 21 mars 1983 prévoyait actuellement qu'une personne condamnée à une peine privative de liberté dans un Etat signataire pouvait exécuter cette sanction dans l'Etat dont elle était ressortissante, à la condition que ce transfèrement recueille l'accord du détenu, de l'Etat de condamnation et de l'Etat d'exécution. En outre, les faits qui avaient donné lieu à la condamnation devaient également constituer une infraction dans l'Etat d'exécution (principe de la double incrimination). Enfin, a ajouté le rapporteur, l'Etat d'exécution pouvait choisir de mettre en oeuvre la peine telle qu'elle avait été prononcée par l'Etat de condamnation, de l'adapter ou de la convertir en une peine prévue par sa propre législation.

Au regard de ces principes, a poursuivi le rapporteur, le projet initial de décision-cadre apportait plusieurs innovations en obligeant l'Etat d'exécution à prendre en charge l'exécution de la peine privative de liberté sur son territoire et en supprimant le principe du consentement de la personne condamnée. Par ailleurs, le transfèrement pourrait concerner non seulement les ressortissants de l'Etat d'exécution, mais aussi ses résidents permanents, ainsi que les personnes ayant d'« autres liens étroits » avec lui. En outre, le contrôle de la double incrimination ne serait plus exigé pour une liste de 32 catégories d'infractions identiques à celles retenues pour le mandat d'arrêt européen. Enfin, un délai de trois semaines serait fixé à l'autorité compétente de l'Etat d'exécution pour se prononcer sur la mise en oeuvre de la condamnation qu'il serait par ailleurs désormais impossible de convertir sous la forme d'une autre peine.

a relevé que ces dispositions auraient pour effet d'élargir le champ d'application du transfèrement en lui donnant un caractère quasi automatique. Il a indiqué que le projet de décision-cadre avait suscité deux réserves majeures de la part de la délégation pour l'Union européenne. Celle-ci avait d'abord constaté, a-t-il précisé, qu'en l'absence de toute disposition formelle des traités, il n'existait aucun fondement juridique à l'obligation faite à un Etat membre de prendre en charge les coûts et les risques de la détention d'une personne condamnée par un autre Etat membre pour un fait commis, par hypothèse, sur le territoire de cet Etat. En second lieu, il a indiqué que la délégation pour l'Union européenne avait critiqué la contradiction entre l'objectif de réinsertion sociale avancé par les initiateurs du projet de décision-cadre et l'absence de consentement de l'intéressé. La délégation avait, a-t-il ajouté, conclu à la nécessité de l'accord de la personne et de l'Etat concerné par le transfèrement.

Evoquant alors l'état de la négociation, le rapporteur a noté que les discussions entre les Etats membres de l'Union européenne laissaient penser que le projet initial de décision-cadre serait infléchi dans un sens plus proche des préoccupations de la délégation. Il a d'abord relevé que le texte en discussion ne faisait plus référence désormais au principe selon lequel l'Etat d'exécution serait tenu d'accepter le transfèrement sur son territoire de condamnés qui avaient avec lui des « liens étroits ». En outre, il a noté que les conditions dans lesquelles cet Etat aurait à assumer l'exécution de la peine seraient limitées à trois hypothèses :

- lorsque la personne serait transférée dans l'Etat dont elle était la ressortissante et où elle possédait aussi sa résidence ;

- lorsqu'elle serait transférée dans l'Etat vers lequel elle devrait être reconduite à l'issue de l'exécution de sa peine en exécution d'une décision faisant obstacle à son maintien dans l'Etat de condamnation ;

- enfin lorsqu'elle serait transférée vers son Etat de résidence habituelle et légale.

A ce stade, a observé M. Philippe Goujon, rapporteur, le Gouvernement français avait maintenu une réserve sur cette proposition de compromis afin que la notion de résidence habituelle puisse être précisée en conformité avec les définitions retenues par les instruments communautaires existants. Par ailleurs, il a souligné que la présidence de l'Union européenne avait proposé de réintroduire le principe du consentement de l'intéressé et de ne l'écarter que dans trois hypothèses :

- lorsque le condamné serait transféré dans l'Etat dont il avait la nationalité et où il possédait sa résidence permanente ;

- lorsqu'il serait transféré dans l'Etat vers lequel il devait être reconduit à l'issue de l'exécution de sa peine, en exécution d'une décision faisant obstacle à son maintien dans l'Etat de condamnation (par exemple une mesure d'expulsion) ;

- lorsqu'il serait demandé à l'Etat de résidence ou de nationalité dans lequel la personne condamnée se serait établie volontairement après la condamnation, d'assurer l'exécution de la peine.

a estimé que le projet de décision-cadre présentait une réelle valeur ajoutée en supprimant en particulier la possibilité actuellement donnée à l'Etat d'exécution et pourtant incompatible avec le principe de reconnaissance mutuelle, de convertir la peine. De même, il permettait également de régler très utilement certaines difficultés liées à la mise en oeuvre du mandat d'arrêt européen. Toutefois, le projet de décision-cadre soulevait aussi plusieurs difficultés, en particulier quant à son impact sur le nombre de personnes susceptibles d'être transférées. En effet, a-t-il indiqué, si le nombre de ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne condamnés dans un autre Etat membre apparaissait relativement réduit (1.260 condamnés ressortissants des Etats membres de l'Union européenne étant actuellement incarcérés en France), le dispositif de transfèrement visait surtout les ressortissants d'Etats tiers résidant dans un Etat membre de l'Union européenne et condamnés par un autre Etat membre. Or, comme l'a relevé le rapporteur, il n'existait à ce jour aucune statistique sur cette catégorie de personnes et il était difficile de mesurer la portée effective de la décision-cadre si elle devait être adoptée.

Par ailleurs, il a estimé, à l'instar de la délégation pour l'Union européenne, que le double consentement au transfèrement de l'Etat d'exécution et de la personne condamnée devait demeurer le principe. Il a noté que si les propositions de la présidence permettraient d'améliorer le projet initial de décision-cadre en encadrant davantage les obligations assignées à l'Etat d'exécution ou à la personne condamnée, il n'en restait pas moins que les points les plus sensibles du texte n'avaient pas encore fait l'objet d'un arbitrage définitif et qu'il convenait en conséquence de rappeler les principes posés par la délégation. Il a estimé, cependant, qu'afin de tenir compte des perspectives ouvertes par la négociation, il était possible de prévoir dans certaines circonstances, strictement définies, des exceptions à la règle du consentement de l'Etat d'exécution et de la personne condamnée. Il a proposé de modifier, sur ce point seulement, la proposition de résolution de la délégation.

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