a affirmé que les préoccupations relatives à la création d'un musée à Abou Dhabi, formulées par la tribune publiée dans Le Monde, n'étaient pas le seul fait des trois cosignataires, mais étaient largement partagées par la profession des conservateurs de musées. Elle a ainsi rappelé qu'un article intitulé « Vends musées contre pétro-dollars » était paru dans le Journal des Arts à la même date.
Elle a déclaré que son opposition au projet de création d'un musée du Louvre à Abou Dhabi était étayée par des considérations morales et éthiques inspirées des principes républicains auxquels elle était attachée.
Elle a rappelé que la commercialisation du patrimoine national était un phénomène nouveau apparu récemment à la suite du prêt payant au High Museum d'Atlanta de trois chefs-d'oeuvre exposés au Louvre. En prêtant contre la somme de 5 millions d'euros des toiles telles que « Le Jeune Mendiant de Murillo », « Le portrait de Balthazar Castiglione » par Raphaël et une scène célèbre de Nicolas Poussin, elle a regretté que l'Etat français ait ainsi rompu avec la tradition séculaire du prêt gratuit.
Après avoir observé que ce type de politique commerciale n'avait jamais eu cours ni en France ni à l'étranger à l'exception de celle menée, en raison de son statut privé, par la fondation Guggenheim, elle s'est interrogée sur la possibilité juridique de louer à titre onéreux une partie du patrimoine artistique français.
S'agissant plus spécifiquement du projet d'Abou Dhabi, elle a estimé qu'il s'agissait d'une opération politique et diplomatique ne tenant compte d'aucune considération culturelle. Ce projet ne constituait pas une ouverture vers la culture occidentale, mais une distraction supplémentaire destinée à une ville pour milliardaires comparable à Las Vegas.
Précisant qu'elle n'était opposée ni à la construction d'un musée à Abou Dhabi, ni à l'organisation d'une exposition française au sein de ce musée, elle s'est en revanche déclarée choquée par l'idée que des représentants français puissent s'occuper du dépôt des oeuvres dans cet établissement, tout en conseillant ce nouveau musée pour ses futures acquisitions.
Elle a également rappelé que la France attirait chaque année des millions de touristes grâce à la richesse de ses musées et qu'il convenait par conséquent de conserver les principaux chefs-d'oeuvre au sein de collections exposées sur le territoire national.
Elle a indiqué que son opposition au projet de création du musée d'Abou Dhabi s'appuyait en second lieu sur des arguments de nature économique. Précisant que les principaux musées français rapportaient beaucoup de recettes indirectes, elle a estimé qu'il fallait prendre garde à ne pas dévaloriser cette manne financière.
Elle a mis en avant la tendance consistant à tenter de trouver régulièrement de nouvelles sources de financement pour les musées. Elle a toutefois souligné qu'à l'échelle internationale les musées français faisaient en ce domaine figure d'exception, compte tenu du soutien sans faille assuré par l'Etat et les collectivités territoriales.
En guise de conclusion, elle a affirmé que le développement du prêt payant des oeuvres d'art était effrayant, tout en reconnaissant que cette pratique était tentante pour les dirigeants des musées et des collectivités qui les abritent.
A l'issue de cette présentation, un large débat s'est engagé.