Intervention de Gérard César

Commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire — Réunion du 11 mai 2011 : 1ère réunion
Colloque sur les droits de plantation — Communication

Photo de Gérard CésarGérard César, président du groupe d'études :

Le groupe d'études « Vigne et vin » a en effet organisé, lundi 4 avril 2011, un colloque européen sur les droits de plantation et l'avenir de la réglementation européenne dans le secteur vitivinicole.

Ce colloque s'inscrit dans le prolongement de la proposition de résolution européenne que j'ai déposée au mois de février avec mon collègue Simon Sutour, réclamant le maintien des droits de plantation en Europe. Cette proposition est devenue résolution du Sénat le 1er avril 2011.

Tant par le nombre de participants - près de 250 personnes, venues de plusieurs pays d'Europe : Espagne, Italie, Hongrie notamment - que par la qualité des interventions, ce colloque a été une réussite et je demande donc à la commission d'en autoriser la publication des actes.

Je remercie FranceAgrimer et la Confédération Nationale des producteurs de vins et eaux de vie de vin à Appellations d'Origine Contrôlées (CNAOC) pour leur précieuse contribution à son organisation.

Mais le succès de ce colloque tient aussi et surtout à ses conséquences. Sur un sujet bloqué depuis plusieurs années, nous avons réussi à faire bouger les lignes.

D'abord, M. Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire, est venu le matin nous réaffirmer l'attachement de la France au régime des droits de plantation. Il a confirmé une position déjà exprimée en commun par la France et l'Allemagne, au plus haut niveau.

Le dialogue direct des parlementaires de plusieurs États membres de l'Union européenne et des professionnels concernés a permis de mettre en lumière une volonté commune : celle de préserver les droits de plantation.

Depuis le 4 avril, la revendication du maintien des droits de plantation après 2015 est portée en Europe par un nombre croissant de pays. Le 14 avril, les ministres de l'agriculture de 9 États membres - Allemagne, France, Chypre, Italie, Hongrie, Roumanie, Autriche, Portugal, Luxembourg - ont écrit au commissaire européen Dacian Ciolos pour demander de revenir sur ce point sur la réforme de 2008.

Début mai, la ministre espagnole de l'Agriculture s'est exprimée dans le même sens, alors que l'Espagne avait jusqu'à présent défendu la libéralisation des plantations. Notre action n'a donc pas été classée sans suite.

Les droits de plantation existent en France depuis le décret de 1953 et au niveau européen depuis 1970 et la première organisation commune de marché (OCM) sur le vin. Le mécanisme des droits de plantation permet d'encadrer le potentiel de production. Cependant, la hausse des rendements de la vigne a entraîné une croissance continue de la production de vin en Europe.

Devant la persistance des excédents, le mécanisme des droits de plantation a été peu à peu remis en cause. Considéré comme un régime transitoire à partir de 1999, la réforme de 2008 de l'OCM vitivinicole a programmé leur disparition après 2015, avec faculté pour les États membres de les conserver jusqu'en 2018 au maximum. L'objectif de la commission était alors de favoriser une meilleure compétitivité de la viticulture européenne, face à la concurrence des pays-tiers.

Dans le rapport sur le projet de réforme de l'OCM vitivinicole, adopté par la commission des Affaires économiques du Sénat le 20 juin 2007, nous avions exprimé notre attachement au régime d'encadrement du potentiel de production dans le secteur de la vigne.

Nous avions alors souligné les risques que faisait courir au secteur la libéralisation des droits de plantation : déplacement des zones de production des coteaux vers les zones de plaine, déprise des zones viticoles moins productives et risque de surproduction accru.

Nous n'avons pas été suivis, mais les critiques émises en 2007 sont encore valables aujourd'hui. La fin des droits de plantation est lourde de menaces pour la viticulture européenne : outre le risque de surproduction que je viens d'évoquer et les dangers de déplacement des productions, je citerais le risque d'industrialisation à outrance de la vigne, au détriment de la qualité ou encore les détournements de notoriété des appellations d'origine par l'implantation de vignobles de cépage à proximité de ces zones de production réputées.

Remis au ministre de l'agriculture M. Bruno Le Maire en octobre dernier, le rapport de Mme Catherine Vautrin pointe tous ces dangers. Il plaide en faveur du maintien des droits de plantation, avec quelques souplesses au niveau des États membres. Il précise aussi que cet encadrement du potentiel de production devrait s'appliquer à tous les types de vins : vins de qualité sous appellation d'origine protégée (AOP) ou sous indication géographique protégée (IGP), et vins sans indication géographique.

Mais ce maintien n'est pas l'immobilisme : Mme Catherine Vautrin est venue lors du colloque nous présenter son rapport et elle a défendu l'idée d'une évolution de la gestion des droits de plantation, qui pourrait être confiée aux interprofessions viticoles, dans le cadre d'accords quinquennaux fondés sur l'analyse des marchés.

La partie est loin d'être gagnée. La discussion qui s'engage à Bruxelles sur la future PAC n'inclut pas la viticulture et la commission européenne est très tentée de ne pas rouvrir le débat sur les droits de plantation, tranché en 2008. Rien n'oblige d'ailleurs la commission à agir sur ce sujet, car la clause de rendez-vous prévue par la réforme de 2008 ne se matérialise que dans un rapport attendu en 2012.

Au contraire, les différents parlementaires présents le 4 avril se sont exprimés en faveur de l'inclusion de la viticulture dans les discussions ouvertes en ce moment sur la future architecture de la PAC et sur le budget de la PAC. Nous avons ainsi souhaité que le principe d'un budget spécifique au secteur du vin, décliné par État membre, soit préservé jusqu'en 2020.

Le vin fait partie du patrimoine de l'Europe et le capital de réputation des vins européens ne doit pas être dilapidé. Le colloque du 4 avril est venu rappeler cette évidence. Au demeurant, les droits de plantation ne coûtent rien au budget européen. Que se passerait-il si des plantations massives nous entraînaient dans une spirale de surproduction qui nous obligerait demain, sur fonds publics, à subventionner des arrachages tout aussi massifs ?

Notre action vise donc à faire revenir la commission sur un choix malheureux fait en 2008, et dont nous n'avions pas alors su faire mesurer toutes les conséquences à nos partenaires. Mais la régulation reprend des couleurs en Europe. Les temps changent et l'état d'esprit de nos partenaires également. L'évolution de la position de l'Espagne, initialement très favorable à la libéralisation, est à cet égard significative.

Le colloque du 4 avril illustre l'utilité du dialogue direct entre parlementaires des différents États membres de l'Union européenne. Je remercie encore tous ceux qui ont participé à cet évènement, en particulier le président de notre commission, Jean-Paul Émorine et le président de la commission des Affaires économiques de l'Assemblée nationale Serge Poignant, qui ont rendu possible la tenue de ce colloque, ainsi que Roland Courteau, vice-président du groupe d'études, présent également le 4 avril.

Espérant que les avancées en faveur du maintien des droits de plantation au-delà de 2015 vont se concrétiser rapidement, je me réjouis que ce colloque ait contribué à ce que d'autres pays rejoignent la position de la France, à travers la déclaration du 14 avril précitée. L'Espagne doit encore donner sa position, mais les responsables politiques que j'ai pu rencontrer dernièrement lors de mon déplacement en Espagne dans le cadre du groupe de travail sur l'avenir de la PAC m'ont donné des assurances en ce sens.

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