Intervention de Michèle Pappalardo

Commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire — Réunion du 19 janvier 2011 : 2ème réunion
Audition de Mme Michèle Pappalardo commissaire générale et déléguée interministérielle au développement durable

Michèle Pappalardo, Commissaire générale et déléguée interministérielle au développement durable :

Vous avez souhaité un éclairage sur l'évaluation environnementale du schéma national des infrastructures de transport (SNIT), sur ce qu'elle apporte et n'apporte pas, et sur les pistes de travail qu'elle ouvre. Les itinéraires dépendent en effet de la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM).

Un avant-projet a été présenté en juillet dernier au comité national du développement durable et du Grenelle de l'environnement (CNDDGE), qui est le comité de suivi du Grenelle, puis mis en ligne pour une meilleure appropriation par le public.

En quoi l'évaluation environnementale est-elle une nouveauté ? L'article 16 de la loi Grenelle I prévoit que le SNIT veille à la cohérence globale des réseaux de transport et évalue leur impact sur l'environnement et l'économie. Il s'inscrit bien dans une démarche de développement durable.

La mise en ligne de l'avant-projet s'inscrit dans l'esprit de la « gouvernance à cinq » et de la consultation du public : il doit faire l'objet d'un débat. Nous complétons le rapport et l'évaluation environnementale, que nous faisons évoluer.

Troisième nouveauté : l'ampleur. Très peu de schémas ont été établis à une échelle comparable, hormis au Royaume-Uni et en Allemagne. Le SNIT, c'est une dizaine de programmes, et une soixantaine d'actions, des projets nouveaux ainsi que des actions sur des infrastructures existantes.

Il est difficile de tenir compte à la fois de la gouvernance à cinq et de la nécessaire confidentialité dans l'élaboration des projets, d'être rationnel dans les techniques d'évaluation utilisées tout en tenant compte des problématiques d'aménagement du territoire... Il faut une revue projet par projet, mais aussi une évaluation globale. Il faut évaluer des actions qui ne sont ni datées ni chiffrées, alors que la liste de projets évolue en fonction d'arbitrages qui ne sont pas encore rendus.

Le fondement juridique de l'évaluation environnementale est la directive européenne de 2001 sur l'évaluation des plans et programmes, dont les trois objectifs sont la prise en compte de l'environnement en amont, dès l'élaboration du SNIT, l'évaluation des conséquences du SNIT sur l'environnement et l'information du public, dans l'esprit de la convention d'Aarhus.

Jean-Louis Borloo, alors ministre, s'était en outre engagé à ce qu'il y ait une évaluation environnementale dans la continuité du Grenelle. Saisie par le ministre, la formation d'autorité environnementale du conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) - l'ancien conseil général des ponts et chaussées - a rendu son premier avis en juin 2009 sur ce qui était attendu de l'évaluation environnementale. L'autorité environnementale a ensuite rendu, le 22 septembre dernier, son avis sur le SNIT et son évaluation environnementale. Nous avons inventé en marchant, avec une évaluation très en amont de la mise en oeuvre du SNIT, et très innovante en termes de démarche systématique.

L'évaluation environnementale est un processus continu. Cette démarche doit être intégrée dans l'élaboration des projets. Dans l'idéal, elle est progressive, prospective, transversale et territorialisée.

L'évaluation du SNIT a été poursuivie dans le cadre du CNDDGE et de ses groupes de travail et lors des échanges entre services. Le rapport environnemental, qui retrace cette partie du processus, doit présenter la logique suivie par le maître d'ouvrage dans ses choix et expliciter les contraintes et les impacts sur l'environnement, en l'état des connaissances actuelles. Le rapport traite un certain nombre de points dont la directive fait explicitement mention, comme l'étude d'incidences Natura 2000.

Nous avons utilisé les statistiques disponibles au sein du ministère, notamment sur les transports ou les gaz à effet de serre, et travaillé avec d'autres services, notamment déconcentrés. Les outils ont été divers : revue de projets, modélisation - ce qui prend du temps -, dialogue.

Les principaux résultats de l'évaluation sont résumés dans le rapport. Nous avons abordé divers domaines environnementaux dans l'analyse, sans rechercher l'exhaustivité. Premier exemple, les gaz à effet de serre. L'étude du 15 juillet évalue à 50 millions de tonnes les émissions de CO2 évitées sur une période de trente ans : 80 millions de tonnes évitées grâce au report modal, dont il faut déduire 30 millions de tonnes générées par la construction de nouvelles infrastructures. Les dernières estimations sont plus proches de 100 millions de tonnes sur trente ans - certains considéreront que le gain est faible, quand on compare ce chiffre aux 460 millions de tonnes d'équivalent CO2 émises par la France pour la seule année 2008...

Deuxième exemple : Natura 2000 et la biodiversité. À ce stade d'avancement des projets, nous n'avons pu déterminer les zones Natura 2000 directement impactées par le SNIT ; nous identifions donc plutôt des points de vigilance. Une deuxième version du rapport indiquera quelles sont les espèces les plus impactées par les tracés prévus. Nous pouvons toutefois conclure qu'il n'y a guère d'incidence significative à ce stade.

Troisième domaine : l'artificialisation des terres. L'objectif assigné au SNIT est de limiter l'artificialisation des sols et la consommation des espaces naturels et agricoles. Là encore, faute de connaître les tracés, nous ne pouvons dire quels terrains seront touchés. La baisse de l'emprise autoroutière semble être compensée par une consommation croissante de l'espace par les infrastructures ferroviaires et fluviales : le bénéfice final n'est pas évident... Il conviendra d'être vigilant lors de la détermination des itinéraires, en tenant compte des conséquences des infrastructures sur l'urbanisation. Les documents d'urbanisme et les outils d'aménagement du territoire influeront sur l'impact final.

À ce stade, l'évaluation ne peut être plus précise, car des arbitrages sont encore à rendre. Il faut tenir compte d'enjeux antagonistes : par exemple, le choix de minimiser la consommation d'espace peut faire opter pour un trajet plus rectiligne, aux dépens de zones protégées.

L'autorité environnementale a rendu un avis indépendant et rigoureux, non sur l'opportunité du programme et des projets, mais sur les améliorations à apporter au rapport environnemental. Elle invite à préciser le scénario de référence, en tenant compte des « coups partis » avant le Grenelle ; à mieux justifier les choix ; à démontrer la cohérence des options retenues avec les objectifs de réduction des gaz à effet de serre ; à définir les bases d'un programme de traitement du bruit ; enfin, à adapter la liste des indicateurs proposés.

À plus long terme, l'autorité invite à mettre au point des méthodes de révision pertinentes à l'échelle d'un réseau, ainsi que des études prospectives ; à analyser l'état des lieux et à justifier les choix à l'échelle des territoires pertinents ; à analyser en continu des solutions de substitution ; enfin, à pérenniser le groupe national de suivi.

Ces pistes d'amélioration sont à mettre en rapport avec les limites inhérentes à cette entreprise. L'évaluation environnementale, exercice inédit par son ampleur, évoluera parallèlement au contenu du schéma. Il devra également prendre en compte l'impact des politiques de fiscalité, d'urbanisme ou d'aménagement du territoire, ainsi que l'état d'avancement hétérogène des projets. Il faudra aussi améliorer les outils d'analyse et renforcer l'état des lieux des infrastructures existantes.

Le rapport définitif ne répondra pas à toutes les observations de l'autorité environnementale, mais nous continuerons à le compléter et à améliorer nos méthodes, sachant que le SNIT n'est qu'un outil parmi d'autres.

Quelle est la place de l'évaluation environnementale du SNIT dans l'évaluation du Grenelle ? L'évaluation indépendante, demandée par Jean-Louis Borloo au cabinet Ernst & Young, ainsi qu'aux présidents des groupes du Grenelle - qui ne fait pas mention de notre travail - conclut que les résultats du SNIT ne sont, bien entendu, pas mesurables pour l'heure, mais que l'avant-projet est en cohérence avec les objectifs du Grenelle.

La deuxième version, améliorée, du rapport paraîtra prochainement. Malgré les limites de l'exercice, le rapport environnemental sur un schéma souligne l'importance des choix qui seront faits, et de la qualité de leur réalisation. La première version pose des jalons pour l'amélioration des méthodes d'évaluation. Nous pourrons ainsi, dans le suivi du SNIT, comparer nos évaluations ex ante avec les constats ex post. L'évaluation environnementale a d'ores et déjà été prise en compte dans les choix du SNIT ; elle continuera à l'être dans les travaux à venir.

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