Je n'ai jamais cru dans cette histoire du système patriarcal. Tout simplement parce qu'il n'y a pas de patriarcat arabe ancien. Mathématiquement, quand les jeunes d'une génération arrivaient à l'âge adulte, les vieux étaient morts. Il n'y avait donc pas de patriarches capables de guider la tribu tel Moïse guidant les siens. En revanche, il y a eu un rôle croissant des jeunes filles, ce qui est normal puisque délaissées dans la première phase d'alphabétisation, elles ont bénéficié à plein de la seconde phase. Cela accompagne du reste la transition démographique. Aujourd'hui, les études les plus longues sont faites par les filles. Le statut de la femme dans le monde arabe n'a absolument rien à voir avec ce que l'on peut constater dans le sous-continent indien, au Pakistan ou en Afghanistan en particulier.
Sur la corruption-prédation, le modèle était celui représenté par Arafat, que je qualifierai de corrupteur austère. Arafat était corrupteur, mais pas corrompu. Il redistribuait les richesses. C'était sa façon à lui d'acheter la paix sociale. Moubarak, c'est déjà autre chose. A fortiori pour ses enfants, c'est la confiscation des biens au profit d'un groupe étroit.
Troisièmement, l'histoire sert à tout, c'est pour cela qu'elle ne condamne à rien. Le même mouvement de contestation de 1864 auquel vous faites allusion est aussi celui qui s'est opposé à la mise en place d'une Constitution libérale. On n'est jamais prisonnier de son histoire. On s'en sert comme on veut.
Ce qui a changé, c'est approximatif et visuel, mais quand je me promenais dans les rues du Caire ou de Damas dans les années 1970, il y avait des nuées d'enfants. Ils n'y sont plus aujourd'hui. Ils sont devenus adultes. C'est là le changement.
Sur l'éventualité d'une réplique en Syrie. C'est difficile à dire. Quand vous réintroduisez du politique, tout redevient possible. La dictature c'est la suppression du politique. La politique c'est le conflit. Mais c'est aussi le compromis.