Intervention de Nicolas de Rivière

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 6 avril 2011 : 1ère réunion
Audition de M. Nicolas de Rivière directeur des nations unies des organisations internationales des droits de l'homme et de la francophonie au ministère des affaires étrangères et européennes

Nicolas de Rivière, des organisations internationales, des droits de l'homme et de la francophonie au ministère des affaires étrangères et européennes :

directeur des Nations unies, des organisations internationales, des droits de l'homme et de la francophonie au ministère des affaires étrangères et européennes - Les Nations unies sont une priorité constante de notre politique étrangère depuis 1945, quels que soient les gouvernements.

Les principes et les valeurs de la Charte des Nations unies gardent aujourd'hui toute leur pertinence, qu'il s'agisse du maintien de la paix, des droits de l'homme ou bien encore du développement et de la lutte contre la pauvreté.

La direction des Nations unies, des organisations internationales, des droits de l'homme et de la francophonie, dont je viens de prendre la direction il y a quelques mois, dispose d'une équipe d'environ 70 agents. Elle anime un réseau important, en particulier au siège des Nations unies à New York, où la représentation permanente de la France compte une équipe de 80 personnes environ, mais aussi avec des représentations auprès des autres organes ou institutions spécialisées des Nations unies, à Genève, en particulier pour les droits de l'homme, à Vienne, à Rome pour la problématique de l'alimentation, à Montréal, à Nairobi pour les questions d'environnement et à La Haye pour la justice internationale. La principale tâche de notre direction est d'élaborer une position française et des instructions à nos représentations. Cette fonction, qui présente une forte dimension interministérielle, compte tenu de la très grande variété des sujets, s'apparente à celle du Secrétariat général pour les affaires européennes (SGAE) concernant l'Union européenne.

La principale force des Nations unies, ce qui fonde sa légitimité, mais ce qui constitue aussi sa principale faiblesse, c'est son caractère universel. Les Nations unies regroupent, en effet, aujourd'hui 192 Etats membres. Le budget est assuré principalement par une quinzaine de pays. C'est le seul endroit où quasiment tous les pays sont représentés et peuvent dialoguer entre eux.

La réforme des Nations unies est un thème récurrent. On en parlait déjà lors de mon arrivée au Quai d'Orsay il y a vingt ans.

Ces dernières années, il y a eu des progrès et des améliorations dans le fonctionnement des différents organes ou institutions des Nations unies, comme par exemple à l'Organisation mondiale de la santé (OMS) ou au bureau international du travail (BIT). Même l'UNESCO, qui était à la dérive à la fin des années 1980, a vu son fonctionnement s'améliorer.

L'Assemblée générale des Nations unies reste une assemblée, avec toutes les qualités mais aussi les défauts de ce type d'organe. Il n'en demeure pas moins qu'elle est le seul endroit où tous les pays du monde peuvent se rencontrer et rechercher l'intérêt commun de l'humanité.

L'organe phare des Nations unies demeure le Conseil de sécurité. Sa composition et la différence de statut entre les cinq membres permanents et les dix autres membres non permanents suscitent beaucoup de frustrations parmi les Etats. Force est de constater toutefois que, depuis la fin de la guerre froide, le Conseil de sécurité fonctionne et qu'il remplit même assez bien son rôle.

Concernant les opérations de maintien de la paix (OMP), environ 110 000 casques bleus sont aujourd'hui déployés dans le monde, dans le cadre d'opérations sous mandat des Nations unies, principalement en Afrique. Ces opérations se sont multipliées ces dernières années. Les opérations de maintien de la paix représentent un coût d'environ 8 milliards de dollars par an, soit un coût quatre fois plus important que le budget des Nations unies. La France participe au financement des OMP à hauteur de 450 millions d'euros par an.

En sa qualité de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, la France dispose d'un statut privilégié au sein de l'Organisation des Nations unies. Cela lui assure une influence et un rayonnement très important. Parmi les membres permanents, la France est, avec le Royaume-Uni, le pays le plus actif au sein du Conseil de sécurité. On estime que la France et le Royaume-Uni sont à l'origine des deux tiers ou des trois quarts des textes adoptés.

Les droits de l'homme constituent un domaine essentiel des Nations unies et la France prend une part active sur ce sujet. Depuis la réforme de 2005, le conseil des droits de l'homme s'est substitué à la commission des droits de l'homme.

Certes, il est aisé de dénoncer les carences et les progrès limités rencontrés dans ce domaine. Ainsi, le conseil des droits de l'homme reste un organe aux pouvoirs limités. On peut toutefois noter des progrès, particulièrement depuis 18 mois, avec par exemple le retour des Etats-Unis au sein du Conseil des droits de l'homme sous l'administration Obama, en matière de dialogue entre les religions ou de reconnaissance des différentes orientations sexuelles. Ainsi, la dernière session qui vient de s'achever a été marquée par la désignation d'un rapporteur sur la situation des droits de l'homme en Iran et le lancement d'une enquête internationale sur les violations des droits de l'homme en Côte d'Ivoire. L'avancée la plus notable tient toutefois au fait que, pour la première fois, le conseil des droits de l'homme a suspendu l'un de ses membres, la Libye -qui dans le passé avait même exercé la présidence de la commission des droits de l'homme- en raison des violations des droits de l'homme commises dans ce pays, et que cette décision a été entérinée par l'assemblée générale.

En ce qui concerne la justice internationale, malgré le relatif pessimisme qui présidait à la mise en place des tribunaux pénaux internationaux, il y a une quinzaine d'années, on peut constater que les différentes juridictions internationales fonctionnent plutôt bien. Ainsi, le tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie est parvenu à se saisir de l'ensemble des personnes inculpées, à l'exception de deux fugitifs. Il en va de même pour le tribunal pénal international pour le génocide au Rwanda. La Cour pénale internationale représente aujourd'hui une épée de Damoclès au dessus de la tête de tous les dictateurs de la planète, comme l'illustre le cas de Charles Taylor. Le paramètre CPI est devenu essentiel dans la gestion des crises.

S'agissant des aspects économiques et du développement, l'image des Nations unies a souffert de la crise financière de 2008, qui a laissé le sentiment que les Nations unies avaient délaissé ce terrain au profit du G 20. En réalité, la crise financière ne relève pas véritablement des attributions des Nations unies, qui sont davantage tournées vers l'aide au développement. Grâce notamment à sa directrice, Mme Helen Clark, l'agence des Nations unies chargée du développement, le PNUD, se transforme en une agence de plus en plus performante et efficace.

Ainsi, les Nations unies ont lancé un programme, baptisé « one UN », visant à rationaliser l'action des différents organes et institutions des Nations unies dans les pays, afin de renforcer la cohérence et la coordination et d'éviter les doublons.

L'environnement représente un défi important pour les Nations unies. Depuis la Conférence de Rio, en 1992, les Nations unies se sont beaucoup impliquées sur ce dossier, en déployant une vaste panoplie d'outils, par exemple en matière de biodiversité, de lutte contre la déforestation, etc. Après la conférence de Cancun, la prochaine échéance sera 2012, avec la conférence qui se tiendra à Rio, vingt ans après la première.

Une idée souvent évoquée consisterait à créer une organisation mondiale de l'environnement afin de renforcer la cohérence et rationaliser l'action des différentes institutions ou organes.

Enfin, concernant les aspects budgétaires, sur lesquels les parlementaires ont un rôle essentiel à jouer, on constate, depuis déjà plusieurs années, une tendance régulière à une augmentation du budget des Nations unies, qui pèse lourdement sur les principaux pays contributeurs comme la France. Je rappelle que, sur 192 pays, seuls quinze Etats contribuent réellement au budget des Nations unies, alors que 170 n'apportent quasiment aucune contribution ou contribuent très peu. L'Union européenne représente le premier contributeur, avec une participation à hauteur de 40 %, suivie par les Etats-Unis à hauteur de 22 %, puis par le Japon. Cette situation entraîne une pression à l'augmentation des dépenses de la part du secrétariat général et des 170 pays qui participent peu ou pas au financement.

Le budget des Nations unies se compose de trois types de dépenses :

- le budget de fonctionnement des institutions et organes des Nations unies représente un coût assez limité, auquel la France participe à hauteur de 6,1 %, ce qui représente environ 150 millions d'euros par an ;

- les opérations de maintien de la paix représentent un coût de 8 milliards de dollars par an. La France, en raison de son statut de membre permanent du Conseil de sécurité, participe à hauteur de 7,5 %, ce qui représente une contribution d'environ 450 millions d'euros par an ;

- enfin, la troisième catégorie de dépenses est constituée par ce que l'on désigne sous le terme de « contributions volontaires », qui servent à financer les institutions spécialisées comme le Haut comité des réfugiés (HCR), le programme des Nations unies pour le développement (PNUD) ou l'UNICEF. C'est surtout dans ce domaine que l'on peut avoir une inquiétude au regard de la baisse importante de la contribution française, qui a diminué de 40 % ces dernières années. Ainsi, alors que les contributions volontaires représentaient 85 millions d'euros il y a quelques années, elles ne représentent aujourd'hui que 46 millions d'euros. Le choix a été fait de concentrer les moyens disponibles sur quelques organisations, comme le HCR, le PNUD et l'UNWRA. Cela explique que dans certaines institutions ou organes spécialisés des Nations unies, la France ne figure qu'au dixième, voire au vingtième rang des contributeurs et que notre influence tend à se réduire au sein de ces organisations.

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