Intervention de Egemen Bagis

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 6 avril 2011 : 2ème réunion
Audition de M. Egemen Bagis ministre chargé des affaires européennes et négociateur en chef de la turquie pour les négociations d'adhésion avec l'union européenne

Egemen Bagis :

Nous sommes entre amis ; je vais donc parler franchement. Sur Chypre, la position turque est très claire. En 2002, lorsque l'AKP est arrivé aux affaires, les grecs chypriotes ont eu la possibilité d'aller dans la partie nord de l'île. Ensuite, nous avons voulu que des allers-retours soient possibles entre les deux parties. M. Erdogan, alors secrétaire général de notre parti, a convaincu le Secrétaire général de l'ONU et le plan Annan a été mis au point. Je me souviens des paroles de M. Annan qui, après avoir essuyé trois échecs, disait ne pas vouloir en essuyer un quatrième. M. Erdogan l'avait alors rassuré, l'assurant que la Turquie serait toujours à l'avant-garde pour la paix. En effet, 66% des Chypriotes turcs ont dit oui au plan Annan, tandis que 76% des Chypriotes grecs l'ont rejeté, refusant ainsi le retrait des forces armées, la réunification et la paix politique. Le Conseil européen du 24 avril 2004 a alors décidé - sur proposition de la France - de lever les restrictions pesant sur le nord de l'île. Depuis, sept ans se sont écoulés et, sur les vingt- sept États membres, un seul a appliqué cette décision ! En matière de commerce et de circulation entre le nord et le sud de l'île, il y a vraiment un injuste « deux poids, deux mesures ». Nous voulons que la décision du Conseil européen soit appliquée. La multiplication des entraves à notre endroit est inacceptable.

Sur la question arménienne : que chacun commence par balayer devant sa porte ! Quel pays peut affirmer qu'aucune faute n'a entaché son passé ? Lorsque je me penche sur les études et recherches historiques, je m'aperçois qu'il n'y a pas eu génocide. Cela n'empêche pas que vous puissiez être d'un avis contraire. En 2004, le Parlement turc, à l'unanimité, a décidé d'envoyer une lettre à la république d'Arménie annonçant que nous allions ouvrir nos archives et proposant que tous les pays fassent de même et désignent des experts pour qu'ils étudient toutes ces archives et rédigent un rapport. Malheureusement, l'Arménie a refusé cette proposition, en exigeant la reconnaissance préalable du génocide.

C'est pourquoi il est tout à fait injuste de nous opposer cette question pour entraver notre adhésion. A aucun autre candidat on n'a demandé de se confronter à son passé. Lorsque l'Union européenne a été créée, a-t-on passé au crible le passé de chacun de ses membres ? Et lors de la dernière vague d'adhésion, tous les candidats satisfaisaient-ils à tous les critères requis ? Seul le respect de l'acquis communautaire est nécessaire pour adhérer. Et, je le répète, nous, responsables politiques, devons bâtir l'avenir, non nous retourner sur le passé. Dans le cadre du groupe de Minsk, coprésidé par la France, les États-Unis et la Russie, votre pays pourrait grandement faire progresser le dossier. Et plutôt que de s'occuper de ce qui se serait passé en 1915, qu'on s'occupe donc de ce qui se passe actuellement en Azerbaïdjan et des millions de personnes déplacées qui vivent sous des tentes. Qu'on s'occupe donc des questions actuelles et de l'avenir ! C'est ainsi qu'on préparera un futur plus radieux. Ce n'est pas en se focalisant sur le passé qu'on répondra aux aspirations de nos peuples.

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