Intervention de Richard Descoings

Commission des affaires culturelles, familiales et sociales — Réunion du 7 juin 2006 : 1ère réunion
Recherche et enseignement supérieur — Audition de M. Richard deScoings directeur de l'institut d'études politiques de paris

Richard Descoings, directeur de l'Institut d'études politiques de Paris :

En réponse à ces intervenants, M. Richard Descoings a apporté les précisions suivantes :

- l'Institut d'études politiques de Paris a passé des « conventions éducation prioritaire » avec 33 lycées partenaires en 2005, d'origine géographique diverse ; ils étaient 7 en 2001 ; ces conventions seront étendues à la Guadeloupe, à la Martinique et à la Guyane l'année prochaine, et 12 nouveaux lycées sont candidats pour 2006-2007 ;

- la procédure d'admissibilité est conduite par les équipes pédagogiques des lycées ;

- le dispositif des conventions s'adresse à tous les élèves d'un établissement dont l'ambition et la motivation se situent en accord avec des études supérieures exigeantes ;

- les établissements éligibles pour signer une convention avec « Sciences-po » doivent répondre à l'un au moins des critères objectifs de la politique d'éducation prioritaire menée par le ministère de l'éducation nationale ;

- l'effet d'émulation et d'entraînement est notable sur les classes de première et terminale des lycées sélectionnés, et se poursuit en ouvrant des perspectives d'accès à l'enseignement supérieur, y compris aux filières sélectives, à l'ensemble des lycéens ;

- il a été décidé de ne pas tenir compte du profil social des élèves dans les procédures de sélection ; tous les lycéens candidats sont jugés sur leur mérite personnel. La composition sociologique des lycées partenaires réduit fortement l'éventualité de recruter des « bourgeois des ZEP » ; ainsi, les étudiants ayant au moins un parent né hors de France représentent les deux tiers des admis, et ceux ayant leurs deux parents nés hors de France, la moitié des admis ;

- la multiplication des initiatives et des expérimentations doit être encouragée, car elle est susceptible de remédier aux disparités actuelles ; le manque de souplesse et d'autonomie caractérise trop souvent le système éducatif français ;

- de grandes écoles d'ingénieurs, et même Saint-Cyr, ont mis en place des procédures d'entrée parallèles dont les résultats sont positifs en termes d'efficacité et de diversité sociale ; l'existence de ces voies parallèles renforce le caractère paradoxal du mythe suivant lequel, seul, le recrutement par concours incarnerait la méritocratie républicaine, et garantirait le statut de l'école ;

- le concours est d'ailleurs aujourd'hui perçu moins comme un instrument de sélection que comme un moyen de conférer un statut, en autorisant l'entrée dans le cercle fermé des grandes écoles sur la base de la reconnaissance des mérites intellectuels ; ainsi, les effectifs des grandes écoles ont très peu augmenté par rapport au nombre des bacheliers ;

- il serait plus bénéfique aux moins bons des lycéens de s'orienter vers les voies pluridisciplinaires que sont les classes préparatoires, plutôt que vers des filières universitaires très spécialisées ; dans le modèle anglo-saxon, par exemple, les étudiants ne se spécialisent véritablement qu'à l'entrée en Master, les deux premières années universitaires étant généralistes ;

- il convient de distinguer certaines grandes écoles d'ingénieurs parmi les plus cotées, comme Polytechnique, l'Ecole des Mines ou les Ponts-et-chaussées, qui ont des laboratoires de recherche, en lien avec les universités et les écoles doctorales, de la majorité des grandes écoles qui ne font pas de recherche ; or, alors que l'on reproche parfois aux élites leur arrogance, la recherche est l'école du doute et de l'humilité ;

- la motivation des enseignants est centrale pour favoriser la réussite et l'ascension sociale des élèves ; encore faut-il leur laisser les marges d'autonomie nécessaire pour prendre des initiatives ;

- les sections de techniciens supérieurs (STS) et instituts universitaires de technologie (IUT) sont des filières sélectives qui fonctionnent bien ; à cet égard, l'exemple des IUT, intégrés dans l'université où ils disposent d'une certaine autonomie, est intéressant, dans la perspective d'un éventuel développement de filières pluridisciplinaires au sein des universités ;

- le phénomène d'éviction sociale est d'autant plus fortement ressenti qu'il s'exerce au niveau de l'enseignement supérieur, et notamment des CPGE, alors que dans le passé, il s'opérait en amont, dès le collège ou le lycée ;

- la création de nouvelles CPGE permettrait certes de tirer certains lycées vers le haut, mais elle supposerait des créations de postes et risque donc de se heurter à des objections budgétaires ;

- l'objectif de proximité, qui est un élément central pour la démocratisation de l'accès à l'enseignement supérieur, a été recherché pour l'université, en matière d'enseignement, et non en matière de recherche ;

- notre système d'information et d'orientation est très défaillant ; cela tient notamment au fait que les conseillers d'orientation-psychologues ne parviennent pas à se tenir au courant de l'évolution de l'enseignement supérieur et des métiers et tendent à privilégier une approche psychologique de l'orientation ; l'augmentation de leurs effectifs ne paraît pas, dans ces conditions, la bonne solution ; l'enseignement supérieur doit plutôt assumer ses responsabilités en la matière, en venant à la rencontre des lycéens dès la classe de seconde et en indiquant, pour chaque filière, le devenir professionnel des étudiants.

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