La commission a procédé à l'audition de M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, sur le bilan de la mise en oeuvre de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) et ses perspectives.
Evoquant les propos tenus l'an passé par ses collègues de la commission des affaires culturelles sur le principe d'un budget au service de la culture, lors de la présentation des nouveaux mécanismes d'examen du projet de loi de finances initiale (PLFI), M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, a souhaité présenter un premier bilan de l'application de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF). Il a estimé également qu'à la veille de l'examen du projet de loi portant règlement définitif du budget de 2005, il serait judicieux de chercher un meilleur équilibre entre la discussion du PLFI et celle de la loi de règlement.
Il a souligné, d'abord, que tous les sénateurs, en particulier ceux de la commission des affaires culturelles, avaient « joué le jeu » de la LOLF, tout en notant que la discussion du projet de loi de finances avait été précédée d'une concertation sur les procédures au sein de la commission des finances et des autres commissions permanentes.
S'agissant des nouvelles modalités d'examen, il a indiqué que le délai constitutionnel de vingt jours d'examen du texte avait été respecté, malgré les difficultés provoquées par la discussion, dans cet intervalle, du projet de loi portant engagement national pour le logement, qui avait donné parfois le sentiment d'une surcharge dans le temps consacré à l'examen du PLFI en séance publique. Il a formé le voeu que la conférence des présidents, à l'avenir, n'inscrive que le seul projet de loi de finances initiale à l'ordre du jour pendant le délai de vingt jours imparti par la Constitution.
L'organisation de nouveaux débats thématiques a été poursuivie, portant d'une part, sur les effectifs de la fonction publique, et d'autre part, sur l'évolution de la dette de l'Etat. M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, s'est déclaré favorable à conduire une réflexion sur le nombre et l'organisation des débats thématiques, qui visent à mieux cerner une question particulière, comme celle des dotations versées par l'Etat aux collectivités territoriales.
Il s'est félicité, également, de la réduction de la durée des discussions générales lors de l'examen des crédits des missions, au profit de la discussion des amendements et a encouragé ses collègues à poursuivre ce mouvement. Dans la même optique, il a souligné que la pagination des rapports spéciaux de la commission des finances avait été réduite pour ne porter que sur des points essentiels et que l'objectif de la commission des finances pour l'examen du projet de loi de finances pour 2007 était d'en réduire le volume de 20 % supplémentaires.
Il a précisé, enfin, que le rôle du Parlement se trouvait conforté lorsque l'ensemble des commissions harmonisaient leurs moyens d'action.
a détaillé les avancées réalisées lors de cette première mise en oeuvre de la LOLF, qui devraient être renforcées et prolongées.
Il a considéré que le bilan des amendements adoptés dans le cadre du projet de loi de finances permettait de percevoir l'émergence d'un vrai pouvoir d'arbitrage parlementaire : 85 amendements ont été déposés sur les crédits des missions en première délibération, dont 44 adoptés par le Sénat, pour le budget 2006, contre 12 pour le budget 2005.
Le bilan quantitatif s'est avéré plus modeste à l'issue de la seconde délibération, puis de la commission mixte paritaire. Sur les 14 amendements d'origine sénatoriale, adoptés sur les crédits des missions du budget général, en première délibération, pour un montant de 700 millions d'euros, 12 amendements ont été confirmés à l'issue de la seconde délibération pour un montant de 400 millions d'euros. Les débats en commission mixte paritaire ont finalement conduit à ne retenir que 8 amendements, limitant leur portée à 30 millions d'euros.
Quant à la maquette budgétaire, il a indiqué que le seul programme créé « Audiovisuel extérieur » résultait d'une initiative gouvernementale et qu'en ce qui concerne le plafond des emplois, seuls 112 emplois ont été supprimés par le Sénat.
Evoquant le pouvoir d'arbitrage des commissions pour avis, désormais perceptible, M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, a cité l'exemple de la commission des affaires culturelles. L'utilisation du droit d'amendement sur les articles rattachés aux crédits de la mission « Compte de concours financiers : avances à l'audiovisuel public » a permis ainsi, à l'initiative de M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis des crédits de la mission « Médias », de créer l'obligation, pour chaque société de l'audiovisuel public signataire d'un contrat d'objectifs et de moyens (COM), de transmettre, aux commissions compétentes du Sénat et de l'Assemblée nationale, un rapport annuel sur l'exécution du COM. Il a souligné, par ailleurs, que la discussion en séance publique avait été l'occasion d'exprimer publiquement le souhait d'une transparence budgétaire accrue, notamment formulé par M. David Assouline, rapporteur pour avis des crédits de la mission « Action extérieure de l'Etat », lors de l'examen de ces crédits.
Puis M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, a présenté plusieurs propositions, destinées à améliorer les procédures d'organisation du débat budgétaire :
- inclure les crédits des programmes dans l'état B afin de faciliter l'exercice du droit d'amendement ;
- fixer une date d'examen des crédits des missions en commission des finances et en commissions pour avis, postérieure à l'examen en séance publique à l'Assemblée nationale ;
- accroître le délai entre la fin de la première lecture et la réunion de la commission mixte paritaire ;
- mieux associer les représentants des commissions pour avis au sein de la commission mixte paritaire lors des débats sur les crédits des différentes missions ;
- mieux délimiter les domaines respectifs des lois (lois de finances, lois de financement de la sécurité sociale, lois ordinaires).
Abordant ensuite l'examen du projet de loi de règlement et le débat d'orientation budgétaire, il a considéré que plusieurs propositions élaborées par la commission des finances permettraient une meilleure visibilité de l'exécution et de l'orientation budgétaires, créant un « chaînage vertueux » dont la traduction se ferait en trois temps.
D'une part, le rapport de la commission des finances sur le projet de loi portant règlement du budget pour 2005 présenterait les éléments détaillés de l'exécution budgétaire, par unité de vote.
D'autre part, les ministres gestionnaires seraient entendus sur l'exécution de leur budget, en salle Médicis ou en salle Clemenceau, dans le cadre d'auditions ouvertes systématiquement aux commissions saisies pour avis, ainsi qu'à la presse et au public. Cette année, du mardi 20 au jeudi 22 juin, dix ministres sont invités à venir rendre compte de l'exécution de leurs missions, dont le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, le ministre de la culture et de la communication, le ministre délégué à la coopération, au développement et à la francophonie, et le ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche, selon une procédure plus souple et plus interactive que celle de la séance publique. Puis, la semaine suivante, les mardi 27 et mercredi 28 juin, quatre autres ministres, dont le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative, et celui de l'écologie et du développement durable, seront, pour leur part, conviés à s'exprimer en séance publique selon la procédure retenue en 2005.
Ensuite, le débat d'orientation budgétaire sera organisé immédiatement après l'examen du projet de loi de règlement, en étendant son objet à l'ensemble de la fiscalité et en l'orientant sur la maquette budgétaire.
a insisté sur le nécessaire suivi du travail budgétaire tout au long de l'année, et non pendant la seule période d'examen du projet de loi de finances, qui est susceptible de se traduire selon différentes approches :
- une corrélation étroite entre l'examen des projets de loi de finances et les contrôles budgétaires ;
- un suivi de la mise en oeuvre des principales réformes budgétaires, à l'exemple de l'audition commune par la commission des finances et la commission des affaires culturelles du ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat sur la réforme de la redevance audiovisuelle ;
- l'accès des rapporteurs spéciaux à tous les actes et décisions relatifs à leurs budgets, en relation étroite avec les rapporteurs pour avis qui devraient également être mieux associés aux contrôles sur pièces et sur place, prérogatives des premiers ;
- la poursuite de la simplification des questionnaires budgétaires.
Pour conclure, M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, a rappelé que la réforme de l'Etat impliquait une forte volonté et un engagement déterminé du Parlement, tout en estimant qu'elle conduisait également à une réforme du fonctionnement des institutions parlementaires. Dans le souci de mieux exercer ses missions, il a estimé que le Parlement, dont il a déploré certaines complicités en matière de dysfonctionnements de l'Etat, se trouvait dans l'obligation de revoir ses méthodes de travail. En ce sens, il a souligné le rôle particulier du Sénat, qui doit se distinguer des prérogatives de l'Assemblée nationale, pour apporter sa contribution à la réforme de l'Etat, en toute indépendance à l'égard du Gouvernement.
Un débat s'est ensuite instauré.
a largement souscrit à la volonté affichée par M. Jean Arthuis d'améliorer le fonctionnement de l'Etat en réformant les modalités d'examen des textes budgétaires devant le Parlement.
Il a souligné que le succès de cette réforme serait conditionné par l'entente entre les rapporteurs spéciaux et rapporteurs pour avis et souhaité que la collaboration entre membres des différentes commissions soit favorisée, afin que l'unité du Sénat se fasse avant que le Gouvernement ne propose unilatéralement des coupes sombres dans les crédits des différents ministères.
Rappelant que les contrôles sur pièces et sur place demeuraient, aux termes de la loi organique relative aux lois de finances, l'apanage des rapporteurs spéciaux de la commission des finances, il a proposé que ces derniers informent systématiquement les rapporteurs pour avis concernés des commissions permanentes des travaux qu'ils entendent réaliser dans ce cadre.
Il s'est interrogé, par ailleurs, sur l'opportunité de réduire le temps imparti à la discussion générale lors de l'examen du projet de loi de finances initiale en séance publique. S'appuyant sur l'exemple du budget de l'éducation, il a considéré que l'on pouvait difficilement réduire encore le temps de 5 minutes alloué aux rapporteurs pour avis de la commission des affaires culturelles.
Tout en respectant les compétences particulières de la commission des finances au moment de la discussion des projets de loi de finances, il a estimé que le débat budgétaire ne devait pas se transformer en discussion purement comptable. Ce débat doit, au contraire, demeurer l'occasion pour chaque commission permanente et chaque rapporteur pour avis d'aborder les sujets qui relèvent de sa compétence.
Il a enfin souhaité qu'un aspect plus prospectif soit donné à la discussion budgétaire, afin de guider l'action gouvernementale pour les exercices à venir.
Après avoir fait part de son intérêt pour les propositions de M. Jean Arthuis, M. Ivan Renar a néanmoins considéré que la discussion budgétaire était un moment essentiel de la vie parlementaire et s'est, par conséquent, déclaré réservé quant à l'opportunité de diminuer le temps consacré à la discussion générale lors de l'examen du budget des projets de loi de finances en séance publique.
Rappelant que le temps de parole des groupes politiques en séance publique était calculé en fonction de leur nombre respectif, Mme Annie David s'est opposée à la réduction de la durée consacrée à la discussion générale lors de l'examen du budget en séance publique.
Elle a affirmé, par ailleurs, que la discussion générale était pour le groupe CRC la seule opportunité de faire entendre sa position vis-à-vis des orientations budgétaires proposées par le Gouvernement. Elle a estimé que la discussion générale était d'autant plus indispensable que la nouvelle architecture budgétaire ne permettait pas de réaliser des transferts de crédits entre les différentes actions, mais seulement par programme au sein d'une même mission.
Constatant, enfin, que pour la commission des finances du Sénat la diminution du déficit budgétaire reposait sur la diminution du nombre d'agents publics, elle s'est demandé si des solutions alternatives d'économies ne pouvaient pas être envisagées à l'occasion de la prochaine discussion budgétaire par les rapporteurs spéciaux.
Tout en comprenant la nécessité de réhabiliter la discussion des amendements et d'améliorer le contrôle de l'exécution budgétaire, M. Jacques Legendre s'est montré dubitatif quant à l'opportunité de réduire la durée consacrée à la discussion générale lors de l'examen en séance du projet de loi de finances.
Prenant l'exemple de la francophonie, dont les crédits sont dispersés au sein de plusieurs missions différentes, il a estimé que les débats portant sur la cohérence globale d'une telle politique ministérielle n'avaient de sens qu'au moment de la discussion générale.
En réponse aux différents intervenants, M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, a donné les précisions suivantes :
- il n'existe pas de hiérarchie particulière entre la commission des finances et les autres commissions permanentes au moment de la discussion des projets de loi de finances ;
- on peut s'interroger sur le rôle et les marges de manoeuvre du Parlement au moment de la discussion budgétaire. L'expérience montre toutefois que le Sénat n'est jamais aussi écouté que lorsque les différentes commissions collaborent en amont de la séance publique et défendent une position identique face au Gouvernement au cours de celle-ci ;
- le débat d'orientation budgétaire a pour objet de préparer la discussion du prochain projet de loi de finances à partir de l'exécution du budget précédent. Ce débat constitue par conséquent l'occasion d'aborder de manière prospective l'élaboration du prochain projet de loi de finances ;
- la question du déficit budgétaire est de plus en plus importante aux yeux de l'opinion publique. Il appartient par conséquent à la représentation nationale de se donner les moyens de faire disparaître ce déficit en équilibrant, dans la mesure du possible, les comptes de la Nation. Cet objectif passe par le respect du cadre budgétaire et comptable défini par la loi organique relative aux finances publiques ;
- au cours du débat budgétaire, chacun doit faire preuve de cohérence. On ne peut pas déposer des amendements supprimant la taxe sur le foncier non bâti et regretter, dans le même temps, la faiblesse des crédits alloués à l'enseignement agricole ;
- il convient de limiter le temps imparti à la discussion générale afin de favoriser les débats relatifs aux amendements, à la fois plus intenses et plus proches des réalités budgétaires.
La discussion générale permet, certes, à chaque groupe politique d'exprimer son opinion sur des sujets qui n'ont parfois qu'un lointain rapport avec la discussion budgétaire, mais elle ne donne aux élus aucune prise sur le concret et sur la répartition des crédits. Chacun semble d'ailleurs avoir pris conscience de cette situation puisque, lors de l'examen du projet de loi de finances initiale pour 2006, la discussion générale a été plus courte qu'à l'accoutumée ;
- le travail le plus fécond en termes budgétaires n'est pas celui réalisé en séance publique, mais celui entrepris en amont de la discussion du projet de loi de finances, à l'occasion des contrôles sur pièces et sur place réalisés par les différents rapporteurs spéciaux, par exemple.
A cet égard, comme l'a suggéré le président Jacques Valade, il convient de mettre en place une procédure d'information systématique des présidents des commissions permanentes et des rapporteurs pour avis concernés quant aux contrôles sur pièces et sur place envisagés par les membres de la commission des finances ;
- afin de préparer la prochaine discussion budgétaire, la commission des finances a pris l'initiative d'organiser l'audition de dix ministres dans une salle annexe du Sénat. Ces auditions publiques devraient permettre d'éviter les lourdeurs inhérentes aux débats en séance publique et de favoriser les échanges entre les représentants du Gouvernement et les élus ;
- aux yeux de la commission des finances, la réduction du déficit budgétaire ne passe pas forcément par la diminution du nombre d'agents publics. Il est toutefois du rôle de la commission de dénoncer certaines situations tout à fait inacceptables dans le contexte budgétaire actuel. Il en va ainsi, par exemple, des surnombres disciplinaires constatés parmi les effectifs du ministère de l'Education nationale.
La commission a procédé, ensuite, à l'audition de M. Richard Descoings, directeur de l'Institut d'études politiques de Paris, sur la diversité sociale dans l'accès aux classes préparatoires aux grandes écoles et autres établissements.
A titre liminaire, M. Jacques Valade, président, a précisé que cette audition s'inscrivait dans le cadre des travaux menés par M. Yannick Bodin, désigné rapporteur, par la commission, d'une proposition de loi du groupe socialiste dont il est également l'auteur, visant à permettre la diversité sociale et l'égalité des chances dans la composition des classes préparatoires aux grandes écoles et autres établissements sélectionnant à l'entrée.
Constatant, toutefois, que les premières auditions menées par le rapporteur ou devant la commission avaient permis de prendre la mesure de l'ampleur du problème et de l'intérêt général qui lui était porté, y compris par le ministre de l'éducation nationale, il a considéré qu'il s'avérait nécessaire d'approfondir la réflexion. Il a estimé que toute précipitation, consistant en l'inscription à l'ordre du jour de la proposition de loi d'ici à la fin du mois de juin, ne serait pas raisonnable compte tenu de l'importance et de la complexité du sujet abordé.
Aussi bien a-t-il proposé la création d'une mission d'information permettant de poursuivre le travail engagé.
a partagé le constat qu'au travers des premières auditions réalisées, la proposition de loi abordait un véritable problème que tout le monde s'accordait à reconnaître et vouloir traiter. Aussi, il a exprimé son adhésion à la proposition du président de créer une mission d'information sur le sujet. Il n'a pas souhaité, en effet, enfermer cette question dans un débat strictement politique en séance publique, et a considéré par ailleurs, sur un plan pratique, que l'inscription du texte à l'ordre du jour réservé du 22 juin imposerait des délais beaucoup trop brefs pour aboutir à des conclusions étayées.
La commission a décidé à l'unanimité de demander au Bureau du Sénat l'autorisation de créer cette mission d'information.
Présidence de M. Jacques Legendre, vice-président.
a souhaité, dans un propos introductif, formuler plusieurs observations d'ordre général sur le système éducatif français post-baccalauréat.
Soulignant que les classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) fonctionnaient comme une procédure de pré-recrutement pour les grandes écoles, il a rappelé que leur vocation première, qui s'inscrivait dans un objectif d'efficacité en termes de réussite à des concours spécifiques, ne pouvait s'organiser autour du principe d'égalité des chances. Outils d'élitisme intellectuel, leur seul critère de recrutement repose sur des facteurs de réussite scolaire, le rassemblement des meilleurs bacheliers dans ces classes produisant un effet d'émulation.
Il a mis en perspective la stabilité des effectifs d'étudiants dans les grandes écoles depuis leur création avec le processus de démocratisation de l'enseignement secondaire et la conjoncture difficile du marché du travail qui a également affecté les cadres à partir des années 1980. Ces deux évolutions majeures de notre société ont eu pour effet dans les familles appartenant aux classes les plus favorisées de porter une attention spécifique à l'éducation des enfants et plus particulièrement à leur parcours scolaire. Il a relevé, ainsi, que de nombreux parents s'impliquaient fortement, à l'heure actuelle, dans les choix d'orientation de leurs enfants, mais aussi dans le suivi pédagogique et matériel au cours des études supérieures.
Il a relayé une interrogation relativement nouvelle sur l'adéquation et l'efficacité de ce système en termes de formation et sur les effets pervers qu'il est susceptible de produire en matière d'éviction sociale.
Il a observé, également, que ce processus sélectif permettait aux meilleurs bacheliers de ne pas étudier à l'université, tout au moins durant leurs premières années de formation, et de bénéficier d'un taux d'encadrement supérieur, d'un suivi et d'un accompagnement de qualité. Il a rappelé le présupposé selon lequel la vraie formation est délivrée dans le cadre des classes préparatoires, les connaissances acquises dans les grandes écoles étant considérées comme « un supplément d'âme » après l'épreuve du concours.
Enfin, il a indiqué qu'une des caractéristiques des CPGE à prendre en considération tenait aux opportunités de carrière qu'elles offrent aux enseignants du second degré. Les conditions statutaires des professeurs des CPGE, en termes de positionnement hiérarchique et de rémunération, expliquent l'attachement très fort, au sein du ministère de l'éducation, au maintien des classes préparatoires. Leur intégration au sein de l'université entraînerait un déclassement pour le corps professoral concerné.
a distingué les classes préparatoires aux écoles d'ingénieurs et aux écoles commerciales des classes préparatoires littéraires, précisant que les premières offraient des débouchés à la quasi-totalité de leurs élèves, tandis que les écoles normales et les instituts d'études politiques ne recrutaient au sein des secondes qu'un nombre limité d'élèves.
a toutefois mentionné qu'une formation débutée en classes préparatoires littéraires facilitait un parcours professionnel d'excellence.
s'est ensuite interrogé sur l'existence et le maintien des classes préparatoires aux grandes écoles au sein de notre système éducatif. Tout en indiquant que la Conférence des présidents d'université (CPU) s'était prononcée en faveur d'un transfert des élèves, des professeurs et des moyens vers l'université, il a souhaité, à titre personnel, que le système actuel, qui a le mérite de bien fonctionner, ne puisse être remis en cause avant une réforme profonde et nécessaire des premiers cycles universitaires. Il a précisé, toutefois, que le fonctionnement actuel ne lui semblait pas durable dans le contexte international, car les autres pays concevaient difficilement que des centres de formation d'excellence puissent être distincts de l'université. Il a félicité le législateur, à ce propos, d'avoir réaffirmé le principe d'une recherche ancrée dans l'université.
Il a précisé ensuite l'état de sa réflexion sur la nécessité d'une diversification sociale dans l'accès aux classes préparatoires. Il a jugé paradoxal que les étudiants les plus faibles sur le plan social, culturel et financier se retrouvent principalement dans des établissements de taille démesurée, dépourvus de moyens pour développer des centres d'orientation et des aides pédagogiques, et dans les filières universitaires générales, essentiellement en sciences humaines et sociales, appelant de ses voeux une réforme des premiers cycles universitaires qui constituerait la meilleure réponse à cette question. Regrettant que les conditions politiques d'une telle réforme n'aient pas été réunies depuis vingt ans, il a considéré que, pour l'instant, les classes préparatoires aux grandes écoles se devaient de recruter des élèves venant d'horizons les plus divers.
Puis il a posé les termes d'une alternative, qui relève essentiellement de décisions du ministère de l'éducation nationale, entre l'ouverture des CPGE à un plus grand nombre d'élèves, soulevant ainsi la question des quotas, et l'ouverture de CPGE dans un nombre plus important de lycées.
Tout en explicitant les deux logiques qui favorisent, soit une émulation favorable à l'élève, intégré dans un établissement prestigieux, soit un effet d'entraînement pour l'ensemble des classes d'un lycée de l'ouverture d'une nouvelle classe préparatoire, il a souligné que le ministère de l'éducation nationale était naturellement tenté de privilégier la première solution pour des considérations budgétaires, ou liées à l'attractivité exercée par les lycées les plus prestigieux auprès du corps professoral. Il a estimé cependant, à titre personnel, que la seconde perspective offrait une meilleure solution au problème posé, tout en saluant toutes les initiatives en cours ou en projet.
Pour conclure, abordant la question des quotas, il a jugé souhaitable d'imposer aux lycées, qui ont les taux de réussite les plus élevés aux différents concours aux grandes écoles, une diversification de leur recrutement, sous réserve que celle-ci privilégie des critères liés au niveau et au potentiel des élèves, sans entrer dans des considérations ethniques ou sociologiques.
Un débat s'est ensuite engagé.
a affirmé que le foisonnement des initiatives en faveur d'une diversification sociale dans l'accès aux formations sélectives, à l'exemple de celle du lycée Henri IV, justifiait le dépôt d'une proposition de loi en ce sens. Il a estimé que le législateur ou le ministère de l'éducation nationale serait nécessairement conduit, à un moment donné, à envisager une harmonisation des principes et des pratiques, actuellement expérimentés.
Il a souligné également que les critères de sélection mis en place dans le cadre d'une diversification sociale se fondaient sur la base du mérite.
Evoquant la question de la diversité sociale et des barrières culturelles en matière d'accès aux formations supérieures, il a interrogé l'intervenant sur la manière dont celle-ci avait été appréhendée dans les procédures de recrutement de l'Institut d'études politiques de Paris.
Il s'est interrogé sur le foisonnement d'initiatives, au sein de nombreux lycées, tendant à créer des cycles préparatoires à l'entrée à « Sciences-po », et sur l'éventualité d'en améliorer la répartition sur le territoire, afin de mieux lutter contre les disparités sociales et géographiques.
Il a indiqué, enfin, que la proposition de loi qu'il avait déposée avait pour objectif de garantir aux meilleurs élèves un droit d'accès aux classes préparatoires.
a souhaité nuancer le constat établi par M. Richard Descoings. Il a rappelé, tout d'abord, que de nombreuses écoles d'ingénieurs et écoles de commerce avaient institué des voies d'accès latérales ouvertes à des étudiants titulaires d'une licence, d'une maîtrise, d'un diplôme universitaire de technologie (DUT) ou d'un brevet de technicien supérieur (BTS), qui présentent de grands avantages en termes de diversité, notamment sociale.
Par ailleurs, il a souligné que notre système des grandes écoles était bien connu par les universités étrangères, y compris les plus prestigieuses, qui appréciaient à la fois les capacités de travail de leurs étudiants et le caractère pluridisciplinaire de leur formation.
Il a fait observer, ensuite, que la qualité et l'investissement personnel des enseignants étaient essentiels pour motiver les élèves, dès le plus jeune âge, à la poursuite d'études supérieures sélectives, et contribuer ainsi à relancer l'ascenseur social.
Soulignant que de nombreuses entreprises françaises étaient au premier rang mondial, M. Pierre Laffitte a déclaré que la France n'était pas en régression mais dans une phase d'expansion de son commerce international et qu'elle maintenait globalement sa position. Aussi a-t-il insisté sur l'importance d'ouvrir plus largement l'accès aux grandes écoles et aux classes préparatoires.
considérant que les grandes écoles avaient toujours pratiqué l'éviction sociale, s'est interrogée sur les raisons pour lesquelles cette question suscitait aujourd'hui une réflexion nouvelle. Elle a envisagé deux réponses possibles, susceptibles de se combiner :
- d'une part, l'ouverture de l'accès aux grandes écoles par la fixation de quotas, les jeunes ainsi recrutés ne devant pas, toutefois, être stigmatisés par leur regroupement dans des classes distinctes, mais intégrés au cursus général ;
- d'autre part, l'ouverture de classes préparatoires aux grandes écoles dans un plus grand nombre de lycées.
Elle a évoqué, néanmoins, l'opportunité d'une intégration, à terme, des classes préparatoires et des grandes écoles au sein des universités, dès lors que le fonctionnement de ces dernières aurait été réformé et amélioré.
Faisant observer que la réforme Haby, dont il avait été le rapporteur à l'Assemblée nationale, avait prévu la mise en place d'un baccalauréat à options, permettant aux élèves d'affiner leur choix tout au long de la scolarité au lycée, M. Jacques Legendre s'est demandé si le dispositif actuel d'information et d'orientation était satisfaisant.
Il a indiqué, ensuite, que la proximité était un élément essentiel pour démocratiser l'accès à l'enseignement supérieur. S'il a salué, en ce sens, la démultiplication des sites universitaires en France, il a regretté, en revanche, que l'ouverture de nouvelles classes préparatoires aux grandes écoles n'ait pas suivi, du fait d'une pratique administrative extrêmement restrictive.
Il a souhaité que l'on puisse établir un parallèle entre la géographie des sites universitaires et celle des CPGE, pour éviter que l'inscription à l'université ne continue d'apparaître comme la seule voie possible à des jeunes qu'aucun atavisme familial ne prédestine à l'entrée en classes préparatoires.
En réponse à ces intervenants, M. Richard Descoings a apporté les précisions suivantes :
- l'Institut d'études politiques de Paris a passé des « conventions éducation prioritaire » avec 33 lycées partenaires en 2005, d'origine géographique diverse ; ils étaient 7 en 2001 ; ces conventions seront étendues à la Guadeloupe, à la Martinique et à la Guyane l'année prochaine, et 12 nouveaux lycées sont candidats pour 2006-2007 ;
- la procédure d'admissibilité est conduite par les équipes pédagogiques des lycées ;
- le dispositif des conventions s'adresse à tous les élèves d'un établissement dont l'ambition et la motivation se situent en accord avec des études supérieures exigeantes ;
- les établissements éligibles pour signer une convention avec « Sciences-po » doivent répondre à l'un au moins des critères objectifs de la politique d'éducation prioritaire menée par le ministère de l'éducation nationale ;
- l'effet d'émulation et d'entraînement est notable sur les classes de première et terminale des lycées sélectionnés, et se poursuit en ouvrant des perspectives d'accès à l'enseignement supérieur, y compris aux filières sélectives, à l'ensemble des lycéens ;
- il a été décidé de ne pas tenir compte du profil social des élèves dans les procédures de sélection ; tous les lycéens candidats sont jugés sur leur mérite personnel. La composition sociologique des lycées partenaires réduit fortement l'éventualité de recruter des « bourgeois des ZEP » ; ainsi, les étudiants ayant au moins un parent né hors de France représentent les deux tiers des admis, et ceux ayant leurs deux parents nés hors de France, la moitié des admis ;
- la multiplication des initiatives et des expérimentations doit être encouragée, car elle est susceptible de remédier aux disparités actuelles ; le manque de souplesse et d'autonomie caractérise trop souvent le système éducatif français ;
- de grandes écoles d'ingénieurs, et même Saint-Cyr, ont mis en place des procédures d'entrée parallèles dont les résultats sont positifs en termes d'efficacité et de diversité sociale ; l'existence de ces voies parallèles renforce le caractère paradoxal du mythe suivant lequel, seul, le recrutement par concours incarnerait la méritocratie républicaine, et garantirait le statut de l'école ;
- le concours est d'ailleurs aujourd'hui perçu moins comme un instrument de sélection que comme un moyen de conférer un statut, en autorisant l'entrée dans le cercle fermé des grandes écoles sur la base de la reconnaissance des mérites intellectuels ; ainsi, les effectifs des grandes écoles ont très peu augmenté par rapport au nombre des bacheliers ;
- il serait plus bénéfique aux moins bons des lycéens de s'orienter vers les voies pluridisciplinaires que sont les classes préparatoires, plutôt que vers des filières universitaires très spécialisées ; dans le modèle anglo-saxon, par exemple, les étudiants ne se spécialisent véritablement qu'à l'entrée en Master, les deux premières années universitaires étant généralistes ;
- il convient de distinguer certaines grandes écoles d'ingénieurs parmi les plus cotées, comme Polytechnique, l'Ecole des Mines ou les Ponts-et-chaussées, qui ont des laboratoires de recherche, en lien avec les universités et les écoles doctorales, de la majorité des grandes écoles qui ne font pas de recherche ; or, alors que l'on reproche parfois aux élites leur arrogance, la recherche est l'école du doute et de l'humilité ;
- la motivation des enseignants est centrale pour favoriser la réussite et l'ascension sociale des élèves ; encore faut-il leur laisser les marges d'autonomie nécessaire pour prendre des initiatives ;
- les sections de techniciens supérieurs (STS) et instituts universitaires de technologie (IUT) sont des filières sélectives qui fonctionnent bien ; à cet égard, l'exemple des IUT, intégrés dans l'université où ils disposent d'une certaine autonomie, est intéressant, dans la perspective d'un éventuel développement de filières pluridisciplinaires au sein des universités ;
- le phénomène d'éviction sociale est d'autant plus fortement ressenti qu'il s'exerce au niveau de l'enseignement supérieur, et notamment des CPGE, alors que dans le passé, il s'opérait en amont, dès le collège ou le lycée ;
- la création de nouvelles CPGE permettrait certes de tirer certains lycées vers le haut, mais elle supposerait des créations de postes et risque donc de se heurter à des objections budgétaires ;
- l'objectif de proximité, qui est un élément central pour la démocratisation de l'accès à l'enseignement supérieur, a été recherché pour l'université, en matière d'enseignement, et non en matière de recherche ;
- notre système d'information et d'orientation est très défaillant ; cela tient notamment au fait que les conseillers d'orientation-psychologues ne parviennent pas à se tenir au courant de l'évolution de l'enseignement supérieur et des métiers et tendent à privilégier une approche psychologique de l'orientation ; l'augmentation de leurs effectifs ne paraît pas, dans ces conditions, la bonne solution ; l'enseignement supérieur doit plutôt assumer ses responsabilités en la matière, en venant à la rencontre des lycéens dès la classe de seconde et en indiquant, pour chaque filière, le devenir professionnel des étudiants.