Je vais donc vous présenter à mon tour, et pour la première fois, les crédits alloués à la recherche, d'une importance extrême puisqu'ils soutiennent l'innovation de demain, qui conditionne la croissance et les emplois d'après-demain.
S'agissant tout d'abord des grandes orientations du budget de la recherche, je voudrais largement relativiser l'optimisme dont Michel Houel, co-rapporteur de la MIRES, a fait preuve. Certes, l'enveloppe augmente en termes nominaux. Mais derrière cette légère hausse se cache une baisse de 0,3 % en AE et de 1 % en CP si l'on tient compte de l'inflation. Et si l'on retranche le transfert progressif du paiement des pensions sur le budget de la MIRES, qui le gonfle artificiellement, le recul est encore plus marqué. Ainsi, le budget de la MIRES en euros et à périmètre constant - c'est à dire hors pensions, CIR et « investissements d'avenir » - est inférieur à celui de 2007. L'engagement du Président de la République d'augmenter de 1,8 milliard d'euros par an le budget de l'enseignement supérieur et de la recherche n'a pas été tenu. Depuis l'annonce du « grand emprunt », en 2010, le budget de la MIRES a chuté de près de 5 %, soit plus que ce que rapporteront annuellement les intérêts dudit emprunt.
La part des dépenses de recherche dans le PIB en France n'a cessé de baisser jusqu'en 2007 : de 2,23 % en 2002, elle est passée à 2,11 % en 2005 et 2006, à 2,08 % en 2007. Si elle a remonté en 2008 pour atteindre 2,12 %, elle n'a cependant pas retrouvé le taux de 2002. L'objectif fixé par les conseils européens de Lisbonne et Barcelone de porter à 3 % du PIB le budget de la recherche en 2010 est loin d'être atteint.
Si l'on analyse plus finement cette enveloppe, on s'aperçoit que six des neufs programmes de la MIRES consacrés à la recherche voient leurs crédits diminuer, en AE comme en CP. Le programme 192, « Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle », par exemple, est affecté par une baisse de crédits. Et ce en pleine crise économique, alors que le discours officiel est à la défense du tissu industriel du territoire, ce qui est un paradoxe !
Si l'on s'intéresse à présent aux grands organismes de recherche, ceux-ci apparaissent comme très fragilisés par les évolutions budgétaires pour 2012, après avoir été déjà très affectés l'an passé. En raison notamment des « mises en réserve » demandées par le Gouvernement au titre de la révision générale des politiques publiques (RGPP). Des économies qui obligent certains de ces organismes à réduire leur personnel ou à diminuer les crédits accordés à leurs laboratoires. Et ce alors qu'ils se situent aux premières places dans leur domaine et qu'ils contribuent directement à attirer sur notre territoire des investissements étrangers, comme nous l'ont d'ailleurs confirmé des représentants de Google France.
C'est ainsi que la subvention pour service publique des quatre organismes que nous avons auditionnés, présentée comme étant en augmentation, est en baisse en termes réels : - 1,05 % pour l'INRIA, - 1,57 % pour l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), - 2 % pour l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) et - 15,1 % pour IFP - Énergies nouvelles ! Ces fleurons de la recherche française, mondialement reconnus pour la qualité de leurs travaux et leur capacité de valorisation, sont mis à mal par ce budget. Il résulte de ces baisses, alors même que de nouvelles missions sont fixées à ces organismes, un « effet de ciseau » remettant en cause, aux dires de leurs représentants, leur capacité à tenir leurs objectifs.
Je regrette par ailleurs que l'Agence nationale pour la recherche (ANR) subisse cette année une baisse de 1,6 % de ses crédits, après une réduction de 8,1 % en 2011. Pourtant, le Gouvernement en avait fait le « fer de lance » de la politique de la recherche. Comme l'ANR est le principal opérateur des « investissements d'avenir » relevant du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, la question de l'absorption de ses nouvelles missions au titre du « grand emprunt » se trouve posée.
S'agissant justement du plan « investissements d'avenir », dont le Gouvernement est tenté de fondre les crédits avec ceux de la MIRES, afin d'augmenter l'enveloppe de cette dernière, il octroie presque 22 de ses 35 milliards d'euros de financement à l'enseignement supérieur et à la recherche. Une première phase d'appels à projets a été lancée en juin 2010 et la deuxième a été publiée en juin dernier. 220 projets ont été sélectionnés pour l'heure, pour une enveloppe « recherche » de 9,6 milliards d'ici 2020.
Il faut remarquer cependant que l'utilisation de ces crédits échappe pour partie à l'examen parlementaire et fait preuve d'une faible lisibilité. L'attribution de ces crédits laisse à penser qu'ils ont souvent été détournés de leur but initial de soutien aux innovations de rupture, participant davantage au financement de politiques en cours. Leur montant est ainsi à relativiser dans la mesure où ils sont compensés par une réduction des crédits destinés aux organismes de recherche participant aux projets d'avenir. Par ailleurs, les crédits alloués par le « grand emprunt » ne sont pas du même intérêt pour leurs utilisateurs finaux selon qu'ils sont « consomptibles » ou non.
J'en viens à présent au CIR. Michel Houel et moi-même n'en discutons pas les vertus. La part prise par ce crédit d'impôt et les dérives importantes constatées invitent néanmoins à un recadrage du dispositif permettant sa meilleure maitrise, son inscription cohérente dans une politique plus globale de soutien à la recherche, et une priorité donnée aux très petites entreprises (TPE), aux petites et moyennes entreprises (PME) et à l'emploi.
Première dépense fiscale de l'État, le coût du CIR ne cesse d'augmenter, passant de 1,68 milliards d'euros en 2007 à 5,27 milliards pour 2012. Sur la période 2008-2011, cela représente 70 % des dépenses fiscales de la MIRES ! Lorsque l'on met ces chiffres en relation avec la baisse des subventions aux grands organismes de recherche, on peut se demander si une utilisation plus équilibrée de cet argent public pourrait être faite.
Mais c'est surtout la ventilation du CIR qui prête à critique :
- les PME bénéficient d'un volume de financement plus réduit que les grandes entreprises. Or, ces dernières ont davantage les moyens de prendre en charge leurs activités de R&D. De plus, ce sont surtout les PME, plus « aventureuses », qui sont aptes à déclencher des « ruptures technologiques » ;
- les secteurs les plus aidés ne sont pas forcément ceux dont l'activité de recherche est la plus essentielle. Ainsi, le secteur des services, et plus particulièrement celui du conseil et des banques et assurances, en bénéficie le plus, bien davantage que l'industrie ;
- le dispositif peut être aisément contourné, voire détourné. De grands groupes peuvent ainsi procéder à des « filialisations » pour passer sous le seuil des 100 millions d'euros au-delà duquel le CIR est réduit de 30 à 5 %. Le formalisme très limité pour l'instruction du crédit d'impôt, tout comme la légèreté des contrôles, rendent peu probable la découverte de ces pratiques. Quant à l'activité financée, son degré d'utilité sociale n'est pas pris en compte, si l'on se réfère aux centaines de millions d'euros octroyés aux services financiers, en partie responsables de la crise actuelle, ou bien à ceux qu'a pu percevoir une entreprise comme PSA ;
- le CIR ne parait pas s'inscrire de façon cohérente dans une politique plus large de soutien à la recherche et dans une politique volontariste de lutte contre les délocalisations.
Ces constats, qu'avait déjà faits notre président l'an passé dans le rapport pour avis sur la MIRES qu'il co-signait avec Michel Houel, m'amènent à vous proposer cinq amendements.
Au final, vous l'aurez compris, Monsieur le Président, mes chers collègues, j'estime que ce budget ne garantit pas la pérennité et le développement de notre recherche, pourtant capitale dans une économie de la connaissance. Aussi je vous proposerai d'émettre un avis défavorable à l'adoption des crédits de la MIRES pour 2012.