Commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du 23 novembre 2011 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

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  • CIR
  • chercheurs
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La réunion

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La commission procède d'abord à la nomination d'un rapporteur.

Marie-Noëlle Lienemann a été nommée rapporteur de la proposition de résolution européenne n° 105 (2011-2012) de M. Bernard Piras, présentée au nom de la commission des affaires européennes, en application de l'article 73 quater du Règlement, sur le régime des aides d'État aux services d'intérêt économique général (SIEG).

La commission examine ensuite le rapport pour avis de MM. Marc Daunis et Michel Houel, sur les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » du projet de loi de finances pour 2012.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Houel

Pour la quatrième année consécutive, je vais donc vous présenter les crédits « recherche » de la mission « Recherche et enseignement supérieur », la MIRES.

Avant même de rentrer dans l'analyse, même du budget, je souhaite vous montrer à quel point la recherche est cruciale pour l'avenir de notre pays. Car il faut bien prendre conscience que la France, du fait de la montée en puissance des pays émergents, n'est plus aux avant-postes de la recherche à l'échelle mondiale. Une étude récente, utilisant des données allant jusqu'à 2008, montre que si le nombre de chercheurs n'a cessé d'augmenter jusqu'à cette date, la dépense intérieure en recherche et développement (R&D) a vu sa progression ralentir, et la part de la France dans le système de brevets et de publications scientifiques régresser.

A une plus vaste échelle, c'est l'Europe entière qui se trouve distancée sur le marché mondial de la recherche. Prise dans son ensemble, elle y occupe désormais la 19ème place sur 44 pays.

Raison principale de ce lent déclin : la montée difficilement résistible des « économies nouvelles ». La Chine, qui compte autant de chercheurs que les États-Unis désormais, est à présent troisième en dépenses de R&D. 43 % des étudiants du monde sont aujourd'hui en Asie, contre 24 % en Europe et 14 % en Amérique du Nord. Et les brevets accordés à des inventeurs asiatiques sont le double de ceux octroyés à des européens !

Face à cette lente érosion de ce qui constituait jusqu'à peu notre avantage comparatif, la capacité d'innovation, le Gouvernement a décidé d'agir de façon résolue. Dès son arrivée au pouvoir, le Président de la République faisait de la recherche et de l'enseignement supérieur sa priorité, promettant d'y consacrer 9 milliards d'euros supplémentaires durant son quinquennat.

Alors que celui-ci s'achève, quel bilan pouvons-nous en tirer ? Et bien celui du respect des engagements pris en 2007, puisque si l'on inclut le présent budget, 9,39 milliards d'euros supplémentaires auront été alloués à l'enseignement supérieur et à la recherche. Auxquels il faut ajouter près de 22 milliards d'euros au titre du plan « investissements d'avenir ».

En conséquence, la dépense intérieure en R&D s'est accrue de 15 % depuis 2007. Les personnels de la recherche n'ont pas été oubliés puisque 380 millions d'euros supplémentaires leur ont été alloués au titre du « chantier carrières », en vue de promouvoir l'excellence.

Certes, l'effort public en faveur de la recherche est moins spectaculaire pour 2012, du fait de l'environnement économique que nous connaissons tous, et des contraintes budgétaires pesant sur notre pays comme sur l'ensemble de nos partenaires européens. Mais dans un tel contexte, une augmentation du budget de la MIRES de respectivement 1,69 % et 1,02 % en autorisations d'engagement (AE) comme en crédits de paiement (CP), pour un total de 25,79 milliards d'euros, me semble tout à fait remarquable.

Si l'on laisse de côté l'enveloppe « enseignements supérieur » pour s'intéresser à la seule recherche, celle-ci est quasi stabilisée, à 14,02 milliards d'euros en AE (+ 0,4 %) et 13,92 milliards d'euros en CP (- 0,79 %). Et parmi les différents ministères participant à l'effort public en faveur de la recherche, le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche - qui en est le premier contributeur - voit ses crédits reconduits cette année (+ 0,15 %, en AE comme en CP).

Certes, les dotations aux grands organismes de recherche sont pour certaines en baisse, du fait des économies demandées à tous les établissements publics de l'État. Mais d'une part ces économies sont moindres de moitié pour le secteur de la recherche, et le ministre en charge de la recherche, M. Laurent Wauquiez, l'a confirmé pour 2012 à l'Assemblée nationale. D'autre part, elles sont l'occasion pour les organismes de recherche d'adopter un modèle de financement accroissant leur indépendance, en augmentant leurs ressources propres. C'est d'ailleurs la voie dans laquelle se sont lancés - non sans un certain succès - des organismes comme l'Institut de recherche en informatique et en automatique (INRIA) ou IFP-Énergies nouvelles.

Enfin, j'aborderai la problématique du crédit d'impôt recherche (CIR), qui nous mobilise chaque année lors de la loi de finances.

À 5,27 milliards d'euros en 2012, l'enveloppe y étant consacrée progresse de 174 millions d'euros (+ 3,3 %). Il s'agit désormais de la première dépense fiscale de l'État, et de l'instrument fiscal de soutien à la recherche le plus généreux au monde. Et c'est heureux lorsque l'on constate ses effets positifs :

- le coût du travail pour les entreprises employant des ingénieurs est réduit, de l'ordre d'un tiers ;

- l'activité économique se trouve stimulée. Ainsi, entre deux et quatre euros de croissance sont attendus pour chaque euro de crédit d'impôt versé, selon le ministre ;

- les entreprises étrangères sont incitées à s'établir ou à se développer dans notre pays. Ainsi, le nombre de projets d'investissement en R&D sur notre territoire a plus que triplé entre 2008 et 2011.

Tous ces éléments, tant sur la mise en perspective des évolutions budgétaires depuis 2007 que sur le projet de budget pour 2012, me conduisent à vous proposer d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de la MIRES pour l'année prochaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Daunis

Je vais donc vous présenter à mon tour, et pour la première fois, les crédits alloués à la recherche, d'une importance extrême puisqu'ils soutiennent l'innovation de demain, qui conditionne la croissance et les emplois d'après-demain.

S'agissant tout d'abord des grandes orientations du budget de la recherche, je voudrais largement relativiser l'optimisme dont Michel Houel, co-rapporteur de la MIRES, a fait preuve. Certes, l'enveloppe augmente en termes nominaux. Mais derrière cette légère hausse se cache une baisse de 0,3 % en AE et de 1 % en CP si l'on tient compte de l'inflation. Et si l'on retranche le transfert progressif du paiement des pensions sur le budget de la MIRES, qui le gonfle artificiellement, le recul est encore plus marqué. Ainsi, le budget de la MIRES en euros et à périmètre constant - c'est à dire hors pensions, CIR et « investissements d'avenir » - est inférieur à celui de 2007. L'engagement du Président de la République d'augmenter de 1,8 milliard d'euros par an le budget de l'enseignement supérieur et de la recherche n'a pas été tenu. Depuis l'annonce du « grand emprunt », en 2010, le budget de la MIRES a chuté de près de 5 %, soit plus que ce que rapporteront annuellement les intérêts dudit emprunt.

La part des dépenses de recherche dans le PIB en France n'a cessé de baisser jusqu'en 2007 : de 2,23 % en 2002, elle est passée à 2,11 % en 2005 et 2006, à 2,08 % en 2007. Si elle a remonté en 2008 pour atteindre 2,12 %, elle n'a cependant pas retrouvé le taux de 2002. L'objectif fixé par les conseils européens de Lisbonne et Barcelone de porter à 3 % du PIB le budget de la recherche en 2010 est loin d'être atteint.

Si l'on analyse plus finement cette enveloppe, on s'aperçoit que six des neufs programmes de la MIRES consacrés à la recherche voient leurs crédits diminuer, en AE comme en CP. Le programme 192, « Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle », par exemple, est affecté par une baisse de crédits. Et ce en pleine crise économique, alors que le discours officiel est à la défense du tissu industriel du territoire, ce qui est un paradoxe !

Si l'on s'intéresse à présent aux grands organismes de recherche, ceux-ci apparaissent comme très fragilisés par les évolutions budgétaires pour 2012, après avoir été déjà très affectés l'an passé. En raison notamment des « mises en réserve » demandées par le Gouvernement au titre de la révision générale des politiques publiques (RGPP). Des économies qui obligent certains de ces organismes à réduire leur personnel ou à diminuer les crédits accordés à leurs laboratoires. Et ce alors qu'ils se situent aux premières places dans leur domaine et qu'ils contribuent directement à attirer sur notre territoire des investissements étrangers, comme nous l'ont d'ailleurs confirmé des représentants de Google France.

C'est ainsi que la subvention pour service publique des quatre organismes que nous avons auditionnés, présentée comme étant en augmentation, est en baisse en termes réels : - 1,05 % pour l'INRIA, - 1,57 % pour l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), - 2 % pour l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) et - 15,1 % pour IFP - Énergies nouvelles ! Ces fleurons de la recherche française, mondialement reconnus pour la qualité de leurs travaux et leur capacité de valorisation, sont mis à mal par ce budget. Il résulte de ces baisses, alors même que de nouvelles missions sont fixées à ces organismes, un « effet de ciseau » remettant en cause, aux dires de leurs représentants, leur capacité à tenir leurs objectifs.

Je regrette par ailleurs que l'Agence nationale pour la recherche (ANR) subisse cette année une baisse de 1,6 % de ses crédits, après une réduction de 8,1 % en 2011. Pourtant, le Gouvernement en avait fait le « fer de lance » de la politique de la recherche. Comme l'ANR est le principal opérateur des « investissements d'avenir » relevant du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, la question de l'absorption de ses nouvelles missions au titre du « grand emprunt » se trouve posée.

S'agissant justement du plan « investissements d'avenir », dont le Gouvernement est tenté de fondre les crédits avec ceux de la MIRES, afin d'augmenter l'enveloppe de cette dernière, il octroie presque 22 de ses 35 milliards d'euros de financement à l'enseignement supérieur et à la recherche. Une première phase d'appels à projets a été lancée en juin 2010 et la deuxième a été publiée en juin dernier. 220 projets ont été sélectionnés pour l'heure, pour une enveloppe « recherche » de 9,6 milliards d'ici 2020.

Il faut remarquer cependant que l'utilisation de ces crédits échappe pour partie à l'examen parlementaire et fait preuve d'une faible lisibilité. L'attribution de ces crédits laisse à penser qu'ils ont souvent été détournés de leur but initial de soutien aux innovations de rupture, participant davantage au financement de politiques en cours. Leur montant est ainsi à relativiser dans la mesure où ils sont compensés par une réduction des crédits destinés aux organismes de recherche participant aux projets d'avenir. Par ailleurs, les crédits alloués par le « grand emprunt » ne sont pas du même intérêt pour leurs utilisateurs finaux selon qu'ils sont « consomptibles » ou non.

J'en viens à présent au CIR. Michel Houel et moi-même n'en discutons pas les vertus. La part prise par ce crédit d'impôt et les dérives importantes constatées invitent néanmoins à un recadrage du dispositif permettant sa meilleure maitrise, son inscription cohérente dans une politique plus globale de soutien à la recherche, et une priorité donnée aux très petites entreprises (TPE), aux petites et moyennes entreprises (PME) et à l'emploi.

Première dépense fiscale de l'État, le coût du CIR ne cesse d'augmenter, passant de 1,68 milliards d'euros en 2007 à 5,27 milliards pour 2012. Sur la période 2008-2011, cela représente 70 % des dépenses fiscales de la MIRES ! Lorsque l'on met ces chiffres en relation avec la baisse des subventions aux grands organismes de recherche, on peut se demander si une utilisation plus équilibrée de cet argent public pourrait être faite.

Mais c'est surtout la ventilation du CIR qui prête à critique :

- les PME bénéficient d'un volume de financement plus réduit que les grandes entreprises. Or, ces dernières ont davantage les moyens de prendre en charge leurs activités de R&D. De plus, ce sont surtout les PME, plus « aventureuses », qui sont aptes à déclencher des « ruptures technologiques » ;

- les secteurs les plus aidés ne sont pas forcément ceux dont l'activité de recherche est la plus essentielle. Ainsi, le secteur des services, et plus particulièrement celui du conseil et des banques et assurances, en bénéficie le plus, bien davantage que l'industrie ;

- le dispositif peut être aisément contourné, voire détourné. De grands groupes peuvent ainsi procéder à des « filialisations » pour passer sous le seuil des 100 millions d'euros au-delà duquel le CIR est réduit de 30 à 5 %. Le formalisme très limité pour l'instruction du crédit d'impôt, tout comme la légèreté des contrôles, rendent peu probable la découverte de ces pratiques. Quant à l'activité financée, son degré d'utilité sociale n'est pas pris en compte, si l'on se réfère aux centaines de millions d'euros octroyés aux services financiers, en partie responsables de la crise actuelle, ou bien à ceux qu'a pu percevoir une entreprise comme PSA ;

- le CIR ne parait pas s'inscrire de façon cohérente dans une politique plus large de soutien à la recherche et dans une politique volontariste de lutte contre les délocalisations.

Ces constats, qu'avait déjà faits notre président l'an passé dans le rapport pour avis sur la MIRES qu'il co-signait avec Michel Houel, m'amènent à vous proposer cinq amendements.

Au final, vous l'aurez compris, Monsieur le Président, mes chers collègues, j'estime que ce budget ne garantit pas la pérennité et le développement de notre recherche, pourtant capitale dans une économie de la connaissance. Aussi je vous proposerai d'émettre un avis défavorable à l'adoption des crédits de la MIRES pour 2012.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

Même si je ne suis pas spécialiste de la question, je partage la position de mon collègue Michel Houel, qui met en avant l'importance de la recherche, et je crois que nous serons tous d'accord là-dessus. Dans ce domaine - que ce soit en termes de santé ou de technologie - reconnaissons que la France est plutôt bien placée. Pour ma part, j'aurais une question à en rapport avec les chiffres avancés : combien dénombre-t-on de chercheurs aux États-Unis, en Chine, en France et en Inde ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Chatillon

Tout d'abord, je tiens à féliciter nos rapporteurs pour leur travail. S'agissant du CIR, il serait facile de consolider les aides octroyées aux grands groupes et à leurs filiales, et de les contrôler, quitte à le faire a posteriori et sous réserve de remboursement. Quant au fait que les assurances bénéficieraient autant du CIR, cela s'explique en réalité par un mécanisme de couverture des grands groupes, qui font « remonter » le crédit d'impôt par le jeu des assurances, surtout à l'international, par le biais de la Compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur (COFACE). Par ailleurs, je suis favorable à ce que 65 % du CIR revienne aux PME, entreprises intermédiaires (ETI) et TPE, et 35 % aux grands groupes.

Le deuxième point sur lequel j'attire votre attention est la protection des brevets. On parle de recherche et nous apprécions les chercheurs qui trouvent ! Or, d'après les études menées ces dernières années, on constate que le taux de réussite est bien inférieur en France. Pourquoi ? Parce que dans d'autres pays, lorsque les chercheurs font des découvertes, ils sont intéressés aux brevets. Je crois qu'il nous faudrait mettre l'accent sur ce point ; je suis pour qu'il y ait une prime à la réussite.

Dernier point d'intervention : je suis opposé à ce que l'on augmente de façon trop sensible le budget recherche. En effet, ainsi que le dit l'adage, « il vaut mieux apprendre à quelqu'un à pêcher plutôt que de lui donner un poisson ». On le voit avec les pôles de compétitivité, les chercheurs régionaux ont été accompagnés et ils ont été intéressés au développement des entreprises, pour des sommes non négligeables. Nous devons bâtir quelque chose qui soit plus cohérent avec les ambitions affichées.

En résumé, d'une part, regardons bien la question de la protection des brevets car la perméabilité et la fragilité de nos brevets sont très graves, notamment à l'égard de la Chine, et d'autre part, essayons d'associer les chercheurs à la réussite dans le cadre de brevets ou d'actions concertées avec les entreprises, car cela n'est pas souvent le cas et c'est dommage.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Une petite précision, cher collègue : depuis la « loi Allègre » sur l'innovation, les chercheurs sont associés aux brevets déposés par les organismes. Cela avait d'ailleurs provoqué un conflit à l'INSERM, dont vous avez peut-être eu écho...

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

J'ai écouté les rapporteurs avec beaucoup d'attention, notamment Marc Daunis, qui a fait une critique constructive d'un dispositif, le CIR, qui devrait tout de même être mieux cerné et mieux contrôlé. Je me pose deux questions. En premier lieu, est-il opportun qu'une telle niche fiscale perdure ? L'État ne pourrait-il pas ponctionner ces financements et faire en sorte de les redistribuer d'une façon ciblée et bien mieux contrôlée ? En second lieu, je m'interroge sur le soutien à la recherche publique. Je crois qu'elle souffre alors qu'elle est de première importance.

Debut de section - PermalienPhoto de Benoît Huré

Après avoir écouté la présentation de nos deux collègues, je voudrais souligner qu'il est aisé de faire dire tout et son contraire aux chiffres. D'ailleurs, ils se sont tous les deux livrés brillamment à l'exercice... D'un point de vue objectif, la critique selon laquelle les chercheurs cherchent beaucoup mais trouvent peu est de moins en moins vérifiée. De même, les oppositions schématiques entre recherche publique et recherche privée, entre recherche fondamentale et recherche appliquée, sont de moins en moins avérées. Les comparaisons qui comptent désormais sont celles que l'on fait avec des pays similaires et je crois qu'en termes de crédits, d'obtention de brevets ou de nombre de chercheurs, nous sommes plutôt dans les mieux placés, ou en tout cas mieux placés qu'il y a de cela quelques années. Il faut regarder ces choses-là avec réalisme.

Je suis également entièrement d'accord avec Marc Daunis quand il dit qu'il faut, de manière volontaire, mieux orienter les crédits vers la recherche industrielle, alors que l'on sait que les autres secteurs se financent un peu plus facilement. Pour des plus petits laboratoires, je constate aussi que les chercheurs savent trouver les crédits pour mener à bien leurs recherches et cette forme de motivation et d'intéressement doit également être prise en considération. Encore faut-il créer le cadre pour le favoriser.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Teston

Le centre stratégique d'analyse a mené récemment une étude sur l'état des forces en présence en ce qui concerne la construction ferroviaire en France et dans le monde. A cette occasion, il est apparu nécessaire de conforter la filière française qui connaît aujourd'hui des difficultés à l'exportation. Ainsi était-il envisagé d'apporter des crédits à la mise au point du TGV du futur, qui pourrait s'inspirer à la fois de la très grande vitesse et de la grande vitesse. Par conséquent, j'aimerais savoir si des crédits ont déjà été inscrits et si des engagements ont déjà été pris. En effet, je ne vois rien à ce sujet à l'action 3 du programme 192.

Debut de section - PermalienPhoto de Renée Nicoux

Le groupe Peugeot-PSA dispose de 11 milliards d'euros de liquidités et vient d'annoncer un plan d'économie comportant la suppression de près de 2 000 postes, dont 500 en interne pour la R&D. Il sera en outre mis fin à plus de 1 600 postes chez les partenaires extérieurs, dont 600 à Vélizy, 400 à La Garenne et 400 à Sochaux. Or, dans le même temps, PSA emploie 1 500 personnes à Sao Polo et 400 à Shanghai. Il est d'ailleurs prévu d'atteindre 1 000 personnes pour ce site. Le Gouvernement justifie les sommes très importantes versées au CIR par le fait qu'il serait le meilleur outil contre la délocalisation de la recherche. Or, « l'affaire PSA » en est l'exact contre-exemple. Il serait donc intéressant de connaître le montant de CIR dont le groupe a bénéficié et la place que l'entreprise occupe dans le palmarès des bénéficiaires. En outre, concernant les entreprises qui utilisent les compétences de nos chercheurs et qui délocalisent par la suite, il serait peut-être pertinent de réfléchir à un moyen de récupérer l'argent qui leur a été attribué.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Je constate que les années passent et que, concernant l'affectation du CIR, les critiques perdurent... Quant aux 3 % d'assurance, M. Alain Chatillon, on assiste même à un dévoiement par rapport à la R&D parce que ce n'est pas franchement la vocation initiale du CIR.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Houel

Je voudrais préciser qu'il y avait, en 2008, 270 000 chercheurs en France, contre environ 1,5 million aux États-Unis et à peu près autant en Chine.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Encore faut-il regarder de près ce que l'on appelle « chercheur »...

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Houel

Concernant le contrôle du CIR, j'y suis tout à fait favorable. En effet, on ne peut pas attribuer n'importe quoi à n'importe qui n'importe quand.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Daunis

Dans le prolongement de ce qui vient d'être dit sur les chercheurs, si l'on s'entend sur une même définition du mot, on en dénombre 600 000 au Japon, 312 000 en Allemagne et 256 000 au Royaume-Uni.

En termes de postes dans les organismes de recherche, nous sommes arrivés aujourd'hui à un non-remplacement d'un emploi sur six, alors qu'il était prévu que ces organismes soient sanctuarisés et échappent à la RGPP. Sans querelle de chiffre, j'ai voulu insister sur les moyens réels alloués à ces organismes. Ils empêchent, depuis quelques années, le renouvellement des chercheurs. Ainsi, nous risquons d'avoir une « fuite de cerveaux » concernant de jeunes chercheurs qui seront demain nos éléments les plus dynamiques. Un vieillissement est désormais constaté puisque la tranche 50-60 ans de nos chercheurs n'est plus remplacée. Ce phénomène est lourd de conséquence. Il a d'ailleurs été dépeint par plusieurs organismes, tel IFP-Énergies nouvelles. A mes yeux, c'est la difficulté majeure devant laquelle nous nous trouvons.

Je propose, par voie d'amendement, la consolidation des aides aux grands groupes. Il faut sortir de ce débat récurrent et enfreindre la volonté du Gouvernement de stabiliser le dispositif pour permettre son évolution. Les deux ne sont pas incompatibles ; une série d'amendements devrait d'ailleurs permettre de corriger ce que l'on considère comme les dérives les plus importantes du CIR.

Concernant la protection des brevets, l'IFP se voit attribuer la dixième place comme déposant au niveau national. Cet institut a développé un système original permettant la transition vers le secteur industriel, problème majeur de la recherche française. Ne réduisons donc pas nos soutiens à ce type d'organisme. Le problème est le même pour l'INRIA, dont la structure INRIA Transfert permet l'essaimage et la création d'entreprise.

Quant aux pôles de compétitivité, ils ont pour essence même la rencontre entre recherche publique, recherche privée, enseignement supérieur et secteur industriel. Si nous affaiblissons l'enseignement supérieur et la recherche, nous déséquilibrons les capacités de ce formidable levier qui est mis au profit de nos industriels, le contraire de ce qui est fait aux États-Unis. Prenons garde !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Houel

Toujours à propos des pôles de compétitivité, nous nous y sommes aperçus de l'effectivité de la recherche à travers un changement des mentalités. Les contrats avec les chercheurs étaient passés pour six ans, en moyenne, et les possibilités financières leur étaient données pour mener à bien leurs travaux l'esprit tranquille.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Daunis

Je voudrais attirer votre attention sur l'effort considérable fourni entre 1997 et 2002, même s'il y a eu un rattrapage au cours des années 2006-2007.

Comme Michel Teston, je n'ai rien relevé a priori dans l'action 3 du programme 192 quant aux lignes à très grande vitesse.

A propos de l'intéressement des chercheurs, attention de ne pas arriver à un contre-effet par les baisses successives.

Pour répondre à Joël Labbé, il paraît aujourd'hui difficile de passer d'un dispositif d'incitation fiscale à des crédits de subvention. Néanmoins, la question du contrôle ainsi que celle des TPE et start up demeure. Elle fera l'objet d'un amendement. Il s'agit de raccourcir le temps de versement pour se rapprocher d'une logique de subvention, tout en étant incitatif.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Je consulte sur les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Nous en venons maintenant à l'examen des cinq amendements présentés par M. Marc Daunis tendant à insérer autant d'articles additionnels après l'article 47 octodecies.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Daunis

Il s'agit d'amendements visant, comme le vous l'ai annoncé, à mieux encadrer le dispositif du CIR en :

- prévoyant un mécanisme obligeant les entreprises bénéficiant du CIR à s'engager à maintenir leur activité de recherche pendant trois ans sur le territoire national, et à rembourser les sommes perçus au titre des deux derniers exercices si elles en viennent à délocaliser lesdites activités ;

- pérennisant, uniquement pour les TPE-PME, la possibilité de demander le remboursement du CIR dès le 2 janvier de l'année suivante ;

- supprimant la tranche - coûteuse et non incitative - de CIR de 5 % pour les dépenses de recherche supérieures à 100 millions d'euros ;

- bonifiant à 50 % le taux du crédit d'impôt pour les PME mutualisant leur activité de recherche dans le cadre d'un groupement d'employeurs ;

- empêchant les stratégies d'optimisation fiscale de grands groupes répartissant leur effort de recherche entre plusieurs filiales afin de demeurer en-dessous du seuil de 100 millions d'euros au-delà duquel le taux du CIR est réduit de 30 à 5 %.

La commission adopte les cinq amendements.

La commission examine le rapport pour avis de M. Hervé Maurey sur les crédits du compte d'affectation spéciale « participations financières de l'État » de la mission « Engagements financiers de l'État » du projet de loi de finances pour 2012.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

C'est la première fois aujourd'hui que j'ai l'honneur de vous présenter les crédits du compte d'affectation spéciale « participations financières de l'État », dans le cadre du projet de loi de finances pour 2012.

L'existence de ce compte se justifie par les spécificités de la fonction actionnariale de l'État.

Plus précisément, il vise à identifier les recettes de cessions des participations de l'État et ne retrace que les opérations de celui-ci liées à la gestion de ses participations financières qui ont une nature patrimoniale. Il ne peut donc s'agir, je vous le rappelle, que d'opérations réalisées par l'État actionnaire intervenant en tant qu'investisseur. Sur ce compte donc sont versés, en dehors du budget général, tous les produits de ventes de titres et sont prélevées, le cas échéant, les dotations en capital consenties aux entreprises publiques.

Il comprend deux programmes distincts : le programme 731, consacré aux opérations en capital intéressant les participations financières de l'État, et le programme 732, relatif au désendettement de l'État et d'établissements publics de l'État.

Les orientations budgétaires pour 2012 prévoient d'affecter un milliard d'euros pour le programme 731 et 4 milliards d'euros pour le programme 732. Quant aux recettes, le projet annuel de performance en prévoit pour 2012 à hauteur de cinq milliards d'euros sans versement du budget général. J'attire votre attention sur un point particulier : ces chiffres sont invariablement les mêmes, d'une année sur l'autre, en raison du caractère « stratégique » des informations relatives aux cessions éventuelles de participations de l'État. Cette situation n'est pas sans poser de problèmes. J'y reviendrai tout à l'heure.

Je voudrais tout d'abord, avant d'entrer dans le détail de ce compte, faire deux remarques.

La première n'est pas anodine car, vous le savez, l'examen de notre budget intervient cette année dans une période de crise toujours palpable et dont les conséquences ne sont pas derrière nous. Or, dans ce contexte financier difficile, le rôle, les missions et les orientations stratégiques de l'État actionnaire sont plus que jamais au coeur des enjeux des politiques publiques françaises.

En effet, les participations cotées de l'État ont connu une chute spectaculaire cette année : elles sont passées en un an de 88,2 milliards d'euros à 69,8 milliards d'euros. En outre, l'instabilité financière a donné lieu à différentes hypothèses sur la recapitalisation de certaines banques ou sur un éventuel recours à des cessions de participations. Il est donc encore plus légitime de s'interroger cette année sur la fiabilité et l'efficacité de la gestion par l'État de ses participations.

Deuxième remarque, j'insiste sur le fait que la discussion du projet de loi de finances initiale est quasiment le seul moment, excepté les grandes lois de nationalisation ou de privatisation, où le Parlement est amené à débattre de l'État actionnaire, de son rôle, de sa politique, de sa stratégie et de l'étendue de ses missions. A ce titre, je pense qu'il serait intéressant de pouvoir suivre, tout au long de l'année, de manière plus régulière, l'activité effective de ce compte, ce qui nous permettrait d'en aborder les aspects financiers, mais surtout stratégiques, notamment en matière industrielle qui relève de la compétence de notre commission.

J'en viens maintenant à la présentation de ce rapport, qui est structuré en trois parties. La première reprend les spécificités du compte et les orientations budgétaires pour 2012. La seconde établit un premier bilan de la réforme de l'Agence des participations de l'État (APE) intervenue en 2010. La troisième enfin revient sur l'opportunité de la réflexion sur une redéfinition du périmètre des participations de l'État.

Concernant la première partie, je voudrais insister, vous l'aurez compris, comme mes prédécesseurs l'ont fait avant moi, sur le flou d'un compte qui cumule un certain nombre de limites : les dépenses et les recettes ne sont « qu'indicatives » et surtout l'écart entre les prévisions et l'exécution est tout à fait considérable, à tel point qu'il remet en cause la pertinence des informations regroupées par ce compte et la sincérité de l'information de ce budget. A titre d'exemple, les recettes prévues pour 2010 par la loi de finance initiale s'élevaient, comme cette année, à 5 milliards d'euros. Or, l'exécution du budget en 2010 a donné lieu à l'encaissement de seulement 2,9 milliards d'euros, soit un écart de plus de 2 milliards d'euros.

Et cette approximation dans les informations transmises est particulièrement regrettable dans la période actuelle, qui rendrait nécessaire une vision plus précise de la stratégie de l'État dans la crise.

C'est un fait, bien sûr, que la stratégie de cession dépend très largement de la situation des marchés, en outre actuellement très difficile, des projets stratégiques des entreprises intéressées, de l'évolution de leurs alliances ainsi que des orientations industrielles retenues par le Gouvernement. Bien entendu certaines données doivent être tenues secrètes pour ne pas mettre en péril des opérations importantes par l'impact qu'une trop grande publicité pourrait avoir sur les cours. Néanmoins, l'information du Parlement pourrait être améliorée par une mise en regard plus systématique, chaque année, des prévisions du compte d'affectation spéciale et de la réalité de l'exécution des exercices précédents, ou encore par des débats plus réguliers sur la stratégie de l'État actionnaire. Ainsi, le Parlement pourrait être mieux associé à l'examen et à l'évaluation de cette mission essentielle, plutôt que se contenter d'examiner, chaque année, des données identiques et déconnectées de la réalité qui, elle, ne manque pas d'être changeante d'une année sur l'autre.

Cette année par exemple, on pourrait être légitimement en droit de s'inquiéter sur l'équilibre d'un compte qui - au-delà du chiffre affiché de 5 milliards d'euros - ne prévoit en réalité presque pas de recettes alors que 860 millions d'euros de dépenses sont déjà prévues d'après les informations que m'a transmises l'APE. Il y a donc un vrai débat qui mérite d'être posé : soit les conditions de marché permettront de financer les dépenses par une ou plusieurs actions de cession avec le risque de réaliser des moins-values ; soit les conditions de marchés ne le permettront pas et les dépenses devront être équilibrées par une dotation budgétaire alors même que la situation de nos finances publiques ne s'y prête pas forcément.

Dans une deuxième partie, j'ai souhaité insister sur la deuxième dimension qui contribue à faire de l'année 2012 un moment crucial pour la politique des participations publiques : celle de la rénovation profonde de la fonction de l'État actionnaire.

En effet, c'est un acteur rénové et modernisé qui est aujourd'hui confronté à la crise puisqu'une nouvelle « fonction » a été créée à la tête de l'État actionnaire, un « commissaire aux participations de l'État », nommé le 15 septembre 2010. En outre, le décret du 31 janvier 2011 modifiant le décret constitutif de l'APE du 9 septembre 2004 a bien montré le souci de s'inscrire dans une perspective de définition d'une stratégie industrielle sur le long terme pour le pays, comme le montre par exemple le dialogue entre EDF et Areva au sein d'un partenariat stratégique. Une remarque néanmoins : le co-actionnariat, dans certains cas, de l'APE et du Fonds stratégique d'investissement (FSI) peut risquer de brouiller la stratégie de l'État et la distinction des rôles entre ces deux acteurs. Un récent rapport d'information de notre collègue Jean-Pierre Fourcade l'a très bien montré.

Au-delà de la symbolique, je voudrais souligner que le bilan de cette réforme, un an plus tard, montre aussi de réels changements dans la pratique de la gestion de ses participations par l'État.

A titre d'exemple de la mise en avant de l'objectif de stratégie industrielle, on peut relever que l'Agence des participations de l'État a désormais recours à la pratique d'études sectorielles pour mieux anticiper les intérêts stratégiques des prises de participation de l'État. Ainsi par exemple, une étude a été menée sur le secteur particulièrement émietté de la Défense afin de délimiter les contours d'un périmètre qui puisse épouser ceux d'une véritable politique industrielle en matière de défense. Le rapprochement entre Thalès et Safran résulte ainsi de cette initiative.

Je regrette seulement que pour l'exercice 2012, les indicateurs de performance de ce compte n'aient pas évolué et n'aient pas pris en compte la réforme institutionnelle de l'APE et les orientations de bonne gouvernance mises en oeuvre en 2011, passant ainsi sous silence l'objectif de stratégie industrielle pourtant mis en avant par la nouvelle organisation de l'APE.

D'autres améliorations sont également visibles en matière de gouvernance des entreprises publiques : la formation des administrateurs de l'État a été renforcée ; le taux de distribution de dividendes a diminué à 55,7 % du résultat net en 2010 contre 59,5 % en 2009 et il devrait encore baisser à 53 % en 2011 ; pour ce qui est de la parité, on observe une hausse de plus de 15 % en un an du nombre des femmes au sein des conseils d'administration ou de surveillance des entreprises du périmètre de l'Agence des participations de l'État.

Enfin, j'ai souhaité m'interroger sur la pertinence de la redéfinition du périmètre de l'État actionnaire, sur son efficacité ainsi que sur sa structuration et son poids stratégiques. Beaucoup d'éléments incitent à cette réflexion : la situation de nos finances publiques d'une part, mais aussi l'intérêt que pourrait avoir l'État à entrer au capital de certains établissements financiers.

L'accent mis sur l'objectif de développement industriel et économique de long terme selon une vision stratégique du pilotage des participations de l'État pose la question d'entreprises peu stratégiques, au sein desquelles l'État détient des participations, comme par exemple Aéroports de Paris, dont la participation de l'État atteint 2,7 milliards d'euros. Certains responsables politiques sont même allés jusqu'à envisager une reprise des privatisations sous la forme de cessions d'actifs jugés peu stratégiques. La situation de nos finances publiques justifierait-elle que l'État s'engage dans des cessions qui lui feraient courir le risque de réaliser des moins-values ? Avec un total de 69,8 milliards d'euros de participations cotées, quel pourrait être l'impact d'un tel choix face à notre colossale dette publique qui devrait s'élever en 2012, je vous le rappelle à environ 1 800 milliards d'euros ?

Je pense ainsi qu'il serait souhaitable que la représentation nationale puisse avoir un débat éclairé sur les entreprises à participation publique peu stratégiques ou au sein desquelles l'État détient des participations de manière très minoritaire (moins de 20 %).

En conclusion, mes chers collègues, ce compte d'affectation spéciale, en tant que tel, trouve aujourd'hui deux limites : d'une part, le caractère approximatif des données qu'il affiche ne permettent pas une information du Parlement satisfaisante et surtout ne reflète pas l'importance des enjeux stratégiques qui s'y jouent ; d'autre part, la relative inactivité de ce compte depuis quelques années avec des recettes de cession de plus en plus faibles et incertaines compte tenu de l'instabilité des marchés financiers conduit à s'interroger sur son périmètre.

C'est donc pour ces deux raisons, et malgré l'évolution notoire et concrète de la gouvernance de l'Agence des participations de l'État qui fait de l'État actionnaire un acteur essentiel d'une politique industrielle stratégique pour la France, qu'à titre personnel, je m'abstiendrai sur le vote de ces crédits.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

Je suis pour ma part d'accord avec le diagnostic assez sévère que vient de nous livrer le rapporteur. En effet, ce rapport est très important, notamment pour ce qui est du positionnement de l'État sur sa stratégie industrielle. En ce qui concerne l'Agence des participations de l'État, il serait souhaitable que le Parlement puisse être associé de manière plus précise à ses travaux, qui révèlent en fait la politique ou l'absence de politique en matière de stratégie industrielle.

Je pense pour ma part que dans le contexte de dépression économique dans lequel nous nous trouvons, il existe deux options : soit l'État se débarrasse de ses actifs dans des secteurs qui, du point de vue de la stratégie industrielle, sont des secteurs clés, ou bien il renforce ses positions pour être le moteur d'une politique industrielle là où l'industrie est défaillante. Je pense notamment à EADS où la prise de participations de l'État est assez conséquente : à l'heure où je parle, le dossier n'a pas avancé et on ne sait pas où en est le comportement erratique s'agissant de la prise de participation de l'État dans cette entreprise. En la matière, les parlementaires devraient avoir davantage d'information. Je plaide pour un redressement de la situation et pour que l'État n'accepte pas de « vendre l'argenterie ».

La présentation qui a été faite confirme la vision qui est la nôtre à savoir une forme de flou sur cette politique, ce qui n'est pas de bon augure au moment où l'État devrait véritablement jouer un rôle moteur en matière de stratégie industrielle et peser dans des secteurs clés. C'est la raison pour laquelle nous nous prononcerons par un avis défavorable à l'adoption des crédits de cette mission.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

De mon point de vue, il faudrait immédiatement arrêter la cession d'actions de l'État parce que nous avons besoin de filières industrielles stratégiques par secteurs. Quand on fait le bilan dans la longue durée entre la France et l'Allemagne, dont on se réjouit aujourd'hui de voir le capitalisme exportateur, il faut se rappeler que l'histoire de l'Allemagne est celle d'un capitalisme familial alors que le capitalisme français a toujours eu des bases publiques extrêmement puissantes : quand nous avons privatisé, alors que les Allemands ont gardé une large part de leur capital national, petit à petit, le capital de nos entreprises privatisées est devenu étranger. Du coup un certain nombre de pilotages qui auraient pu être arbitrés autrement n'ont pas été faits en faveur de la France.

Ainsi au moment du débat lors du rachat d'Arcelor par Mittal, le Luxembourg, la Wallonie, le Land de Sarre ont obtenu des garanties sur un maintien au moins pendant 5 à 10 ans des activités productives dans leur pays.

Si on s'imagine qu'aujourd'hui on peut intervenir dans la politique industrielle sans avoir, dans certains secteurs, de l'actionnariat public, on se trompe. Je pense que le capital public doit être un capital actif notamment pour éviter les délocalisations dans des secteurs clés : si l'État avait été plus fort dans le capital de Renault, l'industrie automobile française n'en serait pas là où elle en est, notamment s'agissant des délocalisations. J'observe que les Chinois, qui sont si performants, n'ont pas d'état d'âme sur le capital public pour leur industrie. Il faut donc inventer des formes contemporaines pour redonner à la France des capacités d'intervention publique, en particulier pour se protéger des offres publiques d'achat : je suis hostile pour ma part à ce qu'on vende des nouveaux actifs. Je plaide en revanche pour des fonds régionaux d'investissements co-pilotés État-région adossés à des stratégies industrielles soit par filières soit pour le développement territorial.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Je partage pour ma part l'analyse juste de notre rapporteur quant au rôle de l'État stratège et sur la réflexion que cela induit pour identifier les participations qui sont aujourd'hui stratégiques et celles qui ne le sont pas. J'ajoute que l'intervention de la Caisse des dépôts et consignations, comme troisième acteur de l'État actionnaire, accroît le manque de lisibilité de cette politique.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Chatillon

Pour ma part je serai plus mesuré que certains de mes collègues. Dans la gestion de ces participations, on peut certes formuler plusieurs critiques :

- premièrement, la compétence des gens nommés dans les conseils d'administration et qui n'ont pas forcément la connaissance du secteur concerné ;

- en deuxième lieu, le vrai problème est d'avoir des fonds régionaux dynamiques mais via des pools bancaires notamment « tractés » par la Caisse des dépôts avec les conseils régionaux, comme ça se fait déjà dans un certain nombre de régions, avec des sociétés qui effectivement apportent des participations solides ; en revanche je crois que l'État doit se concentrer sur l'aménagement du territoire ; c'est pourquoi j'étais contre la privatisation des autoroutes. Sur EADS, la vraie question n'est pas de savoir qui va être actionnaire mais ce qui est inquiétant c'est que Daimler est en train de recéder sa participation à l'État allemand. Donc il faut que l'État s'interroge sur la façon dont on va gérer cette participation. Pour moi, l'État doit permettre aux entreprises de faire, plutôt que de substituer aux opérateurs dans un certain nombre de domaines qui ne sont pas stratégiques. Je considère donc que l'action qui a été menée aujourd'hui n'est pas forcément mauvaise. C'est plus dans le fonctionnement et dans les orientations qu'il faut que nous pesions.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Capo-Canellas

J'ai vécu la situation qui vient d'être commentée puisque j'ai été administrateur de l'établissement public Aéroports de Paris (ADP), fonction que j'ai décidé de quitter en arrivant au Sénat. J'ai donc vécu de l'intérieur la contradiction que le rapporteur soulignait à juste titre entre l'État actionnaire et l'État stratège. Tout d'abord on trouve dans ce genre de conseil d'administration l'Agence des participations de l'État, qui a essentiellement un souci de rentabilité de son investissement, et on trouve aussi un certain nombre d'administrateurs très variés émanant de l'ensemble des directions de l'État. On voit donc bien la contradiction que l'État peut avoir à gérer entre un objectif de rentabilité financière d'une part et une stratégie industrielle de long terme d'autre part.

Sur la question spécifique d'Aéroports de Paris, il me semble qu'il faut établir une nuance : cela relève d'un débat politique sur le long terme. Les infrastructures aéroportuaires de la capitale doivent selon moi rester du domaine régalien à partir du moment où cet établissement public continue l'effort de modernisation qu'il a engagé. On se trouve tout de même confronté au bout d'un moment à une forme de hiatus dans la mesure où on trouve dans ADP l'État actionnaire, mais aussi le FSI, comme le rapporteur l'a pointé, et encore un partenaire privé avec l'Aéroport de Schipol Amsterdam. Pour ma part, je pense que l'État a toute sa place dans une société d'infrastructures aéroportuaires.

Dernier point, je crois que l'État n'est pas en train de reculer sur EADS mais que c'est plutôt l'État allemand, dont la participation va sûrement remonter. Il serait à ce titre peut-être utile que la commission crée un groupe de travail sur les questions aéronautiques et aéroportuaires car il s'agit d'un des secteurs les plus pourvoyeurs d'emplois, il ne faut pas le perdre de vue.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Tout d'abord, les critiques que j'ai formulées ne sont pas dirigées contre l'action de l'Agence mais plutôt contre le niveau d'information qui est fourni au Parlement, comme l'avaient déjà souligné un certain nombre de mes prédécesseurs. Ce niveau ne permet pas d'apprécier vraiment ce que fait l'Agence. Certains éléments sont en effet stratégiques et ne peuvent pas être divulgués en raison de leur impact sur les cours de la bourse. Mais je pense qu'il faudrait trouver un juste milieu entre un niveau d'information du Parlement proche de zéro et une publicité totale. J'ai également souligné qu'il y avait des aspects positifs dans la réforme de l'Agence des participations de l'État.

Je rejoins ce qui a été dit par Jean-Jacques Mirassou sur la nécessité de suivre plus régulièrement la politique de l'État quant à la gestion de ses participations. La commission pourrait ainsi au minimum auditionner le commissaire, voire même faire un rapport d'information sur ce sujet qui représente tout de même 72 milliards d'euros.

Marie-Noëlle Lienemann, vous avez dit que les cessions devaient s'arrêter mais je crois qu'il n'y en a eu quasiment aucune ces dernières années. Moi je suis plutôt partisan d'une gestion plus dynamique des participations en vertu de leur caractère stratégique ou non. Par ailleurs je ne crois pas vraiment au modèle chinois, que ce soit en matière économique ou sociale.

Sur la question des compétences évoquée par notre collègue Alain Chatillon, la réforme de l'APE améliore les choses en la matière puisque désormais il y a deux administrateurs dans les conseils d'administration : un chargé de l'aspect financier et un censé avoir des compétences industrielles sur le secteur en question.

Par rapport à ce que disait mon collègue Vincent Capo-Canellas, je ne fais pas de fixation sur ADP : ce n'est qu'un exemple d'une entreprise sur un secteur qui n'est peut-être pas aussi stratégique que cela.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Je consulte sur les crédits du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » en rappelant la position du rapporteur qui propose de s'abstenir.

La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'Etat ».