De mon point de vue, il faudrait immédiatement arrêter la cession d'actions de l'État parce que nous avons besoin de filières industrielles stratégiques par secteurs. Quand on fait le bilan dans la longue durée entre la France et l'Allemagne, dont on se réjouit aujourd'hui de voir le capitalisme exportateur, il faut se rappeler que l'histoire de l'Allemagne est celle d'un capitalisme familial alors que le capitalisme français a toujours eu des bases publiques extrêmement puissantes : quand nous avons privatisé, alors que les Allemands ont gardé une large part de leur capital national, petit à petit, le capital de nos entreprises privatisées est devenu étranger. Du coup un certain nombre de pilotages qui auraient pu être arbitrés autrement n'ont pas été faits en faveur de la France.
Ainsi au moment du débat lors du rachat d'Arcelor par Mittal, le Luxembourg, la Wallonie, le Land de Sarre ont obtenu des garanties sur un maintien au moins pendant 5 à 10 ans des activités productives dans leur pays.
Si on s'imagine qu'aujourd'hui on peut intervenir dans la politique industrielle sans avoir, dans certains secteurs, de l'actionnariat public, on se trompe. Je pense que le capital public doit être un capital actif notamment pour éviter les délocalisations dans des secteurs clés : si l'État avait été plus fort dans le capital de Renault, l'industrie automobile française n'en serait pas là où elle en est, notamment s'agissant des délocalisations. J'observe que les Chinois, qui sont si performants, n'ont pas d'état d'âme sur le capital public pour leur industrie. Il faut donc inventer des formes contemporaines pour redonner à la France des capacités d'intervention publique, en particulier pour se protéger des offres publiques d'achat : je suis hostile pour ma part à ce qu'on vende des nouveaux actifs. Je plaide en revanche pour des fonds régionaux d'investissements co-pilotés État-région adossés à des stratégies industrielles soit par filières soit pour le développement territorial.