Intervention de Dominique Bussereau

Réunion du 27 mars 2008 à 15h00
Accord de transport aérien avec les états-unis d'amérique — Adoption d'un projet de loi

Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports :

Permettez-moi tout d'abord, monsieur le président, de vous remercier de m'avoir permis d'entendre la communication passionnante de M. le Médiateur de la République ainsi que la réponse du président de la commission des lois.

Monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, l'accord de transport aérien dont la ratification est aujourd'hui soumise à votre autorisation peut vous paraître technique mais, d'un point de vue politique, il revêt une importance majeure pour l'Union européenne et les États-Unis. Compte tenu de l'urgence qui s'attache à son entrée en vigueur et à la demande expresse du ministre des affaires étrangères et européennes, qui est aujourd'hui aux côtés du chef de l'État à Londres, j'ai le privilège, au nom du Gouvernement, de vous présenter cet accord.

Les services aériens très nombreux entre l'Union européenne et les États-Unis sont actuellement régis par une série d'accords bilatéraux entre les États membres et les États-Unis, qui ont d'ailleurs fait l'objet de surenchères. Un citoyen de l'Union européenne qui souhaite voyager depuis un État membre pour se rendre aux États-Unis est donc contraint d'emprunter soit une compagnie américaine, soit une compagnie ayant la nationalité de l'État membre concerné par le vol.

C'est principalement parce que de tels accords aboutissaient à discriminer les compagnies européennes sur la base de la nationalité que la Cour de justice des Communautés européennes les a jugés incompatibles avec le droit communautaire, et plus particulièrement avec les prescriptions du traité CE relatives à la liberté d'établissement.

Les négociations, menées par la Commission européenne, après avoir reçu en juin 2003 un mandat de négociation du Conseil « Transport », ont été longues et complexes, ainsi que le vice-président de la Commission européenne chargé des transports, M. Jacques Barrot, l'a lui même reconnu. Il a fallu quatre années et onze sessions de négociations entre l'Europe et les États-Unis pour aboutir au résultat qui vous est aujourd'hui soumis.

L'exposé des motifs du projet de loi comporte le commentaire des principales dispositions de l'accord, je n'y reviendrai donc pas. Je rappellerai simplement que cet accord « mixte » - dans la mesure où il comporte des dispositions relevant encore de la compétence des États membres - tend à libéraliser les échanges aériens entre l'Europe et les États-Unis et garantit aux transporteurs aériens communautaires la possibilité de fixer librement les tarifs et les capacités de leurs vols, mais surtout de pouvoir voler librement au départ de tout État membre, et ce indépendamment de leur nationalité.

Il convient, à cet égard, de citer la levée des contraintes réglementaires concernant l'aéroport d'Heathrow, qui vient d'ailleurs d'ouvrir aujourd'hui, non sans difficultés, son nouveau terminal. En effet, jusqu'à ce jour, en vertu d'un accord bilatéral datant de 1977, seules deux compagnies britanniques, British Airways et Virgin Atlantic, et deux compagnies américaines, American Airlines et United Airlines, avaient la possibilité de desservir les États-Unis au départ de Londres.

Comme vous l'avez certainement lu dans la presse, mesdames, messieurs les sénateurs, Air France-KLM entend ouvrir un vol sur Los Angeles pour profiter de cet accord immédiatement après l'adoption de ce projet de loi.

Par ailleurs, nous devons nous réjouir du renforcement de la convergence réglementaire que cet accord favorise dans des domaines aussi importants que ceux de la sécurité, de la sûreté ou de la concurrence. Dans l'esprit du Grenelle de l'environnement et des accords que nous négocions entre l'Europe et l'Organisation de l'aviation civile internationale, ce texte marque le début d'une coopération en matière environnementale.

Je tiens également à souligner que ce projet de loi n'est qu'un accord de première étape. La perspective d'un second accord est d'ailleurs explicitement prévue à l'article 21.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous pouvez avoir une impression d'inachevé. En effet, vous aurez observé que la libéralisation du droit de cabotage, notamment, c'est-à-dire la possibilité pour une compagnie d'effectuer des vols à l'intérieur du territoire de l'autre partie, n'a pas été incluse dans cet accord ; elle a d'ailleurs été l'une des grandes difficultés de cette négociation. L'accès au marché intérieur américain est donc encore réservé aux seules compagnies américaines. L'un des objectifs principaux de l'accord de seconde étape sera plus précisément d'obtenir une ouverture du marché intérieur américain aux compagnies européennes.

En effet, l'accord du 30 avril 2007 appelle à la poursuite des négociations pour supprimer les limitations à la libéralisation des droits du trafic aérien qui subsistent. Il fixe, notamment, un échéancier selon lequel l'accord entrera provisoirement en vigueur le 30 mars 2008 et la seconde phase de négociations devra commencer avant le 30 mai 2008. Un bilan des progrès accomplis sera dressé au plus tard dix-huit mois à compter du début de cette seconde phase, c'est-à-dire à la fin de l'année 2009. Cette seconde phase de négociations doit en principe s'achever à la fin de l'année 2010.

Enfin, l'Union européenne s'est réservé le droit de suspendre certaines parties de l'accord si le dialogue ne permet pas son approfondissement dans les trois années suivantes.

Cela étant, et en dépit de certaines difficultés, nous attendons dans les semaines à venir des bénéfices réels de cet accord.

En premier lieu, en mettant fin à la fragmentation qui prévalait jusqu'alors, cet accord lève un obstacle important à la réalisation du marché unique européen de l'aviation. La présidence française de l'Union européenne sera l'occasion de faire progresser ce marché unique, notamment en engageant des négociations en matière de contrôle aérien.

En second lieu, cet accord couvrira près de 60 % du trafic aérien mondial grâce au rapprochement des deux plus grands marchés du transport aérien. Malgré la progression du nombre de vols vers l'Asie, le trafic aérien sur l'Atlantique Nord est le premier marché commercial dans le monde.

D'après la Commission européenne, l'ouverture des couloirs aériens transatlantiques pourrait se traduire par une augmentation du nombre de passagers entre l'Europe et les États-Unis de 26 millions de personnes environ en cinq ans, ainsi que par la création de 80 000 emplois au sein des aéroports et des compagnies aériennes.

Enfin, cet accord pourrait servir de modèle à de futurs accords de même nature avec d'autres pays. Sous la présidence française de l'Union européenne, nous allons avoir des discussions avec le Canada et d'autres États pour permettre la libéralisation progressive du transport aérien international.

C'est dans ce panorama que la ratification française prend toute son importance. Les parties à l'accord se sont engagées, je le répète, à ce que celui-ci soit appliqué dès le 30 mars 2008, avant même son entrée en vigueur définitive. La France ne pourrait, compte tenu de ses obligations constitutionnelles, être en mesure de le faire sans l'autorisation de ratification donnée par le Parlement.

C'est la raison pour laquelle je tiens, au nom du Gouvernement, à remercier M. le rapporteur, Philippe Nogrix, de la diligence dont il a fait preuve pour examiner ce texte.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai l'honneur de vous demander de bien vouloir autoriser la ratification de l'accord de transport aérien entre la Communauté européenne et ses États membres et les États-Unis d'Amérique.

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