Intervention de Jean-René Lecerf

Commission mixte paritaire — Réunion du 9 juin 2010 : 1ère réunion
Commission mixte paritaire sur l'application de l'article 65 de la constitution

Photo de Jean-René LecerfJean-René Lecerf, rapporteur pour le Sénat :

Comme cela a déjà été rappelé, le texte adopté par le Sénat en deuxième lecture s'inscrivait déjà en net retrait par rapport au texte issu de la première lecture. S'agissant de l'exigence constitutionnelle tendant à ce que soit désigné un avocat, elle me paraît satisfaite dès lors que le titulaire du poste a bien cette qualité lors de sa désignation et qu'il ne la perd pas au cours de son mandat. Les modalités de son exercice professionnel n'entrent pas en ligne de compte et un avocat honoraire pourrait très bien siéger au CSM tout comme un avocat qui s'abstiendrait de plaider. A titre de comparaison, personne ne conteste la légitimité à siéger au CSM des magistrats qui ont demandé leur détachement ou une décharge partielle d'activité. Par ailleurs, nombre d'avocats exercent leur profession sans plaider ou en ne plaidant que de manière très exceptionnelle.

Le Sénat a en outre considéré que les comparaisons entre la situation de l'avocat et celle des magistrats siégeant au CSM n'étaient pas fondées. En effet, l'activité des magistrats est encadrée par d'importantes garanties statutaires d'indépendance alors que l'avocat est directement intéressé au sort de l'affaire pour laquelle il défend son client.

Sur les exigences d'impartialité et de sécurité juridiques, je rappelle qu'il n'est pas suffisant que la justice soit rendue de manière impartiale ; encore faut-il qu'elle ait toutes les apparences de l'impartialité. Or, sans que soit mise en cause la déontologie de l'avocat siégeant au CSM, ni celle du magistrat concerné, le simple fait que le premier défende une partie devant le second, alors qu'il aura à se prononcer sur son avenir pendant son mandat suffira, pour la partie adverse, à jeter un doute sur l'impartialité du jugement qui sera rendu. A cet égard, je souligne qu'en 2008 la formation du CSM compétente pour le siège s'est prononcée sur 2.256 nominations et celle compétente pour le parquet sur 592 propositions de nomination. Ainsi, pour quatre années de mandat, un membre des deux formations, comme l'avocat, est amené à se prononcer sur un effectif équivalent à celui de tous le corps judiciaire.

Par ailleurs, la possibilité pour l'avocat membre du CSM de plaider induirait sans doute une grande fragilité des décisions rendues sur les affaires au cours desquelles il est intervenu au regard des exigences du procès équitable définies à l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. Nous pourrions alors nous trouver confrontés à une série de contestations sur ce fondement.

Enfin, la solution du déport de l'avocat siégeant au CSM, lorsque le Conseil supérieur examine la situation de magistrats devant lesquels il a plaidé, ne paraît convenable que si elle n'est pas trop systématique, car un déport trop fréquent de l'avocat entraînerait un déséquilibre dans la composition des formations du CSM. Un dispositif de déport renforcé paraît donc possible, mais doit être organisé. Je pourrais à cet égard vous présenter une proposition de rédaction si notre commission mixte paritaire s'orientait vers cette solution.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion