La commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique relatif à l'application de l'article 65 de la Constitution s'est réunie au Sénat le mercredi 9 juin 2010.
Elle a procédé à la désignation de son bureau qui est ainsi constitué :
Jean-Jacques Hyest, sénateur, président,
Jean-Luc Warsmann, député, vice-président.
Jean-René Lecerf, sénateur,
Philippe Houillon, député,
respectivement rapporteurs pour le Sénat et pour l'Assemblée nationale.
La commission procède à l'examen des dispositions du projet de loi organique restant en discussion.
Après deux lectures dans chaque assemblée, il me semble qu'il reste trois points de débat. Tout d'abord, la question des incompatibilités applicables à l'avocat membre du conseil supérieur de la magistrature (CSM). A cet égard, alors que le Sénat a prévu que l'avocat siégeant au CSM ne pourrait plaider devant les juridictions judiciaires pendant la durée de son mandat, l'Assemblée nationale a supprimé cette incompatibilité en deuxième lecture.
Le deuxième point restant en discussion concerne les dispositifs de sanction assurant le respect des règles de déontologie applicables aux membres du CSM. L'Assemblée nationale a substitué à la suspension temporaire d'un membre qui manquerait à ses obligations déontologiques un mécanisme d'avertissement. Elle a par ailleurs supprimé le dispositif prévoyant qu'une formation du conseil supérieur pourrait décider le déport d'un de ses membres afin d'éviter que sa participation aux délibérations n'entache d'un doute l'impartialité de la décision rendue.
Enfin, le troisième point de débat porte sur l'autonomie budgétaire du CSM. En la matière, l'Assemblée nationale et le Sénat semblent s'accorder sur l'objectif mais divergent sur les modalités.
Je rejoins les observations du rapporteur pour l'Assemblée nationale. Les deux lectures réalisées dans chaque assemblée ont en effet sensiblement enrichi le texte, chacune ayant fait des pas vers l'autre.
Je souhaite indiquer d'emblée mon accord avec la modification adoptée par l'Assemblée nationale sur les dispositifs de sanction des manquements aux règles déontologiques, car l'avertissement constitue sans doute une sanction plus adaptée que la suspension temporaire.
Il reste donc trois points de divergence : l'interdiction de plaider pour l'avocat siégeant au Conseil supérieur, la possibilité pour une formation du CSM de contraindre l'un de ses membres à se déporter et la garantie de l'autonomie budgétaire du CSM.
Nous allons donc commencer par la question du régime d'incompatibilité applicable à l'avocat.
La position de l'Assemblée nationale est que le constituant a souhaité la présence d'un avocat au CSM et que cet avocat doit exercer sa profession. La loi organique ne saurait donc lui interdire de plaider. Il serait en effet paradoxal de prévoir qu'il devient membre du CSM parce qu'il est avocat et que, parce qu'il devient membre du CSM, il ne peut plus être véritablement avocat. En outre, une incompatibilité du même ordre devrait alors s'appliquer aux magistrats siégeant au CSM. A cet égard, la démonstration développée par le Sénat, et selon laquelle les situations respectives de l'avocat et des magistrats ne seraient pas comparables, me paraît peu convaincante. Il me semble tout simplement qu'un membre du CSM qui serait en situation d'influencer l'avis ou la décision du Conseil supérieur en matière de nomination ou de discipline d'un magistrat, compte tenu des affaires judiciaires dont il aurait eu connaissance devrait se déporter ou, à défaut, être sanctionné. Le constituant n'a pas prévu de limitation aux conditions d'exercice professionnel de l'avocat et les exigences définies par le Sénat, même réduites en deuxième lecture, ne me paraissent pas conformes à l'esprit de la Constitution.
Je regrette tout d'abord que la réforme du Conseil supérieur de la magistrature engagée par la révision constitutionnelle de 2008 n'ait pas permis de réformer le statut du parquet.
Je tiens à rappeler ensuite l'hostilité du groupe socialiste à la désignation d'un avocat ès qualités au sein du CSM. Il faut tout au moins que, si un avocat siège au Conseil supérieur, ses conditions de participation aux délibérations soient accompagnées de garanties. A cet égard, la comparaison avec la situation des magistrats membres du CSM n'est pas pertinente. En effet, l'avocat perçoit des honoraires, il est attaché à un client.
Le Sénat a atténué les règles d'incompatibilité relatives à l'avocat en deuxième lecture, en ne lui interdisant pas de tenir le rôle de conseil juridique pour une partie engagée dans une procédure. Je propose de limiter encore cette exigence en précisant que l'avocat siégeant au CSM ne pourrait plaider devant les juridictions judiciaires composées de magistrats professionnels. Ceci lui permettrait donc de plaider devant les tribunaux de commerce et devant les prud'hommes.
Je souscris aux propos de notre collègue Jean-Pierre Michel, considérant que cette réforme du CSM est une réforme manquée car elle ne revient pas sur le statut du parquet. J'étais également très hostile dès le départ à la présence ès qualités d'un avocat au sein du CSM. Mais puisque la Constitution prévoit désormais qu'un avocat siège au CSM, je propose un compromis consistant à prévoir que l'avocat exerce pleinement sa profession mais qu'il ne peut participer aux délibérations relatives à la nomination ou à la discipline de magistrats devant lesquels il aurait plaidé depuis sa nomination au Conseil supérieur.
Cette proposition me paraît assez proche des suggestions avancées par le Conseil national des barreaux.
Je pense que les exigences d'incompatibilité devraient être étendues à tous les avocats susceptibles d'être nommés au CSM, par exemple par le Président de la République ou par le Président d'une assemblée.
Comment, en pratique, peut-on tenir une liste de tous les magistrats devant lesquels l'avocat aura plaidé ?
Pour assurer le respect d'une telle disposition, l'avocat membre du CSM devrait tenir la liste de tous les magistrats devant lesquels il a plaidé.
La question fondamentale est de déterminer l'influence qu'un avocat peut avoir en tant que membre du CSM sur les magistrats devant lesquels il plaide.
Je considère pour ma part qu'un magistrat du parquet siégeant dans la formation du CSM compétente pour les magistrats du siège pourrait faire l'objet des mêmes observations dans la mesure où il est susceptible de présenter des réquisitions devant des magistrats sur le sort desquels il pourrait avoir à statuer dans le cadre du Conseil supérieur de la magistrature. J'ai pris l'exemple du magistrat du parquet, mais le raisonnement pourrait être étendu à tous les magistrats membres du CSM.
Comme cela a déjà été rappelé, le texte adopté par le Sénat en deuxième lecture s'inscrivait déjà en net retrait par rapport au texte issu de la première lecture. S'agissant de l'exigence constitutionnelle tendant à ce que soit désigné un avocat, elle me paraît satisfaite dès lors que le titulaire du poste a bien cette qualité lors de sa désignation et qu'il ne la perd pas au cours de son mandat. Les modalités de son exercice professionnel n'entrent pas en ligne de compte et un avocat honoraire pourrait très bien siéger au CSM tout comme un avocat qui s'abstiendrait de plaider. A titre de comparaison, personne ne conteste la légitimité à siéger au CSM des magistrats qui ont demandé leur détachement ou une décharge partielle d'activité. Par ailleurs, nombre d'avocats exercent leur profession sans plaider ou en ne plaidant que de manière très exceptionnelle.
Le Sénat a en outre considéré que les comparaisons entre la situation de l'avocat et celle des magistrats siégeant au CSM n'étaient pas fondées. En effet, l'activité des magistrats est encadrée par d'importantes garanties statutaires d'indépendance alors que l'avocat est directement intéressé au sort de l'affaire pour laquelle il défend son client.
Sur les exigences d'impartialité et de sécurité juridiques, je rappelle qu'il n'est pas suffisant que la justice soit rendue de manière impartiale ; encore faut-il qu'elle ait toutes les apparences de l'impartialité. Or, sans que soit mise en cause la déontologie de l'avocat siégeant au CSM, ni celle du magistrat concerné, le simple fait que le premier défende une partie devant le second, alors qu'il aura à se prononcer sur son avenir pendant son mandat suffira, pour la partie adverse, à jeter un doute sur l'impartialité du jugement qui sera rendu. A cet égard, je souligne qu'en 2008 la formation du CSM compétente pour le siège s'est prononcée sur 2.256 nominations et celle compétente pour le parquet sur 592 propositions de nomination. Ainsi, pour quatre années de mandat, un membre des deux formations, comme l'avocat, est amené à se prononcer sur un effectif équivalent à celui de tous le corps judiciaire.
Par ailleurs, la possibilité pour l'avocat membre du CSM de plaider induirait sans doute une grande fragilité des décisions rendues sur les affaires au cours desquelles il est intervenu au regard des exigences du procès équitable définies à l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. Nous pourrions alors nous trouver confrontés à une série de contestations sur ce fondement.
Enfin, la solution du déport de l'avocat siégeant au CSM, lorsque le Conseil supérieur examine la situation de magistrats devant lesquels il a plaidé, ne paraît convenable que si elle n'est pas trop systématique, car un déport trop fréquent de l'avocat entraînerait un déséquilibre dans la composition des formations du CSM. Un dispositif de déport renforcé paraît donc possible, mais doit être organisé. Je pourrais à cet égard vous présenter une proposition de rédaction si notre commission mixte paritaire s'orientait vers cette solution.
Je constate la présence parmi nous de plusieurs avocats qui ont longtemps plaidé. La connaissance de cette profession et du fonctionnement de la justice conduit à penser que la possibilité pour l'avocat membre du CSM de plaider devant les juridictions judiciaires ne peut être neutre, surtout pour celui qui est en face. En effet, dans une telle situation, si l'issue de l'affaire se révèle malheureuse pour la partie adverse, la conclusion sera, même si cela n'est pas fondé, que l'avocat membre du CSM a su se faire entendre des magistrats sur la situation desquels il pourrait avoir à se prononcer. Il s'agit d'une question déterminante pour l'impartialité de la justice aux yeux du justiciable. C'est pourquoi les propositions du Conseil national des barreaux ne me paraissent pas acceptables.
Dans l'ensemble je ne suis pas favorable au texte, mais sur la question des règles d'incompatibilité applicables à l'avocat membre du CSM, je préfère que l'on retienne le texte adopté par le Sénat en deuxième lecture plutôt qu'un mécanisme de déport.
J'ai le souvenir, lorsque j'étais jeune magistrat, d'avoir vu la carte de visite d'avocats mentionnant leur qualité de membre ou d'ancien membre du CSM. Ils escomptaient que cette mention ait une influence sur leur capacité à trouver des clients, sur la fixation du montant de leurs honoraires et sur les magistrats devant lesquels ils étaient amenés à plaider.
M. Gélard, je pense que votre demande concernant les conditions d'exercice professionnel des avocats qui pourraient être nommés au Conseil supérieur de la magistrature est satisfaite par l'article 4 du projet de loi organique, qui prévoit qu'à l'exception du membre désigné en sa qualité d'avocat, aucun membre du CSM ne peut pendant la durée de ses fonctions, exercer la profession d'officier public ou ministériel, ni la profession d'avocat.
L'avocat siégera dans les trois formations du Conseil supérieur. On peut donc estimer que sa charge de travail au sein du CSM sera d'au moins trois jours par semaine, ce qui, en tout état de cause, lui laissera peu de temps pour plaider.
Je pense que nous pourrions adopter le texte issu de la deuxième lecture au Sénat, en limitant l'interdiction de plaider aux juridictions composées de magistrats professionnels. A défaut, je vous propose une rédaction alternative, consistant à garantir le déport systématique de l'avocat membre du Conseil supérieur dès qu'il pourra avoir à connaître soit du sort d'un magistrat devant lequel il a plaidé depuis le début de son mandat, soit de la nomination d'un magistrat appelé à intégrer une juridiction dans le ressort de laquelle se situe le barreau auprès duquel il est inscrit. Cette disposition viendrait compléter l'article 6 bis du projet de loi organique.
Il s'agit de garantir l'impartialité objective et subjective des décisions rendues par les magistrats devant lesquels l'avocat plaidera et d'assurer que l'avocat ne pourra influencer la nomination de magistrats dans une juridiction située dans le ressort du barreau auprès duquel il est inscrit.
Cette proposition me paraît intéressante, car elle permet d'éviter une interdiction générale de plaider devant les juridictions judiciaires. L'obligation de déport automatique à propos des nominations de magistrats dans des juridictions dans le ressort desquelles se situe le barreau d'inscription de l'avocat est pertinente.
A l'article 6 bis, je confirme mon ralliement au texte adopté par l'Assemblée nationale pour le second alinéa du nouvel article 10-1 de la loi organique du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature. En effet, la possibilité pour la formation plénière du CSM de prononcer la suspension temporaire d'un membre du Conseil supérieur en cas de manquement à ses obligations déontologiques risquerait de stigmatiser ce membre, dont la participation aux travaux du Conseil supérieur deviendrait vite problématique.
L'avertissement constitue une sanction très faible. Il me semblerait préférable d'établir une gradation permettant à la formation plénière de prononcer, en fonction de la gravité des manquements, un avertissement, une suspension temporaire ou une démission d'office.
Nous connaissons en effet la gradation des sanctions applicables en matière de discipline dans la fonction publique. Mais nous sommes ici dans une situation différente. Si un membre du CSM a manqué à ses obligations déontologiques, la suspension temporaire n'est pas adaptée. Il faut simplement qu'il soit démissionné d'office.
Une gradation intégrant la suspension temporaire permettrait de mieux prendre en compte la gravité du manquement.
Si le manquement est grave, la démission d'office s'impose.
Nous allons maintenant examiner le deuxième aspect de l'article 6 bis, relatif aux règles de déport.
L'Assemblée nationale a supprimé la disposition donnant à chaque formation du Conseil supérieur la possibilité de décider, à la majorité de ses membres, si l'un de ses membres doit se déporter, afin d'éviter que sa présence ou sa participation aux délibérations n'entache d'un doute l'impartialité de la décision rendue.
Cette disposition répond à des cas qui se sont effectivement produits, en particulier au sein du CSM sortant, dont l'un des membres a refusé de se déporter dans une affaire. Le président de la formation disciplinaire était alors dépourvu de tout moyen pour amener ce membre à se déporter. La crédibilité du CSM au sein du corps judiciaire en est sortie très amoindrie.
La disposition adoptée par le Sénat visait à prévenir ce genre de situation.
En outre, certaines situations peuvent être difficiles à trancher. Un membre peut estimer de bonne foi qu'il n'a pas à se déporter et recevoir dans cette position le soutien d'autres membres. Le plus simple est alors de permettre à la formation de décider.
Le dispositif retenu par le Sénat permettait dans de tels cas à la formation concernée de se prononcer et d'éclaircir la situation. Ce régime nous paraît conforme au fonctionnement collégial du CSM.
Enfin, l'argument selon lequel un membre qui ne souhaiterait pas se déporter devrait être démis d'office n'est pas pertinent. En effet, il faudrait pour cela attendre que le membre ait vicié par sa présence la décision de la formation du CSM, afin de pouvoir le sanctionner par une exclusion. Dès lors, le CSM aurait rendu une décision douteuse.
Je comprends les préoccupations du rapporteur pour le Sénat, cependant si l'on contraint un membre du CSM à ne pas siéger, ce n'est plus un déport, mais une autre procédure. Dans toutes les juridictions, le déport est une démarche volontaire du magistrat. Or, l'article 10-1 prévoit qu'un membre du CSM n'ayant pas respecté ses obligations déontologiques peut être sanctionné, par un avertissement ou par une démission d'office. La perspective d'une telle sanction peut déjà être efficace.
La difficulté dans une telle situation est que la sanction intervient a posteriori si bien qu'il faut attendre que le membre du CSM ait participé aux délibérations pour pouvoir le sanctionner. Dans un tel cas, il faut donc attendre que le CSM ait rendu une décision dont l'impartialité n'est pas garantie.
Le dispositif adopté par le Sénat n'organise pas un déport, mais revient à prévoir une habilitation des membres du CSM à siéger au sein d'une formation, ce qui est une autre logique.
En outre, c'est mettre entre les mains de la majorité du CSM la possibilité d'exclure au cas par cas tel ou tel membre.
Pour éviter de faire référence à un mécanisme de déport, nous pourrions reprendre seulement une partie du dispositif adopté par le Sénat en deuxième lecture, en prévoyant que la formation à laquelle l'affaire est soumise s'assure du respect des exigences d'impartialité.
La rédaction proposée par notre collègue Jean-Pierre Michel me semble préférable à l'absence de toute disposition, afin de permettre, le cas échéant, à la formation confrontée à un problème de respect des garanties d'impartialité de prendre des mesures. Le CSM pourrait même organiser un dispositif spécifique dans son règlement intérieur.
Cette proposition de rédaction me paraîtrait déclarative. L'énonciation de la règle de déport me paraît suffisante.
La commission mixte paritaire adopte l'article 4 dans le texte adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture.
A l'article 6 bis, elle adopte l'article 10-1 de la loi organique du 5 février 1994 dans le texte adopté par l'Assemblée nationale. S'agissant de l'article 10-2, elle adopte le premier alinéa dans la rédaction de l'Assemblée nationale sous réserve d'une modification rédactionnelle proposée par M. Philippe Houillon, rapporteur pour l'Assemblée nationale.
Elle insère ensuite, sur proposition de M. Jean-René Lecerf et après une modification rédactionnelle proposée par M. Guy Geoffroy, un alinéa conduisant l'avocat désigné en cette qualité à se déporter pour les avis ou décisions relatifs à un magistrat devant lequel il a plaidé depuis sa nomination au Conseil supérieur, ainsi que pour les nominations de magistrats au sein des juridictions dans le ressort desquelles se situe le barreau auprès duquel il est inscrit.
Enfin, elle adopte le dernier alinéa de l'article 10-2 dans la proposition de rédaction de M. Jean-Pierre Michel.
Elle adopte ensuite l'article 6 bis ainsi modifié.
Nous en arrivons maintenant au dernier point en discussion qui concerne l'autonomie budgétaire du CSM.
Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, confiant au président de la formation plénière le rôle d'ordonnateur des crédits du Conseil supérieur n'apporte aucune garantie en matière d'autonomie budgétaire. En effet, cette fonction d'ordonnateur des crédits est aujourd'hui assumée par le secrétaire administratif du Conseil, qui en délègue en partie l'exercice au greffier en chef. Confier cette mission au président de la formation plénière reviendrait donc à dévaloriser la fonction de secrétaire général du CSM qui, au moment même où elle est créée, serait privée de cette mission d'ordonnancement des crédits. En outre, cela rendrait plus complexe la gestion quotidienne du CSM, car il est peu probable que le premier président de la Cour de cassation ait le temps d'ordonnancer les crédits, c'est-à-dire de signer quantité d'ordres de mission et de bons de commande. L'ampleur des missions du premier président de la Cour de cassation devrait plutôt conduire à le décharger de ses fonctions de gestion.
Ce qui importe pour l'autonomie budgétaire du CSM, c'est de lui donner une place adaptée dans l'architecture budgétaire, afin qu'il n'ait pas à quémander régulièrement à la direction des services judiciaires des dotations exceptionnelles pour couvrir ses dépenses de fonctionnement.
A cet égard, la situation actuelle fait peser un soupçon fort sur l'indépendance du CSM par rapport à cette direction, qui à la fois est responsable du programme « justice judiciaire » et chargée de présenter au CSM des propositions de nomination ou des saisines disciplinaires.
Depuis 2007, le CSM est doté chaque année de 500 000 euros de crédits de fonctionnement. Il a été conduit à demander au ministère de la justice de lui allouer des dotations exceptionnelles pour l'informatisation de son secrétariat en 2005, à hauteur de 50 000 euros, pour l'impression du recueil des décisions disciplinaires en 2006, à hauteur de 13 000 euros et, plus récemment, pour l'élaboration du recueil des obligations déontologiques, à hauteur de 35 000 euros.
Il faut sortir le CSM de cette situation de dépendance matérielle à l'égard de la direction des services judiciaires. Il devrait donc trouver sa place dans la mission Pouvoirs publics ou dans la mission Conseil et contrôle de l'État.
Il appartiendra au CSM de négocier sa dotation avec la direction du budget, et au Parlement de veiller à ce que le CSM dispose en loi de finances de crédits adaptés à ses besoins.
La direction des services judiciaires est chargée d'élaborer les propositions de nomination et de présenter les dossiers disciplinaires. On mesure donc que si le CSM doit régulièrement quémander des crédits exceptionnels auprès de cette direction, il ne bénéficie pas d'une véritable indépendance.
Sur la question de l'autonomie budgétaire du Conseil supérieur de la magistrature, comme nous l'avions exposé lors des débats à l'Assemblée nationale, notre groupe est en plein accord avec le texte adopté par le Sénat.
L'intention du Sénat sur la question de l'autonomie budgétaire du CSM me paraît louable. La question est de savoir si les résultats du dispositif proposé seront conformes aux résultats attendus. En effet, si les crédits du CSM sont inscrits dans un programme distinct, il est à craindre qu'il se révèle plus difficile pour le Conseil supérieur d'obtenir en cours d'année des dotations complémentaires, car ces demandes devront faire l'objet de décrets d'avance, lesquels requièrent l'arbitrage du Premier ministre. La rédaction proposée par l'Assemblée nationale, qui est la même que celle qui figure dans l'ordonnance organique relative au Conseil constitutionnel, permettrait d'éviter que le directeur des services judiciaires soit l'ordonnateur principal délégué des crédits du CSM, comme c'est le cas aujourd'hui, sans contraindre pour autant à une modification de l'architecture budgétaire qui pourrait être préjudiciable au CSM en cours d'année.
S'agissant d'autonomie budgétaire, il faut rappeler que certaines autorités ont subi en cours d'année des réductions de crédits, qui constituaient des atteintes à leur indépendance. Le principe retenu par le Sénat est que les autorités instituées par la Constitution doivent bénéficier de garanties d'autonomie, supposant qu'elles fassent l'objet de programmes spécifiques dans l'architecture budgétaire.
Les montants financiers en cause sont relativement modestes, la dotation budgétaire du CSM s'élevant à environ 1,3 million d'euros par an. Le Conseil supérieur indique que dans son dernier rapport que ses besoins minimaux sont supérieurs à son montant. Sa position actuelle dans l'architecture budgétaire ne lui permet donc pas de bénéficier d'arbitrages aussi favorables qu'on pourrait l'espérer. Selon le dispositif retenu par le Sénat, il appartiendra au Parlement de veiller à ce que le Conseil supérieur de la magistrature reçoive chaque année une dotation conforme à ses besoins.
Il me semble que le dispositif proposé par le Sénat, renvoyant les conditions de l'autonomie budgétaire du CSM à une loi de finances n'est pas assez précis. Il ne paraît pas garantir vraiment cette autonomie budgétaire.
Nous avons retenu cette rédaction car l'architecture budgétaire relève de la loi de finances. Le principe de l'autonomie budgétaire serait donc fixé dans la loi organique relative au CSM, tandis que les modalités de cette autonomie budgétaire seraient définies par la loi de finances.
La commission mixte paritaire adopte l'article 7 bis dans la rédaction adoptée par le Sénat en deuxième lecture.
La commission mixte paritaire adopte l'ensemble du texte résultant de ces délibérations.