Elle a tout d'abord entendu M. Vincent Lamanda, premier président de la Cour de cassation.
a souligné l'importance des deux projets de loi organique.
En ce qui concerne le projet de loi organique relatif au conseil supérieur de la magistrature (CSM), il a rappelé que la réforme constitutionnelle de juillet 2008 avait eu pour triple but de refonder l'indépendance de l'institution judiciaire, d'ouvrir cette dernière sur l'extérieur et, enfin, de valoriser le rôle éminent de la Cour de cassation. Il a regretté à cet égard que les débats ayant accompagné l'accroissement du nombre de non-magistrats au sein de la composition du CSM aient en partie occulté une évolution qu'il estime essentielle : l'effacement du Président de la République et du garde des Sceaux du fonctionnement du CSM. Il a rappelé que la décision de confier la présidence du CSM au premier président de la Cour de cassation avait suscité des débats quant à la charge de travail et à la capacité de ce dernier à assumer l'ensemble de ses fonctions. Il a pour sa part considéré, se fondant sur sa propre expérience, qu'il était possible d'assumer ces deux présidences. En effet, il a rappelé que, à l'heure actuelle, le premier président de la Cour de cassation assumait d'ores et déjà la présidence de la commission d'avancement de la magistrature ainsi que celle de la commission de sélection des personnels enseignants et de direction de l'Ecole nationale de la magistrature, ces fonctions représentant une charge de travail d'environ deux mois pleins d'activité par an : dans la mesure où il cessera de présider ces deux commissions, le premier président de la Cour de cassation pourra s'acquitter de ses nouvelles fonctions à la tête du CSM sans difficulté.
a attiré l'attention sur la composition du CSM, dont les deux seuls membres de droit seront le premier président et le procureur général près la Cour de cassation, les autres membres étant soit désignés, soit élus. Il a estimé que, à partir du moment où les magistrats étaient minoritaires au sein du CSM, il serait particulièrement souhaitable de prévoir que ce conseil est composé majoritairement de membres élus, et non de membres désignés. Il a en effet indiqué que, à ses yeux, une élection était moins susceptible de faire naître des soupçons de sujétion qu'une désignation. En particulier, il s'est déclaré opposé à ce que l'avocat membre du conseil soit désigné par le président du conseil national des barreaux, alors même que le conseiller d'Etat sera, quant à lui, élu par l'Assemblée générale du conseil d'Etat. Par ailleurs, il a exprimé les plus vives réserves quant à la possibilité laissée à cet avocat de continuer à plaider, rappelant notamment que le CSM renouvelait deux tiers des présidents de cours d'appel tous les quatre ans et se prononçait sur 2 000 mouvements de magistrats par an environ. En conséquence, les parties plaidant contre un adversaire représenté par cet avocat pourraient mettre en doute l'impartialité des magistrats dont le sort serait susceptible de relever du CSM dans un avenir proche.
a estimé que le système prévoyant un renouvellement de la composition du conseil par moitié tous les deux ans risquait de poser un certain nombre de difficultés : son expérience personnelle lui a prouvé qu'il peut être difficile pour de nouveaux arrivants de trouver leur place dans une équipe déjà rôdée. En outre, il a rappelé que si le CSM entendait de nombreux candidats, il ne procédait en revanche qu'à une seule audition de chacun d'eux, valant pour toute la durée du mandat : dans ces conditions, il a estimé qu'il était important que chaque membre du conseil ait pu assister à chacune de ces auditions. Enfin, il a rappelé que les archives, le rapport annuel et le recueil des décisions disciplinaires tenaient lieu de « mémoire » du conseil.
Pour éviter tout risque de désaccord entre le premier président et le procureur général près la Cour de cassation, M. Vincent Lamanda s'est prononcé pour la nomination du secrétaire général sur proposition du premier président, après avis du procureur général et du CSM. En outre, la durée du mandat de ce dernier devrait être identique à celle du mandat des membres du conseil, éventuellement renouvelable une fois.
a estimé souhaitable de conserver en l'état le dispositif actuel de nomination, considérant que la motivation des avis du CSM, réclamée par certains, constituait en réalité une « fausse bonne idée ». Il a en effet souligné qu'il était parfois très difficile d'expliquer les raisons pour lesquelles un candidat n'avait pas été retenu ; en outre, une telle motivation, qui figurerait au dossier de l'intéressé, pourrait ultérieurement lui porter préjudice, à l'occasion d'une candidature à un autre poste ; enfin, il a souligné que la motivation des décisions de nomination ouvrirait la voie à des possibilités de contestation, et donc de recours. Or, une simple conversation permet souvent d'éclairer les magistrats non retenus sur les motifs de l'avis non conforme émis sur leur candidature.
Concernant le traitement des plaintes des justiciables, M. Vincent Lamanda a considéré qu'il était indispensable de prévoir que celles-ci ne pourraient constituer une cause de récusation du magistrat et ne pourraient être présentées contre un magistrat demeurant saisi de la procédure. Il lui a paru raisonnable de prévoir que la plainte devrait être présentée dans un délai maximal de six mois suivant la décision mettant fin à la procédure. Néanmoins, il a attiré l'attention sur l'expression, impropre à ses yeux, de « décision définitive » figurant dans le projet de loi organique : rappelant que ce concept relevait du droit pénal et qu'il n'était pas adapté aux affaires civiles, il s'est prononcé en faveur de l'ajout de l'adjectif « irrévocable » après l'expression « décision définitive ». Pour l'instruction des plaintes des justiciables, il a estimé indispensable d'octroyer au conseil des pouvoirs d'enquête et d'investigations afin que les demandes puissent être traitées de façon sérieuse, rappelant que, à l'heure actuelle, le rapporteur d'une procédure disciplinaire pouvait déléguer ses pouvoirs à un magistrat d'un grade au moins égal à celui du magistrat mis en cause et estimant qu'une disposition comparable devrait être prévue pour les enquêtes pré-disciplinaires qui seraient désormais menées par le CSM.
a estimé que les garanties offertes par le projet de loi organique au magistrat mis en cause apparaissaient suffisantes. Il a, en particulier, jugé compatible avec les principes du droit français que la décision de rejet de la plainte ne puisse pas faire l'objet d'une voie de recours. Rappelant qu'un « filtrage » des plaintes était prévu, il s'est prononcé en faveur de l'existence d'une section commune de filtrage siège - parquet qui serait composée d'un magistrat du siège appartenant à la formation du siège, d'un magistrat du parquet appartenant à la formation du parquet et d'un non-magistrat membre commun à ces deux formations, afin de faire en sorte que la parité soit toujours respectée au sein du conseil de discipline.
Il a également rappelé que la parité magistrats - non magistrats devait, autant que possible, être respectée au sein de la formation de jugement, conformément au souhait du législateur, sans pour autant que soit exclue l'hypothèse où, à la suite de la récusation d'un de ses membres par exemple, le conseil connaît une composition impaire. Il a pour sa part estimé que de telles situations, qui se sont déjà produites dans le passé, ne soulevaient pas de difficultés particulières sauf à opposer artificiellement les membres du CSM selon leur origine.
Rappelant que la formation disciplinaire du conseil aurait à se prononcer sur la question de savoir si une faute a été commise par le magistrat mis en cause, M. Vincent Lamanda a jugé qu'il était particulièrement difficile de donner de la faute disciplinaire une définition suffisamment précise et assez large pour s'appliquer à toutes les situations. En revanche, il a estimé que le contenu de cette notion se dégageait d'un examen attentif de la jurisprudence du CSM.
En ce qui concerne l'échelle des sanctions prévues par le texte, il s'est déclaré opposé à ce que puisse être prononcée une suspension partielle ou totale des droits à pension en cas de révocation, estimant que le magistrat concerné avait cotisé pour sa retraite pendant ses années d'exercice professionnel et qu'il ne devrait pas être privé de la contrepartie de cette épargne.
En ce qui concerne la procédure d'interdiction temporaire d'exercice, il a estimé que celle-ci donnait à l'heure actuelle lieu à une décision du CSM dans les trois semaines environ de la saisine, ce qu'il a jugé satisfaisant, les hypothèses d'urgence absolue nécessitant d'interdire immédiatement un magistrat étant réglées par des dispositifs pénaux ou administratifs spécifiques (détention provisoire ou internement d'office). Il a de ce fait exprimé des réserves quant à la réduction des délais prévue par le projet de loi organique, estimant que cette réduction risquait de nuire à l'efficacité d'un système qui a fait ses preuves. Il a estimé essentiel de prévoir un délai suffisant permettant au conseil d'organiser sérieusement sa réunion et au magistrat mis en cause de préparer sa défense dans des conditions correctes. Il a également critiqué la disposition prévoyant, en cas d'empêchement de réunion de la formation du CSM, de donner au président la possibilité de se prononcer sur l'opportunité de l'interdiction, à charge pour le conseil de se réunir ultérieurement : une telle procédure lui a paru de nature à placer le premier président dans une situation délicate s'il venait à être désavoué par le conseil. En toute hypothèse, il lui a paru nécessaire de prévoir un délai de quinze jours à trois semaines pour prévoir la réunion de la formation du conseil.
s'est interrogé sur la possibilité de saisir l'occasion de cette loi organique pour assurer l'indépendance budgétaire du conseil supérieur de la magistrature. En effet, il a indiqué qu'à ce jour le budget du conseil dépendait de la Direction des services judiciaires dont le conseil est chargé de contrôler le travail en matière de mouvements de magistrats.
En outre, il a jugé préférable que la rémunération des membres du conseil soit calculée sur une base forfaitaire, indépendamment du nombre de séances du conseil auquel participe chaque membre. Il a expliqué que cette solution écarterait les soupçons quant à une multiplication supposée abusive du nombre de séances disciplinaires.
Il a ensuite relevé une imprécision du texte du projet de loi organique, l'expression « chef du parquet général » étant préférable à celle de « chef de cour ». Enfin, s'agissant des dispositions transitoires, il a signalé une erreur de référence, les articles 17 et 24 devant être visés et non les articles 16 et 23.