Intervention de Philippe Marini

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 7 juillet 2010 : 1ère réunion
Projets de conventions dans le cadre de la mise en oeuvre de l'emprunt national — Communication

Photo de Philippe MariniPhilippe Marini, rapporteur général :

Conformément à l'article 8 de la loi de finances rectificative du 9 mars 2010, le Premier Ministre nous a transmis une série - la deuxième - de conventions relatives aux actions financées par l'emprunt national. Ces neuf projets mobilisent 8 milliards d'euros, soit près de 23 % des fonds de l'emprunt national ; 59 % des sommes sont non consomptibles.

Je remarque d'abord que les observations antérieures de la commission des finances ont été partiellement prises en compte. Par lettre en date du 17 juin dernier, M. François Fillon a, en effet, répondu sur tous les points soulevés, sauf sur notre inquiétude quant à l'effet de levier exigé dans certains cas. S'agissant de la désignation des lauréats, le Premier ministre confirme que les décisions contraires aux conclusions des jurys d'experts seront motivées par écrit, les commissions des finances des assemblées pouvant alors exercer leurs pouvoirs de contrôle sur pièces et sur place. Notre commission avait exprimé son souci de garantir un processus compétitif afin de financer les projets aux plus fortes valeurs ajoutées. S'agissant du retour au budget de l'Etat des dotations non consomptibles, nos préoccupations ont été prises en compte mais non totalement satisfaites. Le retour au budget de l'Etat est la règle générale. Toutefois, deux exceptions sont prévues : certaines dotations pourront être allouées aux bénéficiaires pour une durée supérieure à dix ans compte tenu de la nature des projets financés : je songe à l'opération de rénovation immobilière Campus. Dans les Initiatives d'excellence, les sommes pourraient en revanche être transférées de manière définitive aux lauréats, à l'issue d'une période probatoire de trois ans, et n'auraient donc pas vocation à revenir au budget de l'Etat. Cela est plus contestable.

La nouvelle présentation n'opère plus, comme antérieurement, une distinction claire entre des projets périodiquement renouvelés et remis en concurrence, et des projets uniques. En ne remettant en cause le retour à l'Etat que pour les initiatives d'excellence, le Premier ministre restreint le champ de l'exception. Toutefois, cette situation reste insatisfaisante car la règle du jeu doit être claire et constante pour l'ensemble des dotations non consomptibles.

La rémunération des fonds non consomptibles - 45,4 % des fonds de l'emprunt - a été fixée à 3,143 %, par un arrêté du 15 juin dernier, soit le taux des OAT à dix ans constaté le jour de la publication de la loi de finances rectificative. Ce niveau est inférieur aux hypothèses de travail lors du débat sur la loi de finances rectificative, autour de 4 %. La part de l'opération Campus financée par l'emprunt national bénéficie d'un taux de rémunération supérieur, 4,032 %, moyenne des taux - pondérée par les montants - de la rémunération de la dotation issue de la vente des titres EDF et de la rémunération de la fraction de l'emprunt affectée à l'opération Campus. Selon le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, le taux de 4,032 % s'applique également aux fonds EDF, ce qui semble contestable. En effet, l'arrêté du 15 juin ne concerne que les fonds de l'emprunt national et il semble discutable de verser sur le compte ouvert au Trésor au titre du programme d'investissement d'avenir, des fonds qui ne sont pas issus de l'emprunt. Or l'intention du ministère est de réunir les cinq milliards d'euros dédiés à l'opération Campus.

Les projets de conventions transmis sont mieux rédigés que ceux du premier volet ; ils restent toutefois imparfaits. Sans émettre un avis défavorable, j'exprime ici une forte réserve à l'encontre du projet Campus : les conditions de rémunération des porteurs de projet ne sont pas suffisamment clarifiées.

Il apparaît que le produit de la vente d'une partie des titres EDF, actuellement placé sur le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'Etat », sera transféré à l'Agence nationale de recherche (ANR) hors cadre de l'emprunt national.

Le cabinet de Valérie Pécresse nous a indiqué que les produits des intérêts des deux dotations Campus feront l'objet d'une gestion mutualisée jusqu'au versement des dotations aux bénéficiaires finaux. L'utilisation des produits financiers des intérêts sera ainsi décidée par le Premier ministre sur proposition du ministère de la recherche et de l'enseignement supérieur en fonction de l'état d'avancement des projets. Saclay et Condorcet, les deux projets financés dans le cadre de l'emprunt national, pourraient ainsi bénéficier d'un montant de produits financiers non corrélé à la rémunération de leur dotation. Est-ce équitable ?

A compter de l'attribution des dotations non consomptibles aux bénéficiaires finaux, le montant des produits financiers alloué aux porteurs de projet sera défini au prorata de leur dotation. Le projet de convention relative à l'opération Campus n'est pas satisfaisant. Le texte concernant les seuls fonds issus de l'emprunt national, il donne peu d'indications sur la gestion d'ensemble de l'opération. Il n'est pas précisé que le compte ouvert au Trésor pour recevoir les 1,3 milliard d'euros au titre de l'emprunt national serait également destinataire du produit de la vente des titres d'EDF. On peut s'interroger sur la régularité de ce versement sur un compte réservé aux fonds de l'emprunt. En outre, le projet de convention reste flou quant aux conditions d'utilisation des produits financiers des intérêts, qui ne sauraient être identiques dans la période de gestion des fonds par l'ANR et après la conclusion des partenariats public-privé (PPP). Il faut clarifier cela. Afin de garantir la régularité du paiement des loyers des PPP, il est indispensable que les conditions de rémunération des dotations soient précisées : or cet aspect, pour Campus, n'est pas expressément mentionné dans les « Modalités de versement aux bénéficiaires finaux » du projet de convention. Enfin, ce projet de convention ne fait pas état des difficultés liées aux structures juridiques bénéficiaires des dotations non consomptibles, des fondations de coopération scientifique dépourvues de toute compétence immobilière. Le pouvoir adjudicateur des PPP devrait être l'Etat. Le paiement des loyers des PPP, assuré à partir de la rémunération du dépôt au Trésor des dotations non consomptibles, devrait être effectué par l'Etat ; or ce sont les fondations de coopération scientifique qui seront bénéficiaires des produits des intérêts. L'Etat pourrait donner mandat aux fondations - qui assureraient le financement des loyers du PPP pour le compte du pouvoir adjudicateur. Ce schéma reste à confirmer.

La procédure de sélection des bénéficiaires de l'emprunt a été améliorée, du moins celle qui fait intervenir un jury d'experts - dans trois cas sur neuf. Des aménagements sont souhaitables dans les procédures n'incluant pas de jury. Désormais il est prévu que le jury motive une liste des projets non recommandés ainsi qu'une liste des projets « finançables ». Le comité de pilotage ne pourra proposer au commissaire général à l'investissement que des projets « finançables » ; le président du jury sera invité à présenter les conclusions des travaux d'évaluation du jury devant le comité de pilotage ; et les recommandations des experts seront rendues publiques. Nous l'avions expressément demandé ! Ces trois éléments, associés à l'engagement écrit du Premier ministre de motiver par écrit les décisions qui s'écarteraient des conclusions des jurys, constituent un progrès. Mais trois projets de conventions reposent sur des dispositifs spécifiques de sélection, dirigés par le comité de pilotage ou d'évaluation.

Or les projets de convention ne font allusion ni à la publicité des décisions ni à la motivation des décisions. Si la publicité peut être délicate à mettre en place, la motivation est vraiment souhaitable, notamment dans le cadre de la procédure dérogatoire prévue pour l'action « économie circulaire », autrement dit le recyclage des déchets.

L'engagement du Premier ministre devrait ainsi être étendu à l'ensemble des conventions, et le principe de motivation des décisions davantage affirmé au sein des conventions. Je suggère que la commission émette un avis en ce sens.

Le projet de convention relatif à l'augmentation des fonds propres d'Oséo suscite chez moi une appréciation mitigée. Le projet de convention vient après trois conventions examinées le 25 mai dernier au titre des actions suivantes : « Financement des entreprises innovantes », pour 500 millions d'euros, « Aide à la réindustrialisation » pour 200 millions d'euros, et « Prêts aux petites et moyennes entreprises » pour un milliard d'euros. Sa particularité réside dans un financement mixte : une dotation budgétaire de 140 millions d'euros et une ressource fiscale affectée de 360 millions d'euros - ce montant n'étant pas complètement garanti. L'intérêt économique de l'opération est délicat à mesurer puisque les « éléments qualitatifs et quantitatifs » permettant d'apprécier le rôle d'Oséo comportent une large part de subjectivité. Mme Bricq, dans les observations qu'elle a bien voulu me transmettre, souligne qu'aucun des onze indicateurs de performance ne porte sur l'effet mobilisateur des cofinancements bancaires. Ces cofinancements sont d'ailleurs présentés, dans l'exposé des motifs, comme un objectif secondaire alors que leur faiblesse constitue un frein au développement des entreprises en France. Ce volet devrait être davantage développé dans la convention. L'augmentation des fonds propres d'Oséo demeurera en tout état de cause insuffisante pour assurer le maintien des ratios de solvabilité bancaire.

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