Intervention de Jean-Pierre Fourcade

Commission des affaires sociales — Réunion du 12 juillet 2011 : 1ère réunion
Mise en oeuvre des dispositions relatives à la modernisation des établissements de santé de la loi portant réforme de l'hôpital — Communication

Photo de Jean-Pierre FourcadeJean-Pierre Fourcade :

Je suis déjà venu devant vous il y a quelques mois alors que nous n'avions pas encore commencé nos auditions sur le terrain. Depuis, le comité d'évaluation, mis en place au début de 2010, a rencontré plus de cinq cents personnes à Paris et dans dix régions.

Le comité veut se faire l'écho de la double demande des professionnels de santé : que le cadre législatif et réglementaire du fonctionnement des hôpitaux soit enfin stabilisé ; que le législateur s'abstienne d'aller trop loin dans les détails et leur laisse davantage de souplesse dans l'application. Stabilité et souplesse sont donc les deux mots-clés qui guident nos trente-trois recommandations et les quatre parties du rapport.

La création des agences régionales de santé (ARS) s'est heurtée, pendant toute une première période, à des problèmes de statuts du personnel, de redéploiement et de positionnement d'effectifs. Ensuite, seulement, elles ont commencé à s'intéresser de près aux schémas directeurs, aux discussions avec les élus et les professionnels, y compris avec ceux du secteur médico-social qui s'étaient sentis, dans un premier temps, un peu délaissés.

Le mot-clé de la loi HPST est « décloisonnement » ; le fait d'avoir créé des ARS aux conseils de surveillance assez larges permet de rapprocher les diverses autorités responsables de organisation de l'offre de soins.

Nous avons formulé trente-trois recommandations ; certaines, portant sur le court terme, concernent les comportements, les marges de manoeuvres, les assouplissements possibles. Les autres, plus importantes, portent sur le moyen terme. Le rapport est divisé en quatre parties : la gouvernance des établissements publics de santé ; l'hôpital dans son environnement ; le décloisonnement du système de santé ; enfin, le dispositif d'accompagnement.

Malgré, naturellement, quelques critiques, la nouvelle organisation de la gouvernance hospitalière n'a pas suscité de rejet d'ensemble ; le fameux débat entre médecin président de la commission médicale d'établissement (CME) et directeur de l'hôpital est dépassé ; le vrai problème, maintenant, est de faire fonctionner des établissements assez lourds comme ceux de Paris, Lyon ou Marseille. Dans les CHU de taille moyenne les relations sont bonnes ; les relations entre directoire, conseil de surveillance et CME sont bonnes dès lors que le directeur a pris sur lui de ne pas appliquer strictement les textes et de continuer à solliciter l'avis des deux autres instances.

D'où nos recommandations : que le conseil de surveillance délibère sur les orientations stratégiques et financières pluriannuelles de l'établissement et sur leurs modifications ; qu'il soit consulté par le directeur général de l'ARS sur la lettre de mission du directeur de l'établissement de santé ; qu'il soit saisi par le directeur pour arbitrage en cas de désaccord entre le président du directoire et les autres membres du directoire - sans remonter à l'ARS ou au cabinet du ministre...

En matière de directoire, toutes les pratiques sont admises. Il y a des directoires de trois personnes - directeur général, président de la CME et doyen de la faculté de médecine ; d'autres sont élargis à des invités permanents et comprennent de quatorze à vingt personnes. Cela fonctionne correctement. Instance de mise en oeuvre des orientations délibérées par le conseil de surveillance, ses débats font l'objet d'un compte rendu diffusé à tous les responsables de l'établissement. La plupart des médecins sont choqués de ce que la loi prévoit qu'on « informe » la commission médicale d'établissement, au lieu de lui demander son avis sur les orientations pluriannuelles de l'établissement, le contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens, ainsi que sur l'organisation des pôles. Les pôles : dans un cadre budgétaire aussi contraint, il y a peu de délégations budgétaires et peu de délégation de personnel. Il faudra aller progressivement dans ce sens lorsque les hôpitaux retrouveront leur équilibre financier. Ces trois instances - directoire, conseil de surveillance et CME, ainsi que le comité technique d'établissement, organisation représentative du personnel - doivent participer à la gestion.

Nous proposons d'aller plus loin à moyen terme et d'en arriver à un dispositif d'intéressement collectif des équipes médicales à l'intérieur des pôles. Cela permettrait de faire régresser le secteur privé à l'hôpital et profiterait aux médecins exerçant des fonctions de management. Au total, donc, nous faisons seize recommandations sur l'organisation des hôpitaux.

La deuxième partie du rapport porte sur l'hôpital et son environnement. Nous avons vu sept à huit communautés hospitalières de territoire (CHT), notamment celle constituée par le CHU de Nancy et le centre hospitalier régional de Metz. Ces CHT, en période de démarrage, fonctionnent correctement, ayant évité le risque de centralisation des activités dans l'établissement chef lieu. Mais ce dispositif ne convient pas du tout aux lourdes structures de Paris, Lyon ou Marseille ; l'idée de faire une seule CHT en Ile-de-France paraît peu sensée. Nous préconisons donc que les CHT puissent, à leur demande, bénéficier de la personnalité morale ; que les grands établissements puissent participer à plusieurs CHT ; de même, les centres hospitaliers membres d'une CHT doivent pouvoir participer à une autre CHT dédiée aux activités de psychiatrie.

La loi a créé un conseil national de pilotage (CNP) des vingt-six ARS, qui réunit chaque mois leurs représentants, y compris d'outre-mer, et fait office de tamis pour la diffusion des circulaires et papiers : lors de la première année, pas moins de trois cents instructions ont été envoyées aux vingt-six ARS....

Sur l'environnement de l'hôpital, nous avons posé trois problèmes de fond. Nous recommandons d'abord que, à court terme, les ARS bénéficient d'une grande fongibilité de leurs moyens d'intervention. La dernière loi de financement de la sécurité sociale a amorcé le mouvement ; il faut aller plus loin. La commission des finances a entendu les conclusions du rapport de Jean-Jacques Jégou sur les Migac : l'enveloppe, 8 milliards d'euros, semble élevée mais dès lors que ces dotations sont ventilées en tranches et sous-tranches, son impact est minime au niveau de chaque ARS.

A moyen terme, deux réformes sont nécessaires. Mais nous n'avons pas tranché. Première question : faut-il s'orienter vers la définition d'objectifs régionaux des dépenses de l'assurance maladie, autrement dit, régionaliser l'Ondam au bénéfice d'un Ordam ? Ensuite, l'extrême centralisation de la Cnam s'accommode mal de la régionalisation réalisée par les ARS. Il faudrait donc créer - au-delà du conseil national de pilotage - une véritable structure de pilotage national de la politique de santé - une agence nationale de santé - qui coifferait l'ensemble des différentes institutions, y compris l'assurance maladie, et mettrait fin aux rivalités entre les différentes institutions.

Enfin, les rapports de l'hôpital et notamment des CHU avec l'université. Au niveau des CHU, cela fonctionne bien, les doyens sont intégrés dans les directoires. Mais un très bel hôpital sud-francilien vient d'être construit à Evry, pour 1 milliard d'euros, qui n'a strictement aucun échange avec l'université d'Evry... Nous proposons donc que, au-delà du doyen de la faculté de médecine, le président de l'université ou son représentant soit membre du conseil de surveillance des CHU et que le directeur général du CHU soit membre du conseil d'administration de l'université et des conseils de gestion des UFR concernés.

La troisième partie du rapport a trait au décloisonnement du système de santé. Pour réaliser cet objectif, les ARS ne sont pas outillées puisqu'elles ne disposent que des instruments de planification du système de santé. Les unions régionales des professionnels de santé (URPS) fonctionnent très bien et je constate avec satisfaction qu'absolument tous les métiers de santé y sont représentés ; chacune de ces catégories s'étant, dans un premier temps, plainte de sa situation, elles en sont venues ensuite à discuter ensemble des vrais sujets. Le schéma d'organisation de la médecine ambulatoire se met en place mais il faudrait accélérer.

Le décloisonnement des professions de santé est une nécessité. Il convient d'étudier, dans chaque ARS, comment les patients sont pris en charge avant l'hospitalisation, comment, à l'hôpital, le lien est fait avec l'amont, puis, après l'hospitalisation, comment leur sortie est organisée - hospitalisation à domicile, kinésithérapie, maison de retraite ou de handicapés etc. Cet ensemble de réseaux, en voie de gestation, est encore insuffisant ; je pense que le texte que nous avons voté sur les sociétés interprofessionnelles de soins ambulatoires (Sisa) et les maisons de santé améliorera l'amont et l'aval de l'hôpital. Ce nécessaire décloisonnement des professions de santé n'en est qu'à son point de départ, mais il est en route.

La loi HPST ne traite pas de la psychiatrie mais les médecins psychiatres ont accepté de se plier à la règle commune pour la nomination des chefs de service, de pôles etc. Ils se sont montrés intéressés par la constitution de communautés hospitalières de territoire en psychiatrie, notamment en Ile-de-France où une telle CHT est en voie de se former autour de Sainte-Anne. Tout cela ne fonctionne pas trop mal et permet d'attendre la grande loi promise sur la santé mentale. En Martinique, l'hôpital du Lamentin dispose maintenant d'un établissement de santé moderne constitué, d'un côté, d'un hôpital classique, de l'autre, d'un hôpital psychiatrique. Le décloisonnement est en marche.

La quatrième et dernière partie du rapport est consacrée au dispositif d'accompagnement. Celui-ci ne nous est pas apparu à la hauteur des enjeux. Il est essentiellement concentré sur l'agence nationale d'appui à la performance (Anap), laquelle a des crédits et des programmes mais ne parvient pas à les réaliser. A l'école des hautes études en santé publique (EHESP) existe un institut de management hospitalier. Il pourrait utilement devenir un institut commun à cette école et à l'école nationale supérieure de sécurité sociale, où seraient formés les directeurs d'hôpitaux et d'établissements de santé privés, les chefs et cadres de pôle, les présidents de CME, les responsables du secteur médico-social, ceux des ARS. Un immense effort de formation commune est nécessaire. Il faudrait revoir le périmètre des actions de l'Anap et y réintégrer la formation des médecins de ville, tombée en déshérence ou abandonnée à l'industrie pharmaceutique. Il faudrait donc engager un immense effort de formation à partir des universités ou écoles existantes.

Nous avons rencontré deux grands problèmes, extérieurs à notre champ d'étude : la répartition géographique des professionnels de santé, à laquelle sont consacrés les articles 1 et 2 de ma proposition de loi ; et l'insolvabilité d'une partie de la population du fait des dépassements d'honoraires, dans le public comme dans le privé.

Ce rapport est un rapport d'étape, d'autant qu'il a fallu un an pour préparer les décrets, que certains sont à réécrire et que, même, tous ne sont pas sortis - ne parlons pas de cette malheureuse affaire des biologistes... En conclusion, j'en reviens à mon propos initial : le terrain attend avant tout davantage de stabilité dans les règles et davantage de souplesse dans leur application.

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