Intervention de Catherine Troendle

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 8 avril 2009 : 1ère réunion
Retrait des points du permis de conduire — Examen du rapport

Photo de Catherine TroendleCatherine Troendle, rapporteur :

Puis la commission a procédé à l'examen du rapport de Mme Catherine Troendle sur la proposition de loi n° 378 rectifié bis (2008-2009), présentée par M. Nicolas About, tendant à assurer une plus grande équité dans notre politique de sécurité routière, notamment en matière de retrait des points du permis de conduire.

En préambule, Mme Catherine Troendle, rapporteur, a observé que la politique de sécurité routière était une matière extrêmement sensible et que l'expérience montrait que, dans ce domaine plus que dans d'autres, une mesure annoncée avait des conséquences immédiates avant même qu'elle soit devenue effective.

Elle a jugé que ce texte incitait chacun à s'interroger sur l'acceptabilité de la politique de sécurité routière menée depuis 2002. Rappelant que cette politique répressive avait mis fin au sentiment d'impunité de nombreux conducteurs et provoqué une rupture dans le comportement de chacun, elle a indiqué qu'un de ses effets directs avait été la hausse très importante du nombre de permis invalidés pour défaut de points, avec les conséquences professionnelles imaginables lorsque le permis est un outil de travail indispensable.

Toutefois, elle s'est interrogée sur l'opportunité de prendre le risque de remettre en cause les succès obtenus depuis 2002 en assouplissant les règles de retrait de points et a douté que les solutions avancées par la proposition de loi résolvent les problèmes soulevés.

a rappelé qu'entre 2002 et 2008, les progrès de la sécurité routière avaient permis d'épargner 12.741 vies et 157.000 blessés. Elle a indiqué que l'objectif fixé était désormais de descendre en dessous des 3.000 morts en 2012 contre 4.620 en 2007 et 4.274 en 2008.

Elle a expliqué que les succès obtenus depuis 2002 étaient essentiellement dus au renforcement de la répression des infractions routières, les autres facteurs jouant à la marge ou à long terme. Au coeur de cette stratégie de responsabilisation des conducteurs, elle a cité le permis à points, combiné avec le déploiement du système de contrôle-sanction automatisé.

Décrivant brièvement le système du permis à points, elle a souligné que la perte du permis ne sanctionnait jamais une infraction unique, mais une répétition d'infractions plus ou moins graves commises dans un laps de temps relativement court.

Elle a expliqué que la stratégie suivie depuis 2002 avait consisté à agir sur le comportement de tous les conducteurs, et non uniquement sur celui des conducteurs les plus dangereux. La vitesse étant la première cause de mortalité sur les routes en 2002, l'action s'est portée spécialement sur ces infractions.

Elle a indiqué qu'en 2007, la contravention à la vitesse était devenue la première contravention constatée, devant le stationnement, avec près de neuf millions d'infractions.

Face à cette hausse très forte des infractions constatées, elle s'est interrogée sur l'acceptabilité sociale de cette politique. Elle l'a jugée tolérable à une double condition :

- assurer l'égalité de traitement des conducteurs ;

- préserver les vertus pédagogiques et préventives du permis à points.

Elle a déclaré qu'au regard de cette seconde condition, l'utilité du permis à points était précisément d'inciter les conducteurs à tout faire pour ne pas perdre la totalité de leurs points, ce qui supposait que le processus ne soit pas perçu comme un compte à rebours implacable se terminant inexorablement, à plus ou moins brève échéance, par la perte de la totalité des points.

Elle a expliqué qu'il convenait de trouver un équilibre entre les retraits et les récupérations de points. Elle a alors rappelé les différents dispositifs qui permettent d'en récupérer : absence d'infraction pendant trois années, réalisation d'un stage de sensibilisation à la sécurité routière...

Elle a concédé que cet équilibre avait pu sembler perdu à la suite du déploiement des contrôles radars automatisés, le nombre de points retirés chaque année ayant été multiplié par six depuis 2002.

a toutefois estimé que les aménagements apportés en 2006 et 2007 en matière de récupération de points, à la suite du rapport établi par M. Jean Aribaud, préfet, témoignaient de la prise de conscience par le Gouvernement de la nécessité de trouver un nouvel équilibre. Elle a en particulier évoqué la mesure dite « un point-un an ».

Elle a ensuite commenté chacun des sept articles de la proposition de loi.

Elle a souligné que l'article premier tendant à supprimer le retrait de points en cas de dépassement de la vitesse maximale autorisée de moins de 5 km/h était la principale disposition de ce texte.

Elle a rappelé que le code de la route sanctionnait les plus petits excès de vitesse (moins de 20 km/h) d'une amende et d'un retrait d'un point, aucune distinction n'étant faite entre un excès de vitesse de 19 km/h et un autre d'1 km/h.

Elle s'est déclarée défavorable à cette proposition pour les raisons suivantes :

- les experts admettent communément qu'une baisse d'1 km/h de la vitesse moyenne se traduit par une baisse du nombre de tués de 4 %. Entre 2002 et 2007, la vitesse moyenne de jour a ainsi baissé de 8 km/h, tandis que le nombre de tués diminuait de 40 % et celui des blessés de 25 % ;

- en matière de répression des contraventions routières, l'expérience montre que l'amende est beaucoup moins dissuasive que le retrait de points. De fait, la suppression du retrait de points serait interprétée comme un relèvement de 5 km/h des vitesses maximales autorisées. En tenant compte de la marge technique, les excès de vitesse ne seraient sanctionnés d'un retrait de points qu'en cas de dépassement constaté de 10 km/h ;

- une différence de 5 km/h n'est pas anodine. En ville, sur sol sec, un véhicule roulant à 60 km/h a besoin de neuf mètres supplémentaires pour s'arrêter rapidement par rapport à un véhicule circulant à 50 km/h.

En outre, elle a expliqué que les petits excès de vitesse n'étaient pas la cause principale des retraits de permis. L'analyse des permis invalidés entre 2004 et 2006 fait apparaître que seulement 15 % des points retirés résultent d'infractions liées à la vitesse. Ce qui signifie qu'une proportion encore plus faible est due à des excès de vitesse de moins de 20 km/h, et a fortiori de moins de 5 km/h.

Elle a également nuancé l'affirmation selon laquelle de nombreux conducteurs ne seraient pas conscients qu'ils ne leur restent qu'un ou deux points. Elle a rappelé tous les efforts récents pour améliorer l'information des titulaires de permis.

Elle a estimé que les chiffres évoqués de un ou deux millions de conducteurs sans permis étaient invérifiables. En revanche, elle a indiqué que parmi les personnes contrôlées sans permis, 90 % ne l'avaient jamais obtenu.

Enfin, elle s'est félicitée de ce qu'un nouvel équilibre entre les retraits et les récupérations de points était sur le point de se rétablir. En 2008, pour la première fois depuis 2002, le nombre total de points retirés a légèrement diminué : 9.501.484 contre 9.547.017 en 2007. Elle a souligné que le nombre de points récupérés avait simultanément très fortement augmenté. Alors qu'en 2005, moins de 600.000 conducteurs avaient bénéficié de la règle dite des trois ans, en 2007 et 2008, ils étaient respectivement 1,43 et 1,8 million.

Pour l'ensemble de ces raisons, Mme Catherine Troendle, rapporteur, a jugé qu'il n'était pas opportun de modifier les règles du permis à points, alors que les réformes récentes commencent seulement à produire leurs effets. Elle a proposé de ne pas adopter l'article premier de la proposition de loi.

S'agissant de l'article 2 tendant à supprimer les retraits de points en cas de non port de la ceinture de sécurité, elle a également exprimé ses très grandes réserves.

Outre sa contribution décisive à la sécurité routière, elle a souligné que la société avait un intérêt propre à imposer le port de la ceinture en raison du coût de prise en charge des blessés. Elle a proposé de ne pas adopter l'article 2 de la proposition de loi.

A propos de l'article 3 tendant à aligner la vitesse maximale autorisée de nuit sur la vitesse par temps de pluie, elle a expliqué que la surmortalité constatée la nuit n'était pas la conséquence directe de vitesses excessives. Elle a montré que l'alcool était le facteur principal, 44,7% des accidents mortels qui surviennent la nuit impliquant un conducteur avec un taux d'alcoolémie positif.

Elle a également remarqué que les résultats obtenus depuis 2002 l'avaient été sans que les vitesses maximales autorisées fussent réduites. L'effort a porté exclusivement sur leur respect effectif. Elle a proposé de ne pas adopter l'article 3 de la proposition de loi.

Enfin, elle a indiqué que les articles 4 à 7 de la proposition de loi étaient relatifs à la conduite sans assurance.

Elle a proposé de ne pas adopter les articles 5, 6 et 7. Elle a expliqué qu'ils résultaient d'un malentendu sur la nature de l'obligation d'assurance en France. L'assurance portant sur le véhicule et non sur le conducteur, ces articles sont pour l'essentiel sans objet.

En conséquence, Mme Catherine Troendle, rapporteur, a déclaré que la seule disposition susceptible d'être adoptée était l'article 4 de la proposition de loi qui instaure un retrait de trois points en cas de conduite sans assurance. Afin de respecter le barème des retraits de points en cas de délit, il conviendrait de porter de trois à six le nombre de points retirés.

Toutefois, consciente que l'article 4 était la disposition la moins importante de la proposition de loi, elle a demandé à la commission de trancher l'alternative suivante :

- soit adopter l'article 4 qui deviendrait l'article unique du texte examiné en séance publique ;

- soit n'adopter aucun article, auquel cas en application de l'article 42 de la Constitution, la discussion en séance publique porterait sur le texte de la proposition de loi, la commission recommandant de ne pas l'adopter.

Bien que jugeant cette proposition de loi démagogique, M. Bernard Frimat a déclaré que l'esprit de la journée mensuelle réservée aux groupes de l'opposition et aux groupes minoritaires, prévue par la Constitution, commandait de ne pas modifier en commission les textes inscrits à l'ordre du jour, afin qu'ils ne soient pas dénaturés ou détournés par la majorité. Il a indiqué que cette règle de conduite n'empêchait pas le rejet de la proposition.

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