Intervention de Philippe Richert

Commission des affaires culturelles, familiales et sociales — Réunion du 22 février 2006 : 1ère réunion
Discriminations — Quartiers en difficulté - emploi - egalité des chances - examen du rapport pour avis

Photo de Philippe RichertPhilippe Richert, rapporteur pour avis :

A titre liminaire, M. Philippe Richert, rapporteur pour avis, a indiqué que ce projet de loi traduisait, au niveau législatif, le plan d'action en faveur de l'égalité des chances annoncé par le Premier ministre lors de sa conférence de presse du 1er décembre 2005.

Après avoir rappelé que ce texte visait, notamment, à favoriser le développement économique dans les zones sensibles, faciliter l'accès à l'emploi, en particulier pour les jeunes, et lutter contre les incivilités et toutes les formes de discrimination, il a présenté les dispositions dont la commission des affaires culturelles s'était saisie pour avis, concernant : la création de l'apprentissage junior (articles 1 et 2), l'implantation de multiplexes cinématographiques dans les zones franches urbaines (article 13), la promotion de la diversité dans le domaine de l'audiovisuel (article 23), la définition d'un contrat de responsabilité parentale (article 24), et, enfin, la mise en place d'un service civil volontaire (article 28).

Considérant que l'éducation était au coeur de ce défi, il a insisté, tout d'abord, sur la création de la formation d'« apprenti junior ». Il en a rappelé les principes essentiels :

- cette formation, qui sera mise en oeuvre dès la rentrée 2006, est ouverte à tous les jeunes, à partir de 14 ans, sur la base du volontariat ; la demande se fait en accord avec les parents, ainsi impliqués dans le suivi de la scolarité de leur enfant ;

- l'entrée en apprentissage junior n'est pas un choix irréversible ; un « droit au retour » à la scolarité ordinaire au collège est en effet garanti à tout jeune qui en ferait la demande, avec l'accord de ses parents.

En outre, la formation comprend deux étapes :

- l'apprentissage junior initial est un « parcours d'initiation aux métiers » ; cette première année de préparation, qui permet une découverte de plusieurs métiers, se déroule en lycée professionnel ou centre de formation d'apprentis (CFA), ce qui permet de créer une rupture, souvent salutaire, avec le collège d'origine ; toutefois, l'élève reste sous statut scolaire ; cette phase fait alterner des enseignements généraux, pratiques et professionnels et des stages en entreprise ;

- dans un second temps, l'apprentissage junior confirmé consiste, à partir de 15 ans, en une formation par apprentissage stricto sensu ; il s'agit d'étendre les dérogations déjà prévues par le code du travail, permettant à des jeunes de 15 ans ayant achevé leur scolarité au collège de conclure un contrat d'apprentissage ; plus de 26.000 apprentis en bénéficient aujourd'hui.

a fait observer que la continuité entre ces deux phases était assurée, dans le cadre d'un projet pédagogique personnalisé, par la finalité qualifiante de la formation, d'une part, et par l'objectif d'acquisition, tout au long de la formation, du socle commun de connaissances et de compétences, d'autre part. Le contenu de ce socle, défini par la loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école, sera précisé par décret dans les semaines à venir, après avis du Haut Conseil de l'éducation.

En donnant la priorité à l'acquisition du socle commun, la formation s'inscrit dans le cadre de la scolarité obligatoire. L'aptitude du jeune à poursuivre l'acquisition de ces savoirs fondamentaux par la voie de l'apprentissage conditionne l'accès à la seconde phase de la formation, c'est-à-dire à la signature d'un contrat d'apprentissage.

s'est félicité que cette formation tente ainsi de concilier l'unité des exigences, que traduit le socle, et la pluralité des parcours de réussite, indispensable pour assurer l'égalité des chances au sein du collège unique.

Il a rappelé, en effet, que de nombreux collégiens ne s'épanouissent pas dans le cursus général. Alors que notre enseignement privilégie l'abstraction, une approche plus concrète, un changement de lieu et de rythme, permettent souvent de leur redonner goût et motivation pour les apprentissages. Mieux vaut réagir tôt, dès 14 ans, plutôt que de laisser ces élèves entrer dans la spirale de la déscolarisation.

Or, 150 à 160.000 jeunes quittent chaque année le système éducatif sans qualification ; 15.000 autres ont rompu avec l'école avant d'avoir atteint l'âge de 16 ans.

Face à ces constats, M. Philippe Richert, rapporteur pour avis, a estimé que, sans toutefois apporter la panacée, l'apprentissage junior offrait une chance nouvelle de réussite.

Cette formation remplace et rénove les dispositifs actuels de préapprentissage, à savoir les classes d'initiation préprofessionnelle en alternance (CLIPA), créées par la loi quinquennale de 1993, et les classes de préparation à l'apprentissage (CPA), qui existaient depuis 1972. Ces dispositifs, devenus peu attractifs, sont tombés en désuétude, et n'accueillent plus que 10 000 élèves en 2005.

Rappelant que l'Assemblée nationale a précisé qu'un tuteur, désigné au sein de l'équipe pédagogique, serait chargé d'accompagner l'apprenti junior tout au long de la formation, M. Philippe Richert, rapporteur pour avis, a proposé de renforcer la liaison entre ce formateur « référent » et le tuteur en entreprise ou le maître d'apprentissage, pour assurer le suivi de l'apprenti junior.

Il a souhaité ainsi que l'éducation nationale soit plus présente dans l'entreprise, et réciproquement, que les entreprises se sentent davantage impliquées dans la formation pédagogique, comme tel est le cas dans le système dual allemand.

Il a indiqué qu'il présenterait un amendement en ce sens.

Puis il a insisté sur d'autres exigences. Au préalable, il est indispensable d'améliorer la connaissance -et l'image- de l'apprentissage et des métiers préparés, auprès des élèves, de leurs familles et des personnels d'éducation et d'orientation ; le prochain « schéma national d'orientation et d'insertion professionnelle » devrait y contribuer. En outre, pour faire de l'apprentissage junior un tremplin, des passerelles devront être développées, afin d'ouvrir des perspectives de poursuite d'étude, au-delà du certificat d'aptitude professionnelle (CAP).

Enfin, il a indiqué qu'il proposerait des amendements visant à :

- prévoir une compensation des dépenses spécifiques de transport scolaire des apprentis juniors, qui seront à la charge des départements ;

- encourager le développement des activités sportives dans l'apprentissage ;

- déduire le revenu de l'apprenti du revenu social du foyer, ouvrant droit à la couverture maladie universelle (CMU).

a présenté, dans un second temps, les autres dispositions du projet de loi dont la commission s'était saisie pour avis. Il a indiqué, d'abord, que l'article 13 traduisait le souhait du Gouvernement d'inciter les exploitants cinématographiques à investir, sans délai, au sein des zones franches urbaines (ZFU) et à renforcer ainsi l'animation culturelle dans ces quartiers.

Dans sa rédaction initiale, cet article dispensait les projets d'équipement cinématographique de type « multiplexe » du régime d'autorisation préalable. L'Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement tendant à limiter les risques de suréquipement et de distorsion de concurrence entre établissements, en dispensant de la procédure d'autorisation les seuls projets de multiplexes venant pallier l'insuffisance d'équipement dans les ZFU.

Exprimant ses réserves sur ce dispositif, M. Philippe Richert, rapporteur pour avis, a préféré maintenir le régime d'autorisation existant. Il a proposé, néanmoins, en accord avec les rapporteurs des autres commissions compétentes, de réduire de quatre à deux mois les délais impartis tant aux commissions départementales d'équipement cinématographique qu'à la Commission nationale d'équipement commercial siégeant en matière cinématographique pour statuer sur les demandes d'autorisation.

Abordant, ensuite, l'article 23 du projet de loi, modifiant trois articles de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, M. Philippe Richert, rapporteur pour avis, a précisé qu'il avait pour objet de favoriser la cohésion sociale et la lutte contre les discriminations dans le domaine de l'audiovisuel.

Il a souligné que le dispositif envisagé ne s'inscrivait pas dans une politique de quotas rigides mais dans une logique incitative adaptée aux contraintes spécifiques du secteur, conformément aux voeux émis par le Haut Conseil de l'Intégration.

Ce dispositif confie au Conseil supérieur de l'audiovisuel la mission de veiller, d'une part, à ce que la programmation de l'ensemble des éditeurs de services de radio et de télévision reflète la diversité de la société française, et de rendre compte, d'autre part, dans son rapport public annuel, de l'action menée par les éditeurs en ce domaine.

Considérant que ces mesures permettront de donner à l'autorité de régulation les moyens de veiller efficacement au respect des engagements pris par les différentes catégories de services, il a proposé de l'adopter, sous réserve de la rectification d'une erreur matérielle.

Il a indiqué, ensuite, que l'article 24 du projet de loi, qui définit le contrat de responsabilité parentale, était destiné à aider et responsabiliser les familles manifestant des carences dans l'exercice de leurs devoirs éducatifs, en cas d'absentéisme scolaire, de trouble porté au fonctionnement de l'établissement ou de toute autre difficulté de l'enfant.

La mise en oeuvre de ce contrat est confiée au président du conseil général, en cohérence avec les compétences du département en matière d'action sociale et de protection de l'enfance en danger. Celui-ci dispose d'un pouvoir de sanction pour assurer le respect du contrat : il peut demander soit une suspension des prestations familiales, soit leur mise sous tutelle, ou saisir le procureur.

a proposé, toutefois, d'amender cet article pour laisser une marge d'appréciation au président du conseil général sur l'opportunité de proposer un contrat aux parents, dès lors qu'il pourra être saisi de nombreux cas de familles défaillantes par diverses autorités.

Enfin, M. Philippe Richert, rapporteur pour avis, a abordé l'examen de l'article 28, qui tend à créer un service civil volontaire.

Présenté comme un moyen de renouveler le lien social et d'offrir des perspectives d'avenir aux jeunes dans les quartiers difficiles après la crise dans les banlieues, le service civil volontaire est destiné à aider les jeunes en difficulté à trouver un emploi en leur permettant d'intégrer différents corps de métier (défense, police, environnement, santé, culture et secteur associatif). Il est ouvert à tous les jeunes de 16 à 25 ans : 30.000 seront concernés en 2006, 50.000 en 2007.

L'originalité du dispositif tient au fait qu'il ne crée pas un nouveau statut, mais rassemble sous le même label des dispositifs en place ou en cours de réalisation, tels que :

- les Cadets de la République, programme lancé en 2004 pour donner aux jeunes une meilleure connaissance de l'institution policière ;

- le plan « Défense deuxième chance », dispositif d'insertion sociale et professionnelle réalisé au profit des jeunes en difficulté et dont le premier centre a ouvert ses portes en septembre 2005 ;

- le volontariat associatif, qui permet de donner une ou deux années de sa vie au profit d'une cause associative.

Pour finir, il a tenu à insister, à l'occasion de l'examen de ce projet de loi, sur le rôle central du dispositif d'aide sociale comme vecteur d'égalité des chances au sein du système éducatif. Rappelant que, dans le barème actuel, une famille avec deux enfants, disposant d'un revenu de 900 euros par mois, perçoit une aide d'un montant de 59 euros par an, il a souligné la nécessité de revaloriser le montant des bourses scolaires, notamment au collège. Il a indiqué qu'il interrogerait le ministre de l'éducation nationale sur ce point en séance publique.

Un débat s'est ensuite engagé.

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