a rappelé qu'il avait décidé d'engager en application de l'article 57 de la LOLF une mission de contrôle budgétaire sur l'aide juridictionnelle (AJ) à l'issue de l'examen du projet de loi de finances pour 2007, qui avait été marqué par un débat autour de la revalorisation de l'unité de valeur (UV) servant de base à la rétribution des avocats menant des missions d'AJ.
Il a estimé que la revalorisation de l'UV obtenue pour 2007, sur amendement du Sénat, avait permis de débloquer une situation délicate et de répondre, au moins partiellement, aux attentes de la profession d'avocat, mais que cette réponse ne pouvait être qu'une solution de court terme. Il a ajouté que le système de l'AJ était à bout de souffle et traversait une grave crise, tant financière que morale.
a souligné l'accroissement considérable du nombre des admissions au titre de l'AJ. Il a noté qu'en 1991 le nombre des admissions s'élevait à un peu plus de 340.000 et qu'en 2006, un peu plus de 900.000 admissions avaient été prononcées. Il a rappelé que le nombre des admissions avait ainsi connu une hausse de + 159,5 %. Il a précisé que cet emballement concernait aussi bien le nombre de bénéficiaires de l'AJ totale (+ 163,8 %, pour atteindre en 2006 près de 799.000 admissions) que celui de l'AJ partielle (+ 131,1 %, et quelque 105.000 admissions).
Il a remarqué qu'une telle augmentation du nombre des admissions pouvait s'interpréter diversement car si elle témoignait d'une réussite incontestable du dispositif en place, elle traduisait aussi une certaine paupérisation de la population française sur la période. Il a souligné que cette évolution faisait peser une lourde hypothèque sur la soutenabilité de la dépense consacrée à l'AJ sur le moyen terme, l'enveloppe des crédits consommés ayant progressé de 391,3 % entre 1991 et 2006.
a rappelé que la loi de finances pour 2007 avait ouvert des crédits de paiement (CP) à hauteur de 328,7 millions d'euros, tandis que le projet de loi de finances pour 2008 prévoyait une ouverture de crédits à hauteur de 318,1 millions d'euros. A cet égard, il s'est interrogé sur le caractère réaliste de cette prévision. Il a indiqué que, rapportée aux crédits de la justice en France (6.271,1 millions d'euros de CP ouverts par la loi de finances pour 2007), la dépense de l'AJ représentait, en 2007, 5,2 % de l'enveloppe budgétaire globale consacrée à la justice, et 4,9 % des crédits de la justice en 2008.
a considéré que son poids dans le budget de la justice et sa dynamique depuis 1991 en faisaient une variable, dont l'évolution était très préoccupante. Il a estimé que la maîtrise budgétaire du dispositif actuel était d'autant plus difficile que l'AJ pouvait s'analyser comme une dépense dont le justiciable était lui-même l'ordonnateur.
Il a remarqué, par ailleurs, que la crise financière se doublait d'une crise morale, notamment au sein de la profession d'avocat. Il a souligné que la contrainte de la rentabilité économique, les lourdeurs administratives et les incertitudes quant à la pérennité du système actuel plaçaient les avocats face à un dilemme compliqué à surmonter, entre le devoir moral d'assister les plus fragiles devant la justice et une logique économique dictant ses impératifs.
Il a indiqué que la profession d'avocat considérait aujourd'hui que le montant de l'UV était notablement inférieur au « point mort », c'est-à-dire au seuil de rentabilité des cabinets. Il a rappelé que cette unité correspondait aujourd'hui à 22,50 euros et qu'elle avait progressé moins vite que l'inflation entre 1992 et 2007.
Il a souligné qu'au cours des différentes auditions qu'il avait pu mener dans le cadre de son contrôle budgétaire, un consensus s'était très largement dégagé sur le diagnostic porté sur le système de l'AJ en vigueur depuis 1992.
Il a noté que le « spectre » du désengagement de l'Etat était régulièrement agité, notamment par les avocats conscients de leur devoir d'aide aux plus démunis, mais aussi légitimement désireux de ne pas supporter seuls le fardeau de cette « mission de service public ». Il a indiqué que le souci des justiciables bénéficiant de l'AJ de ne pas pâtir d'une défense « au rabais », de moindre qualité car assurée par des avocats démobilisés, devait également être pris en compte. Il a, par ailleurs, insisté sur le malaise diffus au sein de classes dites « moyennes » déplorant d'être toujours « trop riches » pour être aidées, y compris en matière de justice, et toujours « trop pauvres » pour engager sans obstacle financier une action devant les tribunaux afin de défendre leurs droits.
a estimé qu'une piste de réforme serait naturellement de réviser à la baisse les plafonds de ressources conditionnant l'aide apportée par l'Etat au justiciable. Pour autant, il n'a pas souhaité privilégier cette baisse, dans la mesure où cette solution de facilité remettait en cause le « contrat social » noué autour de l'AJ depuis maintenant près de 16 ans. Il a en effet souligné qu'un consensus clair s'était dégagé tant sur la philosophie du système que sur le niveau des plafonds.
Il a insisté, en revanche, sur les deux principes fondamentaux devant inspirer la réforme à mener : la transparence du système et la responsabilisation des acteurs de l'AJ.
Il a indiqué que certaines pistes, parfois évoquées, ne paraissaient pas être de nature à modifier fondamentalement la donne, en particulier l'assurance de protection juridique, récemment réformée sur proposition de loi conjointe de MM. François Zocchetto et Pierre Jarlier, ainsi que la création de « class actions ». Il a précisé que ces outils ne permettaient de couvrir ni la matière pénale, sauf éventuellement les délits non intentionnels, ni le champ du droit de la famille, ces deux secteurs du droit représentant les plus forts contingents d'admission à l'AJ.
Il a reconnu que le principe d'une véritable rémunération des avocats s'imposait et que le nouveau dispositif proposé devait permettre de corriger le caractère désormais dépassé du barème actuellement utilisé. Il a noté que la modernisation du barème avait, par ailleurs, pour mérite, de rendre secondaire la problématique de la revalorisation de l'UV, qui avait trop longtemps cristallisé les mécontentements.
Il a fait valoir que le barème actuel reposait sur un forfait selon le type de procédure, dont le principe devait être maintenu, mais que ce forfait devait être beaucoup mieux adapté qu'aujourd'hui à la réalité du travail accompli par l'avocat.
a présenté deux leviers qui devaient être pris en considération : le coût horaire de la prestation de l'avocat et le temps passé par type de mission.
Il a indiqué que l'objectif poursuivi était de parvenir à l'établissement d'un « barème horaires », principe sur lequel les « Assises de l'accès au droit et de l'aide juridictionnelle » organisées par la Chancellerie le 30 janvier 2007 avaient permis de dégager un certain consensus.
Il a affirmé qu'il convenait, parallèlement, de mettre fin à une inégalité choquante des avocats devant les charges du service public que constitue la justice. Il a ainsi rappelé que l'AJ était l'héritière d'une pratique relevant de la charité et du devoir de solidarité envers les plus démunis. Il a déploré que cette oeuvre collective de défense des plus démunis ait eu tendance à se déliter au fil du temps, pour en laisser finalement peser la charge à un nombre limité d'avocats.
Il a observé que tous les avocats ne contribuaient pas aujourd'hui au fonctionnement de l'AJ et que sur les quelque 47.000 répartis sur le territoire, seuls, 22.000 avaient exercé au moins une mission d'AJ en 2005. Il a également souligné qu'une concentration probablement excessive était même en cours, 9,4 % des avocats assurant aujourd'hui 64 % des missions.
Il a relevé que cette rupture de l'égalité des charges au regard de ce service public qu'était en réalité l'AJ pesait sur l'ensemble de la profession d'avocat. Afin d'y remédier, il a indiqué que le dispositif proposé, correspondant à un objectif de plus grande équité au sein de la profession, reposait sur une participation des avocats, soit par l'acceptation de missions d'AJ, soit par une contribution financière à la bonne marche du système.
Il a ajouté que la participation de l'avocat au bon fonctionnement du système représentait une juste contrepartie à la solvabilisation par le budget de l'Etat d'une clientèle qui, sans l'AJ, ne franchirait probablement pas la porte d'un cabinet d'avocat.
a ensuite relevé que le justiciable devait également prendre sa part à la régulation de ce dispositif d'aide et d'assistance.
De ce point de vue, il a noté qu'une plus grande responsabilisation de l'ensemble des bénéficiaires de l'AJ paraissait souhaitable. Il a indiqué que si l'AJ constituait un « filet de sécurité » pour les plus démunis en matière d'accès à la justice, elle s'apparentait à d'autres dispositifs d'aide et de soutien, notamment ceux relevant de l'assurance maladie. Ainsi, il a noté qu'en s'inspirant de la logique de l'assurance maladie, la réforme proposée visait à introduire un « ticket modérateur justice » dans le dispositif de l'AJ, ce ticket modérateur laissant à la charge du bénéficiaire de l'aide une part de la dépense de justice liée à son affaire.
Il a précisé que certains publics pourraient être exemptés de ce ticket, par exemple les bénéficiaires des minima sociaux, (revenu minimum d'insertion, allocation supplémentaire du Fonds national de solidarité, revenu de solidarité active...), les mineurs, les victimes de crimes et d'atteintes volontaires à la vie ou à l'intégrité de la personne, ainsi que leurs ayants droit.
Il a souligné que le niveau du « ticket modérateur justice » constituait bien évidemment le noeud de ce nouveau dispositif d'aide, et que, trop élevé, il représenterait une barrière à l'accès à la justice et remettrait en cause l'esprit même de l'aide juridictionnelle, tandis que, trop bas, il n'aurait qu'un effet de responsabilisation à la marge et resterait sans réelle incidence sur la problématique du financement.
a indiqué qu'il avait effectué une simulation selon quatre scénarii en fonction du niveau du « ticket modérateur justice » : 5 euros, 15 euros, 30 euros et 40 euros. Il a rappelé que le forfait journalier hospitalier s'élevait à 16 euros par jour dans la majorité des cas et a estimé qu'un ticket à 15 euros pouvait être envisagé.
Il a également insisté sur le fait que l'Etat devait améliorer son efficacité, et qu'il convenait, tout d'abord, de progresser dans le recouvrement de l'AJ. Il a rappelé qu'un récent audit de modernisation avait mis en évidence que les montants recouvrés en 2004 et 2005 n'avaient représenté, respectivement, que 11,4 millions d'euros et 11,5 millions d'euros, pour un montant théorique maximal estimé à 20 millions d'euros.
a estimé qu'une obligation de plus grande performance apparaissait ici nécessaire, et quelle devrait passer, notamment, par des efforts accrus de formation à destination des magistrats et des greffiers qui étaient les « chevilles ouvrières » de l'AJ au sein des bureaux d'aide juridictionnelle (BAJ).
Il a indiqué, par ailleurs, que les potentialités de la LOLF devaient également être mises à contribution dans cette perspective. Il a rappelé que depuis l'entrée en vigueur de la LOLF, la performance du système de l'AJ était mesurée par trois indicateurs renvoyant à deux objectifs au sein du programme « Accès au droit et à la justice » de la mission « Justice ». Il a ajouté que les conclusions de son contrôle budgétaire visaient à enrichir les projets annuels de performances (PAP) et les rapports annuels de performances (RAP) de cette mission de deux indicateurs supplémentaires : l'un portant sur le niveau de recouvrement de l'AJ et l'autre mesurant le délai de délivrance des attestations de fin de mission (AFM), qui conditionnaient le règlement de leurs missions aux avocats.
Il a ensuite relevé que la réforme de la carte judiciaire, qui s'annonçait comme l'une des réformes majeures de la législature, ne pouvait pas être déconnectée de la nouvelle impulsion donnée à l'AJ. Elle devait s'accompagner, pour réussir, d'une réflexion sur la réorganisation des juridictions. Il a estimé que, dans ce cadre, le volet de l'AJ avait bien évidement toute sa place.
Par ailleurs, il a considéré que la réforme de la rémunération des avocats au titre de l'AJ, via la création d'un « barème horaires », devait pouvoir s'appuyer sur la redéfinition de la carte judiciaire pour traiter certains aspects de cette rémunération, comme la couverture financière des déplacements et des visites en prison dans le cadre des missions d'AJ.
Il a souligné que la réforme de la carte judiciaire, qui devait s'appuyer sur un recours accru aux nouvelles technologies, ouvrirait également de nouvelles pistes de travail dans le domaine de l'AJ : téléchargement en ligne des dossiers de demandes, plates-formes numériques d'échange sécurisées entre les juridictions, d'une part, et les avocats et les auxiliaires de justice, d'autre part, vidéoconférence...
s'est félicité de ce que la commission ait demandé, sur son initiative, à la Cour des comptes, dans le cadre de sa mission d'assistance au Parlement prévue à l'article 58 - 2° de la LOLF, une enquête sur le fonctionnement et la gestion des Caisses autonomes de règlement pécuniaire des avocats (CARPA), qui assurent le règlement des missions d'AJ auprès des avocats.
Il a insisté également sur la responsabilité du législateur au regard de la sauvegarde de ce système d'aide, précisant que trop de lois avaient été votées sans évaluation préalable de leur impact sur les crédits de l'AJ. Il a considéré que ce « pilotage à vue » n'avait pas été sans conséquence sur l'emballement du nombre des admissions et, partant, sur le risque d'asphyxie budgétaire couru aujourd'hui.
Un large débat s'est ensuite ouvert.