Intervention de Ramon Fernandez

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 14 octobre 2009 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2010 — Audition de M. Ramon Fernandez directeur général du trésor et de la politique économique

Ramon Fernandez, directeur du Trésor :

a indiqué que pour 2010, le Gouvernement demandait, pour le programme 110, 715 millions d'euros d'autorisations d'engagement, montant en net retrait par rapport à 2009 où il s'établissait à 1 323 millions d'euros. Il a souligné que le montant des autorisations d'engagement était variable selon qu'il s'agissait ou non d'une année de reconstitution des fonds concessionnels de la Banque mondiale et de la Banque africaine de développement.

Il a relevé que les crédits de paiement étaient, en revanche, plus stables, d'un montant de 1 197 millions d'euros pour 2010, soit 90 millions d'euros de plus que le montant inscrit dans la programmation pluriannuelle en raison de mesures de périmètre et de transfert.

Il a ensuite déclaré que les trois priorités de ce programme 110 étaient la réactivité, la cohérence et la transparence des actions menées grâce à ses crédits.

Il a souligné dans un premier temps que les instruments multilatéraux comme bilatéraux du programme 110 jouaient, grâce à leur réactivité, un rôle déterminant dans la réponse à la crise financière.

Observant que c'était dans le cadre multilatéral que s'était organisée la réponse à la crise, il a indiqué que la France avait veillé à ce que les pays en développement ne soient pas les oubliés de cette réponse. Ces pays sont faiblement exposés à la crise financière, mais ils en subissent pleinement les effets économiques : en Afrique subsaharienne, la croissance est passée d'environ 6 % par an avant la crise à environ 1,5 % en 2009. Compte tenu d'une croissance démographique qui demeure élevée, de la fragilité du tissu socio-économique et de l'absence de filets de protection sociale, ce ralentissement économique menace les progrès réalisés jusqu'ici dans l'atteinte des Objectifs du millénaire pour le développement.

Il a indiqué que la France avait veillé à ce que des moyens financiers supplémentaires soient fournis aux pays en développement, en particulier aux plus pauvres, pour faire face à la crise. Il a précisé, à cet égard, que le Fonds monétaire international (FMI) avait prévu d'augmenter d'environ de 8 milliards de dollars ses prêts - sans intérêts - aux pays à faible revenu sur les deux à trois prochaines années, notamment grâce à la vente de son or, mais aussi aux contributions des bailleurs dont la France, qui avait accordé un prêt concessionnel de 1 milliard de dollars à cet effet. En conséquence, 20 millions d'euros de crédits sont demandés en 2010 pour bonifier les prêts accordés au FMI. Observant que le FMI avait aussi largement refondu son modèle de prêt aux pays à faible revenu afin de mieux répondre à leurs besoins et de faire en sorte que les assouplissements de conditionnalités et des instruments de financement du FMI ne bénéficient pas qu'aux seuls pays à revenu intermédiaire, il a jugé que le Fonds avait donc été réactif, grâce notamment à ses actionnaires, et en premier lieu à la France.

Il a également indiqué que les banques multilatérales de développement avaient accéléré les décaissements des fonds concessionnels et fortement augmenté leurs engagements. Ces engagements devraient atteindre 110 milliards de dollars en 2009. Les banques multilatérales sont en bonne voie pour atteindre l'objectif fixé par le G20 d'augmenter de 100 milliards de dollars leurs financements sur trois ans. Elles ont donc pu, malgré la crise, mobiliser rapidement des ressources sur les marchés pour augmenter leurs financements. Pour préserver leur solidité, les pays du G 20 les ont appelées à procéder à des revues de leur capital qui pourraient déboucher sur des augmentations de capital. Sont concernées trois banques régionales de développement, africaine, interaméricaine et européenne, ainsi que, au sein du groupe Banque mondiale, la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) et la Société financière internationale (SFI). Il a estimé que des moyens budgétaires supplémentaires pourraient s'avérer nécessaires à partir de 2011 si la France entendait conserver un rôle dans la gouvernance de ces entités. Il a rappelé que le G 20 avait acté le triplement du capital de la Banque asiatique de développement, précisant que l'engagement des crédits correspondants s'élevait à 54 millions d'euros pour la France, rendu possible par un redéploiement au sein du programme 110.

Il a souligné que l'Agence française de développement (AFD) jouait également son rôle dans la réponse à la crise, en s'engageant à hauteur de 1,2 million d'euros, en financement non concessionnel, pour lutter contre les effets de la crise sur le financement des infrastructures privées et sur le financement du commerce. Il a ajouté qu'elle intervenait directement en faveur du secteur privé en Afrique, via ses fonds de garantie et d'investissement.

Il a souligné dans un second temps que les orientations des crédits du programme 110 étaient cohérentes avec les engagements et les priorités de la France.

Il a indiqué que l'essentiel de ces crédits contribuait à notre engagement à accroître notre aide publique au développement (APD), afin que celle-ci représente 0,7 % en 2015. Malgré la crise, nous avons maintenu l'effort budgétaire prévu dans le cadre de la programmation pluriannuelle. L'APD de la France devrait s'établir à 0,44 % du RNB en 2009 et entre 0,44 % et 0,48 % en 2010, en fonction du calendrier des annulations de dette. Il a estimé que dans un contexte de baisse des annulations de dette, le respect de l'objectif de 0,7 % en 2015 impliquerait des efforts importants.

Il a rappelé que la mesure de notre engagement en faveur des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) ne se limitait pas au ratio d'APD au sens du Comité d'aide au développement (CAD). Il a fait observer que le paysage de l'aide évoluait en faisant apparaître de nouveaux acteurs, de nouveaux objectifs, de nouveaux instruments qui échappaient à cette comptabilité. Il a évoqué, à titre d'exemple, les garanties ou les prises de participation mises en oeuvre par l'AFD en faveur du développement du secteur privé, ainsi que les actions en cours pour réduire les coûts des transferts des migrants, afin de répondre à l'objectif du G 8 d'abaisser en cinq ans ce coût moyen de 10 % à 5 % au niveau mondial. Il a précisé que, en France, la nouvelle réglementation sur les services de paiement ouvrait à cet égard des perspectives grâce à une plus grande concurrence et une plus grande transparence sur le marché, soulignant que ceci pourrait apporter chaque année plusieurs milliards d'euros de ressources supplémentaires aux habitants des pays en développement.

Il a également souligné que l'orientation des crédits du programme pour 2010 reflétait les priorités sectorielles de la politique française d'aide au développement. En matière de sécurité alimentaire, le Gouvernement a prévu, dans le cadre du Partenariat mondial pour l'agriculture et la sécurité alimentaire lancé par le Président de la République en juin 2008 en réponse à la crise alimentaire, l'engagement de 35 millions d'euros au profit du Fonds international de développement agricole (FIDA). Il a indiqué que le FIDA était un acteur de référence dans le développement agricole, qui ciblait les populations les plus vulnérables avec des approches souvent innovantes. Il a souligné que l'engagement de la France auprès du FIDA permettait aussi à la France de solliciter son appui sur des projets, comme, par exemple, le fonds d'investissement pour l'agriculture en Afrique, une initiative de l'AFD pour mobiliser des ressources privées en faveur de l'agriculture africaine. Il a également indiqué qu'au niveau de l'AFD, il était prévu un doublement du plan d'affaires dans l'agriculture et la sécurité alimentaire qui dépassera ainsi un milliard d'euros sur cinq ans.

En matière d'environnement, il a rappelé qu'au plan multilatéral, la France a confirmé pour 2010 son engagement auprès du Fonds pour l'environnement mondial, qui est l'instrument financier de référence des conventions pour l'environnement, que ce soit pour la lutte contre le changement climatique, qui représente plus d'un tiers de son activité, ou la préservation de la biodiversité dans plus de 1 500 aires protégées. Il a souhaité que l'on encourage l'approche intégrée que ce fonds développe, estimant qu'on ne pouvait s'occuper de forêt en séparant les enjeux climat et les enjeux de biodiversité. Il a indiqué qu'au plan bilatéral, la France soutenait la même approche via le Fonds français pour l'environnement mondial, plus particulièrement ciblé sur l'Afrique. La France contribue également à la facilité de la Banque africaine de développement pour l'eau et l'assainissement et pour laquelle il est demandé une dotation de 40 millions d'euros, au même niveau que la précédente. Cette contribution recouvre deux enjeux pour la France : un enjeu sectoriel car la facilité rejoint nos priorités sur l'agriculture et la sécurité alimentaire et un enjeu géographique par son ciblage africain. Il a précisé que seront également reconstitués en 2010 le fonds de sûreté nucléaire de la BERD ainsi que le fonds pour le sarcophage de Tchernobyl, dans le respect de l'engagement pris par la France dans le cadre du G 8. Il a souligné également l'apport du Fonds d'étude et d'aides au secteur privé (FASEP) en matière environnemental : en 2009, son champ d'action a été élargi pour promouvoir les technologies françaises dans le domaine du développement durable. Beaucoup de ces actions contribuent à la lutte contre le changement climatique. Il a fait observer qu'il était possible, en cas d'accord à Copenhague en décembre 2009, que les efforts en ce sens puissent être renforcés.

Il a ensuite fait remarquer que le programme était également cohérent avec la priorité géographique de la France en faveur de l'Afrique subsaharienne :

Il a indiqué que, au niveau multilatéral, la France s'était assurée que, outre la Banque africaine de développement, le FIDA et la Banque mondiale accordaient aussi une priorité à l'Afrique subsaharienne. Ils y consacrent désormais au moins 52 % de leurs ressources, ce pourcentage atteignant même 60 % à l'AID une fois mesuré en termes d'élément-don.

Il a souligné que, au niveau bilatéral, les moyens du groupe AFD avaient été renforcés afin de respecter l'objectif du Président de la République de doubler les engagements du groupe AFD en Afrique subsaharienne sur la période 2008-2012. En 2009, les engagements du groupe dans la région ont augmenté de près de 50 %. Le programme 110 contribue à cet effort au travers de la bonification de ses prêts, pour lequel il est prévu en PLF 2010 une autorisation d'engagement de 249 millions d'euros. Il a observé que l'aide à l'Afrique, et en particulier à nos partenaires de la Zone franc, passait également par les aides budgétaires globales, pour lesquelles 66 millions d'euros étaient demandés et qui constituaient un outil efficace pour renforcer l'appropriation de l'aide par les pays partenaires, l'harmonisation entre bailleurs et l'alignement sur les procédures locales.

Evoquant la réintégration de la Côte d'Ivoire dans la communauté financière internationale, il a indiqué que l'action de la France pour assurer le retour des bailleurs de fonds internationaux dans ce pays illustrait la cohérence de l'action menée dans la mise en oeuvre des différents instruments du programme 110.

Il a indiqué que la troisième priorité de la gestion du programme 110 était le renforcement de la transparence des actions du Gouvernement en faveur du développement, dans un souci de lisibilité, de responsabilité et d'efficacité.

Il a indiqué que le projet de loi de finances pour 2010 offrait une plus grande lisibilité des actions engagées via l'Agence française de développement (AFD). Il a souligné qu'il était mis fin à la pratique consistant à financer une partie des dépenses de la mission aide publique au développement sur le dividende de l'AFD, indiquant que ce dividende serait désormais intégralement versé au budget général et les dépenses de l'Etat auprès de l'AFD tout comme les bonifications de prêts ou les aides budgétaires globales seraient financées intégralement sur crédits budgétaires. Il a ajouté que dans un même souci de lisibilité, la rémunération de l'AFD, autrefois intégralement portée par le programme 110, serait désormais répartie entre les programmes 110 et 209 en fonction des opérations confiées par ces deux programmes à l'AFD.

Il a rappelé que le Gouvernement avait décidé, lors du Comité interministériel de la coopération internationale et de développement (CICID) du 5 juin 2009, la mise en place et le suivi d'indicateurs de résultat de la politique d'APD au niveau interministériel. Il a indiqué que ce travail était en cours et se déclinera, dans le cadre du programme 110, auprès des opérateurs de l'aide, en particulier l'AFD, les banques multilatérales de développement et les fonds sectoriels. Il a précisé que, par ailleurs, des évaluations publiques seraient désormais réalisées sur toute la gamme des actions du programme 110. Il a fait observer que la France avait conclu cette année l'évaluation de la contribution de la France au fonds pour l'environnement mondial (FEM), qui associait le secteur public, le secteur privé et la société civile, observant que cette évaluation avait validé la pertinence du positionnement et des missions du FEM au regard des priorités françaises, tout en notant que son activité en Afrique pourrait être augmentée.

Il a conclu son intervention en citant la publication prochaine de la stratégie de la France vis-à-vis de la Banque mondiale comme un exemple emblématique de cette démarche de transparence. Il a estimé que cette initiative s'imposait s'agissant de la principale contribution du programme 110, d'un montant de 423 millions d'euros soit 35 % des crédits de paiement du programme, mais qu'il s'agissait néanmoins d'une initiative pionnière, tant par la méthode, qui associe à la réflexion la société civile, que sur le fond, puisque ce document expose la vision française du mandat de la Banque mondiale.

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