Intervention de Christian Giacomotto

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 29 avril 2009 : 1ère réunion
Réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques — Audition de Mm. Christian Giacomotto président bernard daeschler et denis antoine membres du conseil des ventes volontaires

Christian Giacomotto :

A titre liminaire, M. Christian Giacomotto a rappelé que, pour s'en tenir à la compétence du Conseil, il s'exprimerait sur les ventes aux enchères volontaires, à l'exclusion des problématiques spécifiques aux commissaires-priseurs judiciaires. Il a précisé que le Conseil des ventes volontaires n'était ni le représentant d'une profession, ni un groupe de pression, mais un organisme de régulation public créé par la loi, dont les membres exercent leurs fonctions à titre bénévole.

Après avoir noté que plusieurs rapports récents, tels que ceux de M. Pierre Simon, membre du Conseil économique, social et environnemental et de M. Martin Béthenod, attestaient de l'intérêt des pouvoirs publics pour la situation du secteur des ventes aux enchères, M. Christian Giacomotto a rappelé que le Conseil des ventes volontaires avait été le premier à les alerter en constatant le recul de la France dans ce domaine. En effet, il existe selon lui un décalage entre l'importance des objets et oeuvres d'art français sur le marché des enchères, puisque ces derniers représentent un tiers des ventes mondiales, et la faiblesse des opérateurs nationaux. Soulignant que la présente proposition de loi procédait à la transposition de la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006, dite « directive services », il a estimé que cette initiative démontrait que le Sénat avait conscience de l'importance des débats actuels sur la vente aux enchères et de la nécessité de transposer la directive avant la fin de l'année 2009.

évoquant les principales initiatives prises par le Conseil des ventes pour répondre à cette situation, a mentionné l'élaboration d'outils statistiques et la publication d'un Livre blanc concernant les ventes aux enchères sur Internet, mettant en lumière le « télescopage » entre les enchères physiques et les enchères numériques, ainsi que les distorsions de concurrence qui en découlent.

Il a constaté que les ventes aux enchères en France étaient triplement affaiblies :

- les 380 opérateurs français soumis à la régulation du Conseil des ventes sont confrontés à une double concurrence : les opérateurs installés en province font face à la concurrence des ventes aux enchères sur Internet, qui drainent les petites marchandises, tandis que les grandes maisons de ventes parisiennes traitent l'essentiel des marchandises plus coûteuses, souvent destinées à l'exportation ;

- les opérateurs français restent trop dispersés et ne sont pas assez puissants face à leurs concurrents étrangers. À titre d'illustration, le montant des ventes de l'hôtel Drouot (qui n'est pas un opérateur, mais un lieu de ventes appartenant à une société regroupant 70 sociétés de ventes volontaires) était de 400 millions d'euros en 2008, contre un chiffre d'affaires mondial de 6,5 milliards pour Christie's et Sotheby's ;

- certains secteurs, comme celui des ventes aux enchères de véhicules d'occasion, sont insuffisamment développés. En effet, entre 150 000 et 220 000 véhicules sont vendus par ce biais chaque année en France, contre 1,5 million en Grande-Bretagne. À ce titre, M. Christian Giacomotto a déclaré que la vente aux enchères, procédure transparente, régulée et connue, pouvait provoquer une baisse sensible des coûts d'intermédiation, et qu'elle était porteuse de potentialités importantes, notamment pour les secteurs touchés par la crise. M. Denis Antoine a ajouté que le secteur des ventes de véhicules aux enchères devait faire l'objet d'une attention particulière, dans la mesure où il était l'un des moins atomisés du marché (dix opérateurs représentent 90 % du chiffre d'affaires), et donc l'un des plus compétitifs.

A partir de ce constat, M. Christian Giacomotto a détaillé les préconisations du Conseil des ventes volontaires.

Rappelant que la loi du 10 juillet 2000 était conçue comme une loi transitoire, imposant aux sociétés de ventes volontaires le statut de sociétés commerciales à objet civil, il a plaidé pour une liberté de statut, afin de rendre compte de la diversité des métiers et des situations. Il a estimé que, sur ce point, la proposition de loi de MM. Philippe Marini et Yann Gaillard pouvait être améliorée.

Ensuite, il a émis le souhait que les conditions d'exercice de l'activité de ventes volontaires soient simplifiées, sans pour autant sacrifier l'impératif de transparence. Ainsi, il s'est déclaré favorable à la suppression de l'agrément du Conseil des ventes tout en jugeant nécessaire de doter, en contrepartie, le Conseil de pouvoirs nouveaux, lui permettant de s'assurer de la viabilité économique des sociétés régulées et donc d'assurer une protection effective des consommateurs. Il a suggéré que la tenue des livres de police soit assouplie, à condition que le catalogue contenant la liste des objets vendus et une estimation de leur valeur soit systématiquement adressé au Conseil des ventes volontaires à des fins de régulation.

Enfin, il a estimé nécessaire de donner aux opérateurs français de ventes volontaires des conditions d'exercice égales à celles de leurs concurrents internationaux. Après s'être déclaré favorable au renforcement de la pluriactivité des opérateurs, en permettant ainsi à une société de ventes d'assurer elle-même le transport des objets, et à l'autorisation de la vente de biens neufs, il a fait état des doutes émis par les membres du Conseil des ventes quant à la possibilité pour les sociétés de ventes d'acheter pour revendre. Craignant que l'institution de garanties de prix au vendeur ne nuise aux opérateurs français, dans la mesure où ceux-ci n'ont pas de fonds propres et ne sont que faiblement capitalisés, il a prôné la mise en place de garanties partielles, ne portant que sur un pourcentage prédéterminé du produit attendu de la vente.

a cependant considéré que la proposition de loi était incomplète, et que d'autres modifications de la loi de 2000 devaient être engagées. Il a ainsi proposé :

- que les fusions entre opérateurs soient encouragées, dès lors qu'elles peuvent mener à l'émergence d'acteurs plus compétitifs -c'est-à-dire hors des cas où l'opérateur a essentiellement une mission de proximité et de maillage territorial- ;

- que les mêmes règles s'appliquent à tous les opérateurs de ventes volontaires aux enchères publiques -sociétés de ventes, huissiers, notaires, État, courtiers assermentés- tout en veillant à ne pas remettre en cause la diversité des acteurs. Il s'agirait donc d'unifier et de renforcer le marché national, d'éviter les distorsions internes de concurrence et, surtout, de permettre aux opérateurs de se regrouper dans des sociétés ad hoc, offrant une multiplicité de services ;

- que la loi oeuvre au rétablissement de la confiance des consommateurs face aux enchères par voie électronique et protège efficacement les enchérisseurs virtuels. En effet, la moitié des ventes aux enchères sont ainsi dématérialisées, tandis qu'un récent arrêt de la Cour d'appel de Paris a incité les pouvoirs publics à se saisir de ce problème ;

- que les mesures fiscales favorisent la relocalisation en France des activités de vente aux enchères sur le modèle du crédit d'impôt « Cinéma ».

Pour conclure, M. Christian Giacomotto a rappelé les deux principales préconisations du Conseil des ventes volontaires : d'une part, une régulation économique qui permette au secteur de se reconstituer et de devenir plus compétitif, sans pour autant réduire les exigences du régulateur en termes de protection du consommateur et de transparence ; d'autre part, la régulation doit avoir lieu ex post, et non plus ex ante.

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