L'Opeps à ensuite examiné le rapport de M. Paul Blanc, sénateur, rapporteur, sur la politique vaccinale de la France.
a rappelé que le rapport qu'il présente s'appuie sur l'étude précédemment confiée à la société Alcimed.
Il a souligné la longue tradition française en matière de vaccinologie et la présence, sur le territoire national, de nombreux laboratoires de recherche et de production. La France a mis en place un calendrier vaccinal exigeant et constitue l'un des rares pays à maintenir une obligation stricte pour certaines vaccinations.
Pourtant, face à la menace de nouvelles pandémies, les industriels et les chercheurs s'interrogent sur leur capacité à découvrir et à produire de nouveaux vaccins dans des délais suffisants. Par ailleurs, on observe des comportements paradoxaux, qui conduisent les Français à réclamer des vaccins contre les maladies émergentes (grippe aviaire, chikungunya), alors qu'ils se méfient des vaccins existants, celui contre l'hépatite B par exemple.
La réussite de la politique vaccinale suppose de répondre à deux impératifs : un impératif sanitaire, afin d'améliorer la couverture vaccinale de la population, et un impératif économique et scientifique, pour maintenir la présence de la France dans le secteur des vaccins.
En premier lieu, il s'agit d'améliorer la couverture vaccinale car, quoique globalement satisfaisante, elle varie selon l'âge et le vaccin considérés : excellente chez les enfants contre la diphtérie, le tétanos, la coqueluche et la poliomyélite, elle est encore insuffisante contre la rougeole ou l'hépatite B. De même, alors que les enfants sont généralement à jour de leurs vaccinations, ce n'est pas toujours le cas des adolescents et des adultes. Cette situation peut s'expliquer par les réticences du corps médical et du grand public à l'égard de certains vaccins.
Pour y remédier, M. Paul Blanc, sénateur, rapporteur, a proposé de renforcer la formation des médecins en matière de vaccinologie. L'enseignement universitaire devrait poursuivre un triple objectif : former les médecins aux techniques et aux stratégies vaccinales les plus récentes, les informer sur les obligations et les recommandations du calendrier vaccinal et transmettre les connaissances existantes sur les virus concernés. Le niveau de connaissance des jeunes médecins pourrait ensuite faire l'objet d'une évaluation lors de l'examen classant national.
De même, il faudrait intégrer des modules sur les vaccins dans la formation médicale continue des médecins généralistes et développer l'évaluation des pratiques professionnelles dans ce domaine. Par ailleurs, les médecins devraient être régulièrement tenus informés des recommandations et avis officiels, ainsi que des modifications du calendrier vaccinal, afin qu'ils s'impliquent davantage dans la politique vaccinale.
Enfin, les professionnels eux-mêmes doivent mieux se protéger pour préserver leurs patients. Or, la publication du décret rendant effective l'obligation vaccinale des professionnels de santé contre la grippe, votée par le Parlement dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, n'est toujours pas envisagée.
Une deuxième proposition pourrait être d'augmenter le nombre des vaccinateurs : les sages-femmes, qui y ont été autorisées depuis 2005, y procèdent encore trop peu. De surcroît, les médecins scolaires, qui ne vaccinent plus depuis l'arrêt de la campagne de vaccination contre l'hépatite B en 1998, et les médecins du travail pourraient être davantage mobilisés.
Cette plus grande implication des professionnels de santé doit s'accompagner, chez le grand public, du développement d'une culture de la prévention, grâce notamment au lancement de campagnes d'information sur les vaccins, ciblées en fonction de l'évolution des données épidémiologiques : elles pourraient notamment concerner la vaccination contre l'hépatite B, sur laquelle portent la majorité de contestations. Selon le type de vaccin, ces messages informatifs pourraient être diffusés soit au niveau national, soit au niveau local ou bien viser des populations spécifiques (voyageurs et migrants, par exemple). Dans ce cadre, l'institut national de prévention et d'éducation pour la santé (Inpes) jouera plus efficacement son rôle de soutien aux politiques publiques si ses crédits sont recentrés sur les projets prioritaires d'éducation à la santé et de prévention.
Enfin, pour que l'information officielle sur les vaccins soit constamment disponible, il serait judicieux de créer un portail Internet accessible à tous et regroupant l'ensemble des informations validées par les autorités sanitaires : liste des vaccins obligatoires et recommandés en France et à l'étranger, effets secondaires observés et risques encourus en cas de non-vaccination. La création et la mise à jour d'un tel outil pourraient être confiées à l'institut de veille sanitaire (InVS) et aux réseaux de surveillance épidémiologique et de pharmacovigilance, qui devront avoir les moyens financiers et humains de mener à bien cette mission.
s'est déclaré convaincu de l'utilité de maintenir une obligation vaccinale. Les données statistiques montrent que le taux de couverture est meilleur lorsque les vaccins sont obligatoires et pas seulement recommandés.
Cette obligation devra bien sûr être adaptée à l'évolution de la situation épidémiologique. La suppression, cet été, de l'obligation vaccinale par le BCG en est un bon exemple. Toutefois, ces interruptions ne doivent être ni trop brutales, si l'on veut éviter la recrudescence de la maladie, ni forcément générales pour toutes les catégories de population et tous les territoires. Ainsi, le BCG obligatoire aurait pu être maintenu en Ile-de-France et à Marseille, ainsi que pour les nouveaux migrants car l'on constate dans ces zones et pour ces personnes une recrudescence des cas de tuberculose.
Le professionnel de santé le mieux à même de s'assurer, auprès de ses patients, du contrôle du respect des obligations vaccinales et du suivi des recommandations est, à l'évidence, le médecin traitant. Il pourra sans doute informer davantage ses patients sur leur statut vaccinal lorsque leur dossier médical personnel sera opérationnel. Il est, sur ce point, indispensable de mener à son terme ce projet dont certaines rumeurs laissent entendre qu'il pourrait être abandonné.
Par ailleurs, il est souhaitable que les médecins participent plus activement à la surveillance des maladies à prévention vaccinale et à la notification des effets secondaires des vaccins. Leur implication pourrait être facilitée par une information individuelle sur les données épidémiologiques collectées, mais aussi par une rémunération forfaitaire définie dans un contrat de santé publique spécifique.
Enfin, le respect de l'obligation vaccinale suppose l'application effective des sanctions prévues en cas de violation. Les autorités chargées du contrôle - conseils généraux, maires ou médecins de crèche et de santé scolaire, selon les cas - ne jouent pas suffisamment leur rôle et les sanctions prévues (privation de certaines prestations sociales et refus d'inscription à la crèche ou à l'école) sont rarement appliquées.
Puis M. Paul Blanc, sénateur, rapporteur, a présenté une deuxième série de propositions relatives à la recherche et à la production nationales de vaccins, ainsi qu'à l'aide aux pays les plus pauvres. Il a regretté que la recherche fondamentale française sur les vaccins n'ait pas produit de résultats notables depuis plusieurs années. Cette situation résulte notamment de la valorisation insuffisante du métier de chercheur. Il faudrait rendre leurs rémunérations et leurs perspectives de carrière plus attrayantes, médiatiser davantage les découvertes dans le domaine des vaccins, comme le font les Etats-Unis ou le Canada, et renforcer les liens entre l'université et les équipes de recherche.
Pour sa part, la recherche clinique française est en perte de vitesse et souffre de la concurrence des autres pays. La sensibilité des Français au risque médical rend difficile la formation de cohortes, en particulier pour les vaccins destinés aux enfants. En outre, l'absence de réseaux de médecins chargés des recherches cliniques oblige les industriels à trouver par eux-mêmes des médecins volontaires, ce qui augmente les coûts et les délais de l'étude. De fait, les laboratoires se tournent parfois vers l'étranger, le risque étant que les médecins et les hôpitaux français soient moins au fait des nouvelles connaissances épidémiologiques.
Pour ces raisons, M. Paul Blanc, sénateur, rapporteur, a souhaité que les Français soient davantage incités à participer aux recherches cliniques et que des réseaux de médecins soient constitués, à l'exemple de ceux qui existent aux Etats-Unis, où les médecins investigateurs sont répertoriés par la Food and Drug Administration (FDA) et regroupés dans des centres d'essais cliniques, dont la liste et la spécialisation sont disponibles sur Internet. De surcroit, les médecins français pourraient également participer à des projets européens de recherche clinique.
Par ailleurs, les moyens de la recherche française devraient être renforcés pour permettre le développement des projets jusqu'au stade de leur rachat par des laboratoires. Trois pistes pourraient être suivies :
- obtenir le financement public des projets de recherche prioritaires et l'amélioration des salaires des chercheurs qui y participent ;
- favoriser l'investissement privé dans les start-up, qui assurent l'aboutissement du projet entre la recherche fondamentale et l'application industrielle. Aux Etats-Unis, les fondations privées, les fonds d'investissement et les « business angels » n'hésitent pas à investir dans ce type de structures, alors que ce n'est pas encore le cas en France, ce qui occasionne la faillite de certaines structures, dès leur première année d'existence. De manière connexe, les chercheurs-développeurs seraient sans doute davantage incités à créer des sociétés de développement de projets de recherche, si ces initiatives étaient considérées au même titre que les publications pour l'avancement des carrières ;
- enfin, les partenariats public-privé doivent être développés sur le modèle du pôle de compétitivité de Lyonbiopôle, pour mettre en relation le monde de la recherche et les industriels, et dégager les financements nécessaires.
Enfin, en ce qui concerne la production de vaccins, pour laquelle la France est classée au premier rang mondial, l'objectif est le maintien des atouts nationaux. Il faut ainsi continuer à proposer un enseignement secondaire, universitaire et professionnel de qualité, en y orientant les élèves par une information documentée sur les métiers qu'offre le secteur des vaccins, et en proposant régulièrement des formations aux salariés en place. En effet, seul le haut niveau de qualification et d'expertise de ses professionnels peut permettre à la France de lutter contre les coûts de personnel très inférieurs pratiqués par les pays en voie de développement.
s'est félicité du fait que l'attractivité de la France pour l'installation de sites de production se maintienne, évoquant l'investissement récent de GSK, à hauteur de 500 millions d'euros, dans la création d'un site implanté dans le Nord-Pas-de-Calais pour la production d'un nouveau vaccin contre le cancer du col de l'utérus. Il s'agit de préserver cette situation favorable, notamment grâce à une fiscalité attrayante, et de soutenir ce secteur économique, afin de disposer d'une capacité de production de vaccins en cas d'épidémie (grippe aviaire ou chikungunya, par exemple).
Mais l'attractivité de la France dépend aussi de l'ouverture de son marché. Il faudrait notamment réduire le délai d'inscription des vaccins au remboursement, encore trop long, qui pénalise à la fois les patients, qui ne peuvent accéder rapidement aux nouveaux produits, et les industriels, qui souhaitent rentabiliser leurs investissements. Le délai, fixé à 180 jours, ne doit pas être dépassé et la procédure devrait être rendue plus transparente pour les entreprises, afin qu'elles puissent répondre aux demandes des autorités sanitaires.
Par ailleurs, les procédures de mise sur le marché et de remboursement faisant intervenir de nombreux acteurs, il serait utile de transmettre à chacun les informations nécessaires à sa décision, sans attendre de connaître l'avis de l'instance qui intervient en amont. Un temps précieux serait ainsi gagné sans que l'examen du dossier n'en pâtisse.
Enfin, M. Paul Blanc, sénateur, rapporteur, a plaidé en faveur d'une implication plus grande de la France dans la politique vaccinale des pays les plus pauvres. Le taux de couverture vaccinale s'y détériore progressivement depuis le début des années quatre-vingt-dix, en raison de l'arrêt des grandes campagnes de vaccination et de l'augmentation de leur coût. De fait, trente-sept millions d'enfants ne sont pas vaccinés, notamment en Afrique subsaharienne et en Asie du sud. Chaque année, plus de trois millions d'entre eux décèdent de maladies contre lesquelles il existe des vaccins efficaces.
L'aide publique et privée doit donc permettre à ces pays d'accéder aux vaccins existants, mais aussi inciter les équipes de recherche et les entreprises à investir sur des projets à faible rentabilité, car destinés quasi exclusivement aux pays en voie de développement.
Il serait concevable que les pays développés se dotent des moyens financiers leur permettant de racheter aux industriels certains brevets, via des fonds d'investissement par exemple, afin de développer des vaccins qui pourront être vendus « sans bénéfice » aux pays émergents. La politique traditionnelle d'aide au développement menée par la France doit l'inciter à défendre ces positions dans les instances internationales, auprès de ses équipes de recherche publique et des industriels du vaccin.