Intervention de Michel Teston

Commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire — Réunion du 15 novembre 2011 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2012 — Mission economie - examen du rapport pour avis

Photo de Michel TestonMichel Teston, rapporteur pour avis :

Après avoir effectué une brève présentation générale des crédits de la mission, je ferai un point plus précis sur les crédits relatifs à La Poste, aux télécoms et à la société de l'information, puis je passerai la parole à mes trois collègues rapporteurs pour avis : Gérard Cornu, sur le Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (FISAC), Evelyne Didier, sur les missions et les moyens de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et Pierre Hérisson sur les moyens de la politique du tourisme.

Les crédits de la mission Économie, tous programmes confondus, reculent de 2,8 % en 2012. Encore cette baisse est-elle nominale. Si l'on ajoute l'inflation, estimée pour 2012 à 1,7 %, le recul réel des crédits est 4,5 %.

Le programme 134 Développement des entreprises et de l'emploi est particulièrement touché, avec un recul des crédits de plus de 8 %, presque 10 % en tenant compte de l'inflation.

L'action 2, consacrée aux actions en faveur des PME, du commerce et de l'artisanat, souffre particulièrement avec une baisse des moyens de près de 35 %. Le FISAC est la principale victime, avec des crédits ramenés à 41 millions d'euros, contre 64 millions en 2011 et 78 millions en 2010.

L'action 3, en faveur des entreprises industrielles, connaît elle aussi cette année une baisse de 6 millions d'euros à périmètre constant. Depuis 2010, les crédits finançant cette action ont connu un recul très marqué, puisqu'on est passé de 261 à 209 millions d'euros, soit une baisse d'environ 20 % en deux ans.

Les crédits destinés à financer une partie des charges de service public de La Poste sont également en recul, j'y reviendrai.

Le soutien au développement international des territoires, notamment à travers le financement d'Ubifrance, est la seule action à tirer à peu près son épingle du jeu : ses crédits progressent de 1 % en nominal, ce qui constitue néanmoins une baisse en termes réels.

Enfin pour finir sur le programme 134, les moyens de la DGCCRF sont une nouvelle fois sérieusement touchés avec une baisse des effectifs d'une centaine d'agents pour 2012. Depuis 2008, la DGCCRF a donc perdu environ 500 postes sur un effectif de 3 500. Concernant les crédits proprement dits, la régulation concurrentielle des marchés dans l'action 16 perd 3,4 % de son budget. Idem pour la protection économique des consommateurs à travers l'action 17. Les moyens consacrés à la sécurité du consommateur à l'action 18 reculent quant à eux de 1,1 %. Globalement, depuis 2010, la DGCCRF a ainsi perdu 27 millions d'euros, soit une baisse de 10 % - près de 15 % si on tient compte de l'inflation.

Pour finir ce tableau, le programme 225 consacré aux actions en faveur du tourisme enregistre de nouveau cette année une diminution de ses crédits : 43 millions contre 53 millions en 2011 et 58 millions en 2010.

Je vais à présent évoquer la partie « poste et communications électroniques » de la mission « Économie », en commençant par l'analyse budgétaire, qui porte sur les actions 4 et 13 du programme 134 :

- l'action est consacrée au « développement des télécommunications, des postes et de la société d'information ». Avec 202,35 millions d'euros, en autorisations d'engagement (AE) comme en crédits de paiement (CP), elle est en recul de 3,55 %. Sont en baisse la subvention à l'Agence nationale des fréquences (ANFR), de 1,59 %, mais surtout les dépenses de transfert de l'État à La Poste. En application du protocole d'accord entre l'État, la presse et La Poste, la compensation de la mission de transport de la presse est ainsi en recul de 4,4 %, ce qui interroge lorsque l'on connaît les difficultés du secteur de la presse écrite. Les autres dépenses de cette action sont globalement stables, mais portent sur des enveloppes limitées ;

- l'action 13 est consacrée à la « régulation des communications électroniques et des postes ». Elle contient les dotations publiques à l'autorité de régulation du secteur, l'ARCEP, qui sont en hausse de 1 % environ, après, il est vrai, une baisse de 5,5 % l'année passée.

J'en viens maintenant aux différents points d'actualité sur le secteur.

S'agissant d'abord de La Poste, je rappellerai d'abord que l'augmentation de capital du groupe, à hauteur de 2,7 milliards d'euros, doit être prise en charge pour 1,2 milliard par l'État et 1,5 milliard par la CDC. 1,05 milliard a été versé en avril dernier, la même somme devrait l'être en 2012 et 0,6 milliard en 2013. Nous attendons toutefois d'en avoir la confirmation.

Mais venons-en aux difficultés de financement des quatre missions de service public de La Poste :

- le service universel, en premier lieu, était précédemment financé en partie par le « secteur réservé », c'est-à-dire le monopole résiduel sur les plis de moins de 50 grammes dont bénéficiait La Poste. Or, ce monopole a été supprimé au 1er janvier de cette année. La loi du 9 février 2010 sur le changement de statut de La Poste prévoit la création d'un fonds de compensation qui serait alimenté par les opérateurs. Il n'est pas encore créé mais j'en conteste le principe. En effet, celui en place pour la téléphonie fixe n'est pas efficace. Un transfert de l'État, qui n'est a priori pas interdit par le droit européen, aurait été plus juste et opérationnel ;

- deuxième mission : le transport et la distribution de la presse, déjà abordée ;

- troisième mission : l'accessibilité bancaire. Le surcoût qu'elle représente pour La Poste est compensé par une « rémunération complémentaire » de l'État. Or, il est prévu qu'elle décroisse sur la période 2009-2014, et ce alors que nos concitoyens sont de plus en plus nombreux à rencontrer des difficultés financières ;

- enfin, la mission de présence territoriale. Elle est financée par un fonds de péréquation alimenté par l'allègement de fiscalité locale dont bénéficie La Poste. Certes, son montant annuel sera plus élevé entre 2011 et 2013 qu'auparavant, puisqu'il passe de 135 à 170 millions d'euros par an durant cette période. Cependant, l'État est absent d'un tel financement, qu'il fait reposer sur La Poste et les collectivités territoriales. De plus, le bouclage financier du dispositif n'est pas assuré, comme l'a relevé la Cour des Comptes.

Je ne peux parler de La Poste sans évoquer Dexia. Le groupe va être divisé en trois ensembles, dont l'un sera spécifiquement chargé du financement des collectivités. La Banque postale prendra 5 % de Dexia Municipal Agency (DMA), gérant les financements déjà accordés aux collectivités, et 65 % de la nouvelle banque des collectivités, qui en accordera de nouveaux. On peut dès lors se demander s'il n'y a pas un risque de contamination de La Banque postale par Dexia, mais également un risque d'assèchement du crédit pour les collectivités ...

S'agissant à présent de la téléphonie mobile, évoquons d'abord la 4G. Cette nouvelle génération de réseau mobile, bien plus performante, va utiliser la bande de fréquences des 2,6 GHz, ainsi que celle des 800 MHz, issue du « dividende numérique ». L'État a mis aux enchères cette année la bande des 2,6 GHz, ce qui lui a rapporté 936 millions d'euros pour quatre licences accordées sans surprise à Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free. L'année prochaine seront attribuées les licences pour l'autre bande, celle des 800 MHz, qui est capitale pour la desserte des zones rurales. S'agissant justement de couverture territoriale, je m'interroge sur l'efficacité des prescriptions imposées aux opérateurs, qui disposeront de délais de respectivement 15 et 12 ans pour atteindre les objectifs de couverture qui leur sont fixés !

Ces interrogations s'étendent aux réseaux 2G et 3G : au-delà de taux de couverture communiqués par les opérateurs, la réalité de la desserte est bien moins flatteuse, notamment dans les « zones blanches », où une commune est considérée comme couverte dès lors que son bourg-centre l'est. Il faut donc s'accorder sur des critères de couverture cohérents en « zones blanches », et traiter les « zones grises ». Les rapports de nos collègues Bruno Sido et Hervé Maurey ont déjà largement mis en évidence ces enjeux.

J'en viens à présent à l'internet fixe :

- sous l'angle d'abord du haut débit. Là encore, les taux de couverture annoncés -98 % d'accès à l'ADSL - sont biaisés. Ils tombent en effet à 77 % à 2 Mbit/s, et moins de 50 % à 8 Mbit/s, seuil permettant de bénéficier du triple play. Des moyens de connexion alternatifs existent, mais ils sont moins performants ou plus chers. D'où l'idée, que j'ai déjà évoquée, d'un service public du haut débit à un niveau suffisamment élevé de débit, supérieur en tout cas aux 512 Kbit/s du plan « France numérique 2012 ».

Pour finir, je souhaite évoquer le plan national très haut débit (PNTHD). Afin d'atteindre les objectifs fixés par le Président de la République - 100 % de la population desservie en 2025 - 2 milliards d'euros lui ont été alloués au titre des « investissements d'avenir », et un fonds d'aménagement numérique du territoire (FANT) a été créé dans la loi du 17 décembre 2009 relative à la lutte contre la fracture numérique pour prendre le relais. Or, ce dispositif connaît plusieurs limites, bien mises en avant par notre collègue Hervé Maurey, dans son rapport d'ailleurs approuvé à l'unanimité par notre commission :

- les opérateurs privés peuvent déployer partout et ne sont en rien tenus par leurs engagements, alors que les collectivités locales ne peuvent intervenir qu'en zones peu peuplées et ne peuvent donc mettre en place un dispositif de péréquation avec des zones plus denses ;

- le financement n'est pas assuré : les collectivités ne bénéficient que de 900 millions d'euros pour un besoin de financement global estimé à 25 milliards d'euros, tandis que le FANT n'est toujours pas alimenté.

Pour conclure de façon plus globale, Monsieur le Président, mes chers collègues, je m'interroge sur la pertinence du maintien de niches fiscales en période de crise. Il me semble qu'il faudrait supprimer celles étant inefficaces ou injustes, et conserver celles soutenant les services essentiels apportés à la population. Or, le présent projet de budget n'est pas orienté en ce sens, ce qui me conduit à vous proposer d'émettre un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Économie ».

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