Intervention de Roland Ries

Commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire — Réunion du 16 novembre 2011 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2012 — Mission écologie développement et aménagement durables budget annexe et comptes spéciaux - examen du rapport pour avis

Photo de Roland RiesRoland Ries, rapporteur pour avis :

Je déplore que l'action 1 « Développement des infrastructures routières » englobe indifféremment les crédits liés au développement du réseau et ceux dédiés à sa modernisation, car il est impossible de savoir quels projets profiteront de l'augmentation de 60 % des autorisations d'engagement de cette action.

Sans nier la nécessité d'investir fortement dans la modernisation et l'entretien de notre réseau routier, je suis beaucoup plus réservé quant à la construction d'infrastructures nouvelles, qui pèseront sur les choix de nos concitoyens.

J'interrogerai en séance publique Mme la ministre pour savoir si le gouvernement a effectivement dégagé les crédits pour établir les cahiers des charges des 11 projets de désenclavement routier défendus à l'unanimité le 8 juin dernier par notre groupe de travail sur le SNIT.

Troisième recommandation : assurer des ressources pérennes à l'AFITF, afin que l'État poursuive son effort en faveur des grands projets d'infrastructures de transport.

A court terme, le budget de l'agence baisse de 236 millions dans le projet initial, pour atteindre seulement 1,998 milliard en 2012. Mais le gouvernement a accentué la pression à l'Assemblée nationale. Les recettes issues de la taxe d'aménagement du territoire ont été plafonnées par le plan de rigueur du 24 août dernier. La subvention d'équilibre sera réduite de 53 millions d'euros. Les ressources de l'agence fondent donc de plus de 280 millions d'euros l'an prochain sans prendre en compte le second coup de rabot !

A moyen terme, en 2013, l'agence bénéficiera de la taxe poids lourds. Pour l'heure, elle pâtit cruellement du retard de sa mise en place. La rédaction du cahier des charges a été très longue, ce qui est inévitable pour un contrat de partenariat complexe. Le dossier a été ralenti de plus de quatre mois en début d'année par des procédures contentieuses. Chaque année de retard se traduit par une subvention d'équilibre d'un milliard d'euros et chaque mois perdu creuse un peu plus la dette de l'État. Ce qui est perdu l'est irrémédiablement et ne sera pas récupéré quand la taxe sera enfin créée.

A long terme, le budget annuel de l'agence devrait avoisiner 3 milliards d'euros sur trente ans, car l'État stricto sensu envisage d'apporter 87 milliards d'euros sur les 270 milliards d'euros du SNIT. Il manquera donc un milliard d'euros à l'agence chaque année, même lorsque la taxe sera créée. Il faudra réfléchir à de nouvelles ressources, comme le relèvement de la redevance domaniale payée par les sociétés d'autoroutes ou le recours aux obligations du futur fonds européen pour l'interconnexion.

Quatrième recommandation : l'État doit poursuivre ses efforts en faveur des transports collectifs en site propre (tramways, bus à haut niveau de service). Certes, le Gouvernement a lancé deux appels à projets en 2008 et 2010. Je souhaite que le ministère étudie la possibilité de lancer un troisième appel à projets. Nous avons identifié au groupement des autorités responsables des transports (GART) une quarantaine de projets de villes moyennes qui désirent se libérer des contraintes de la circulation automobile, mais aussi de grandes métropoles comme Lyon, Lille ou Toulouse.

Je mets en garde contre le relèvement de la TVA de 5,5 % à 7 % pour les transports en commun, qui pèsera sur nos concitoyens à hauteur de 50 millions d'euros pour 2012, voire 83 millions d'euros si l'on intègre le transport express régional (TER), ce qui revient à transférer l'endettement de l'État aux collectivités territoriales. Le GART va évoquer ce sujet devant le Premier ministre.

Enfin, je voulais vous présenter initialement deux amendements, mais le premier a été adopté cette nuit par l'Assemblée nationale. Il permet aux petites communes touristiques de moins de 10 000 habitants de créer un versement transport, fixé à un taux maximum de 0,55 %.

Je vous présenterai donc seulement un amendement pour donner aux régions la possibilité d'instaurer un versement transport spécifique pour financer le transport régional, c'est-à-dire essentiellement le TER. Un amendement en ce sens a été rejeté à l'Assemblée hier soir, qui créait à la fois un versement transport « additionnel » concernant le périmètre de transport urbain (PTU), correspondant à l'agglomération, et un versement transport interstitiel, pour le reste du territoire, avec un taux de 0,2 % pour le premier et de 0,3 % pour le second. L'amendement que je vous propose aujourd'hui ne porte que sur la zone interstitielle, pour ne pas ponctionner les agglomérations qui ont le plus grand besoin de ce versement. Je comprends l'objectif des présidents de régions qui souhaitent y accéder en tant qu'autorités organisatrices de transports urbains, mais la position du GART ne va pas dans ce sens, et celle du maire de Strasbourg encore moins !

Le compte d'affectation spéciale « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs » a été créé l'an dernier pour assurer la pérennité des trains d'équilibre du territoire, comme les trains Corail, Téos et Luné, qui sont très souvent déficitaires. Les recettes issues de ces trains ne couvrent que 80 % des coûts de fonctionnement de ces lignes. C'est beaucoup si on compare ces lignes avec les TER, où les usagers ne paient que 20 % à 30 % des coûts de fonctionnement, mais c'est insuffisant pour atteindre l'équilibre. C'est pourquoi l'État verse une subvention à la SNCF - dont l'objectif stratégique est d'équilibrer chacun de ses pôles d'activités - de 280 millions d'euros en 2012, soit 30 % de plus que l'an dernier. Cette hausse s'explique par la décision de l'autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF) d'imposer à RFF le doublement du niveau des péages acquittés par les trains d'équilibre du territoire.

Je recommande de rééquilibrer les sources de financement. Aujourd'hui, seulement 30 millions d'euros viennent de la taxe d'aménagement du territoire, payée par les sociétés autoroutières, le reste étant financé par les entreprises ferroviaires, donc la SNCF, à travers deux taxes spécifiques. Je souhaite que la route finance de plus en plus le rail à l'avenir, sans que les sociétés d'autoroutes répercutent ces coûts sur les usagers.

Je recommande aussi que l'État joue pleinement son rôle d'autorité organisatrice de transport en imposant à la SNCF des objectifs ambitieux de qualité de service, pour les trains d'équilibre du territoire, car nos concitoyens expriment des attentes fortes et supportent difficilement les retards à répétition.

J'en viens au compte de concours financier « Avances au fonds d'aides à l'acquisition des véhicules propres », plus connu sous le nom de bonus-malus automobile. Le projet de budget fait apparaître un nouveau déséquilibre, avec un déficit de 112 millions d'euros.

Ce déficit est structurel depuis sa création en 2008, alors que les recettes du malus étaient censées couvrir les dépenses du bonus et du super-bonus. Il n'en a rien été : pour la seule année 2010, le déficit s'est élevé à plus de 800 millions d'euros.

Les députés ont souhaité mettre un terme à cette dérive. Un amendement de la commission des finances a supprimé l'existence même du compte pour ramener le dispositif du bonus-malus dans le budget général, dont les normes de dépenses sont plus strictes. Le Gouvernement a ensuite fait adopter un amendement pour instaurer un compte d'affectation spéciale, qui ne peut être voté qu'à l'équilibre selon la LOLF.

Le Gouvernement prend donc l'engagement d'atteindre l'équilibre dès 2012. Il a déjà pris des mesures dans le budget 2012 pour renforcer le malus, car la modification de la taxe additionnelle sur les vignettes dépend du pouvoir législatif (78 millions d'euros de nouvelles recettes sont attendues). La modification du bonus, dépendant du pouvoir réglementaire, devrait permettre 34 millions d'économies. Je suis satisfait par cette évolution : il n'y a pas de raison que la réduction de la pollution des véhicules neufs se fasse au détriment de nos finances publiques.

Enfin, la modification, par l'article 50, de la taxe hydraulique, dont bénéficie Voies navigables de France (VNF), vise à lutter contre les installations illégales et les rejets d'eau provoquant des sédimentations, qui gênent la navigation fluviale. Cette mesure technique est utile, même si sa portée est limitée et son impact financier difficile à évaluer.

En conclusion, je vous propose de donner un avis défavorable à l'adoption des crédits du programme 203 « Infrastructures et services de transports » et du compte d'affectation spéciale « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs ».

Sur le compte de concours financier « Avances au fonds d'aides à l'acquisition des véhicules propres » et sur l'article 50 rattaché à la mission, à titre personnel, je m'abstiendrai.

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