Intervention de Roland Courteau

Commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire — Réunion du 16 novembre 2011 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2012 — Mission écologie développement et aménagement durables budget annexe et comptes spéciaux - examen du rapport pour avis

Photo de Roland CourteauRoland Courteau, rapporteur pour avis sur les crédits du programme « Energie, climat et après-mines » :

Avec 693 millions d'euros d'autorisations d'engagement en 2012, en baisse de 6,5 %, ce programme, qui reste modeste au sein de la mission, bénéficie cependant d'importante dépenses fiscales rattachées, au premier rang desquelles le crédit d'impôt développement durable (CIDD). Les priorités affichées me seront l'occasion de faire le point sur l'avancement du Grenelle de l'environnement relativement aux questions énergétiques.

Près de 95 % des crédits sont affectés à la gestion de l'« après-mines » - garantie des droits des mineurs et soutien à la réindustrialisation des anciens bassins miniers. Si leur diminution peut être en partie imputée à des causes structurelles - la population concernée se réduisant peu à peu, nos collègues rapporteurs spéciaux de la commission des Finances n'en font pas moins observer que la baisse des crédits est telle qu'elle pourrait compromettre le versement de dépenses obligatoires.

Les autres actions concernent divers aspects de la politique énergétique, parmi lesquels la dotation à l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA) ainsi que la lutte contre le changement climatique, soit notamment les actions relatives à la préservation de la qualité de l'air.

Au-delà, il convient de porter attention aux dépenses fiscales, de l'ordre de 2, 300 milliards d'euros, principalement consacrées au CIDD, dont le montant pouvait atteindre 50 % à l'origine, pour des dépenses d'équipement telles que l'isolation thermique, l'installation d'une chaudière à condensation, d'une pompe à chaleur ou de panneaux photovoltaïques, ou encore pour la réalisation d'un diagnostic de performance énergétique.

L'évolution que le gouvernement se propose d'engager en 2012, si elle repose sur une intention louable, se traduit dans les faits par une diminution considérable de moyens. L'article 43 du projet de loi de finances recentre en effet le dispositif sur les rénovations importantes, qui apportent de meilleurs résultats en termes d'efficacité énergétique. Son taux est bonifié en cas de réalisation de plusieurs travaux et il pourra désormais être cumulé avec l'éco-prêt à taux zéro, sous condition de ressources. Le dispositif, enfin, est étendu aux chaudières à micro-génération gaz.

Au total, les sommes consacrées au CIDD diminuent considérablement : 1,400 milliards d'euros en 2012, contre 2,625 en 2010.

Du bilan des réductions progressives de taux du CIDD au cours des années récentes pour chaque type de dispositif, que j'ai réalisé, il en ressort que, d'année en année, le CIDD se réduit comme peau de chagrin. Et le Premier ministre a encore annoncé une diminution de 20 % de son taux dans le cadre du nouveau plan de rigueur, entérinée hier par l'Assemblée nationale.

Sous prétexte de favoriser les rénovations importantes, on procède à une baisse de régime. Même s'il faut approuver le rétablissement du cumul entre le CIDD et l'éco-prêt à taux zéro, je crains que les ménages à faibles revenus n'aient qu'un accès limité au dispositif, car ils n'auront pas nécessairement, en période de crise économique, les moyens de mener des travaux importants dans leur logement. Et si les professionnels sont prêts à accepter des diminutions progressives de périmètre, encore faudrait-il introduire de la visibilité, pour leur permettre de planifier leurs investissements.

La baisse du CIDD risque donc de porter atteinte aux objectifs d'efficacité énergétique, qui reposent pour beaucoup sur la rénovation des bâtiments comme l'ont montré nos débats de la semaine dernière sur la proposition de résolution européenne dédiée à cette question.

Sans une inflexion des politiques aujourd'hui menées, c'est l'ensemble des objectifs du Grenelle qui pourraient bien être remis en cause. Atteindra-t-on ainsi, à poursuivre sur cette voie, l'objectif d'intégration de 23 % d'énergies renouvelables dans la consommation d'énergie en 2020 ? Il est permis d'en douter.

Si la production de biocarburants s'est beaucoup développée depuis 2006, passant de 680 à 2 708 kilo-tonnes-équivalent pétrole (ktep), celle des biocarburants de première génération risque de ralentir à l'avenir, notamment parce qu'il est indispensable de réserver les terres agricoles en priorité pour les usages alimentaires. Il faut donc mettre l'accent sur la recherche en faveur des biocarburants de deuxième et troisième génération afin qu'ils puissent prendre un jour le relais.

De même, si l'électricité d'origine renouvelable progresse rapidement, on reste loin du saut quantitatif dont nous aurions besoin. L'hydraulique n'offrant que peu de marges de progression, c'est l'éolien qui devra fournir, d'ici à 2020, la majorité des capacités nouvelles d'électricité d'origine renouvelable. Or nous n'avançons qu'à un rythme de 1 000 mégawatts par an, quand il faudrait 1 400 mégawatts pour parvenir à une puissance installée de 19 000 mégawatts en 2020. Il risque ainsi de nous manquer alors 7 000 mégawatts.

Je note également que la réglementation se fait toujours plus lourde pour les porteurs de projets. C'est ainsi que la limitation du tarif d'achat aux parcs d'au moins cinq éoliennes bloquerait 10 % des projets en France, tandis que la procédure ICPE (installation classée pour la protection de l'environnement) s'ajoute à celle du permis de construire.

S'agissant de l'éolien en mer, il faut espérer que les appels d'offre, qui porteront sur une puissance théorique de 6 000 MW, permettront effectivement non seulement de remplir les objectifs du Grenelle, mais aussi de favoriser la création d'une véritable filière d'éoliennes en France. Il faut être optimiste, car la France dispose d'acteurs industriels et de technologies qui peuvent lui permettre de rattraper son retard, à condition toutefois que les appels d'offres portent leurs fruits le plus rapidement possible.

Il est difficile, malheureusement, d'être optimiste pour le secteur photovoltaïque. Tout au long de l'année 2011 ce secteur a fait la une de l'actualité, jusqu'à la mise en redressement judiciaire de l'acteur historique Photowatt le 8 novembre dernier. Que va devenir l'organisation PV Alliance, qui tente de développer de nouvelles technologies à haut rendement et dont Photowatt détient 40 % ?

Le nouveau cadre réglementaire, mis en place en mars 2011, a conduit à une baisse rapide des tarifs d'achat : les professionnels ne remettent pas en cause la pertinence des baisses de tarifs mais leur ampleur et surtout leur instabilité. De plus, le cadre réglementaire tend à restreindre les possibilités de croissance du secteur en considérant les objectifs du Grenelle comme un plafond. Je crois au contraire qu'il faudrait laisser se développer un secteur qui, contrairement à l'éolien, a la capacité de dépasser ses objectifs et bénéficie d'une acceptabilité sociale beaucoup plus grande.

Le régime de la production d'électricité à partir de biomasse doit également faire l'objet de toute notre attention. Le tarif d'achat et les appels d'offres favorisent les centrales de plus de 5 MW. Cela ne correspond pas à la nécessité de développer cette filière au plus près des territoires avec des petites unités permettant le développement local. Il serait souhaitable qu'un tarif d'achat aide les petites unités.

Après les biocarburants et l'électricité d'origine renouvelable, je voudrais parler de la production de chaleur, qui représente plus de la moitié des objectifs du Grenelle en matière de développement des énergies renouvelables.

L'objectif de production de chaleur d'origine renouvelable est de 19 700 kilotonnes équivalant pétrole (ktep) en 2020. Or nous n'en sommes qu'à 12 000 ktep environ.

Le fonds chaleur renouvelable a soutenu plus de 1 000 installations au cours de ses deux premières années d'existence, en 2009 et 2010. Son efficacité est reconnue et il permet d'obtenir une réduction des émissions de gaz à effet de serre pour un coût limité en termes de subventions publiques.

Les sommes qui lui sont consacrées ont augmenté de 169 millions d'euros en 2009 à 257 millions d'euros en 2010. Elles devaient, selon les intentions affichées lors du Grenelle, passer à 500 millions d'euros en 2012 et 800 millions d'euros en 2020, mais Mme Nathalie Kosciusko-Morizet a reconnu elle-même, lors de son audition devant notre commission le 8 novembre dernier, que le fonds chaleur ne peut plus espérer, dans le contexte budgétaire actuel, qu'un maintien des financements actuels et non une augmentation.

J'en déduis que les objectifs seront là encore difficiles à atteindre, d'autant que le projet annuel de performances fait observer que les projets les plus rentables ont probablement été financés en premier.

En conclusion, je regrette que les avancées du Grenelle ne se traduisent que partiellement dans les faits alors que la promotion des énergies renouvelables devrait être, avec l'efficacité énergétique, la sécurité d'approvisionnement et la lutte contre la précarité énergétique, l'une des priorités de la politique énergétique. C'est pourquoi je propose à la commission d'émettre un avis défavorable concernant les crédits du programme 174.

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