Faisant suite au rapport d'information sur les sondages qui a été présenté devant la commission, nous examinons aujourd'hui la proposition de loi de M. Portelli sur le même sujet : elle reprend exactement l'ensemble des points soulevés dans le rapport. L'objectif est de réviser la loi de 1977 sur les sondages car, malgré ses avancées, elle est aujourd'hui dépassée et pose désormais certains problèmes d'application.
L'article 1er propose une définition des sondages, ce que ne faisait pas la loi de 1977. Nous avons procédé à quelques auditions supplémentaires et je vous proposerai d'en préciser encore la définition afin que la loi s'applique à tous les sondages politiques, car ils ont pris une place très importante dans le débat politique. Pas un débat sans que l'un des participants ne sorte de sa manche un sondage ! Comme ils sont devenus omniprésents, il faut que leur fabrication et leur publication soient totalement transparentes. Nos concitoyens doivent savoir qui a commandé et qui a financé le sondage, au moment même où il est publié.
L'article 2 demande que les questions posées, le nombre de personnes interrogées, les noms du commanditaire et du financeur soient publiés en même temps que le sondage. Nous avions pensé qu'un résumé des questions suffirait. A la réflexion, nous préférons que l'intégralité des questions figure sur le site Internet de l'organe d'information qui a publié ou diffusé le sondage.
L'article 3 traite des éléments remis à la commission des sondages 24 heures avant la publication du sondage. Cette nouveauté a suscité quelques réactions : nous proposons que ces éléments soient mis en ligne par la commission des sondages afin que chacun puisse y avoir accès. La totalité des questions doit être publiée dans l'ordre dans lequel elles ont été posées. On s'est en effet aperçu que l'ordre des questions avait une influence sur les réponses. Le taux de non-réponses aux questions, mais aussi au sondage, devra également figurer. Nous demandons aussi que le taux de marge d'erreur soit publié en même temps que le sondage. Certains journaux, comme le Figaro, le font déjà, ce qui prend exactement deux-tiers de ligne. Quand un candidat arrive à 51% d'intentions de vote et l'autre à 49%, on est tenté de penser que le premier va l'emporter sur le second. Et pourtant, si 900 personnes ont été interrogées, la marge d'erreur est de plus ou moins 3 points. Avec 500 personnes, on passe à une marge de plus ou moins 4 points !
Nous avons souhaité aussi que les critères précis de redressement soient publiés, ce qui a donné lieu à quelques débats. Il y va de la transparence et de la vérité. Lorsqu'une enquête donne 5 ou 6 % d'intentions de vote à tel ou tel candidat et que vous estimez qu'il fera 14 ou 15% des voix, la correction est inévitable et, même si elle est justifiée, il serait très intéressant de savoir comment les instituts de sondages procèdent. Si, par exemple, il y a eu quatre séries de sondages et qu'un tiers seulement des personnes votant effectivement pour le FN l'ont déclaré, il est légitime de rectifier le cinquième sondage. Il sera d'ailleurs intéressant de voir comment la déclaration des votants Front national va évoluer avec la nouvelle présidente de ce mouvement ... Quoi qu'il en soit, il est important que nous sachions comment sont effectués les redressements.
Avec M. Portelli, nous avons procédé à une audition très intéressante qui a regroupé tous les sondeurs, à l'exception d'un seul. Les réactions à nos propositions ont été diverses. Alors que, dans un premier temps, nombre d'entre eux protestaient lorsqu'on demandait la publication des marges d'erreur, arguant qu'avec la méthode des quotas, il n'était pas possible de présenter une marge d'erreur, plus personne n'en a parlé lors de cette audition. D'ailleurs, les mathématiciens que nous avons rencontrés nous ont dit que l'on pouvait toujours définir une marge d'erreur, que ce soit dans le cadre de la méthode aléatoire ou dans celui des quotas.
Nous avons eu des réactions sur les méthodes de redressement mais nous avons décidé, avec M. Portelli, de maintenir notre position. Certains sondeurs ont estimé qu'il s'agissait d'un secret de fabrication, comparable aux recettes des grands cuisiniers, qui ne les divulguent pas. Certes, mais les chefs ne prétendent pas faire de la science, alors que c'est bien ce que font les sondeurs : de la science sociale, humaine ! Et ils ont d'ailleurs raison de dire cela, car, si les sondages ne s'appuyaient pas sur des données scientifiques, il ne servirait à rien d'en publier. Les sondeurs ont donc tout intérêt à expliciter leurs méthodes et les résultats auxquels ils parviennent.
Enfin, nous proposons que les personnes interrogées ne touchent pas de gratification, ce qui a troublé certains instituts. Mais répondre à un sondage politique doit être une démarche républicaine. En outre, le fait que les personnes de l'échantillon soient rémunérées peut influer sur leurs réponses.
J'en arrive à la commission des sondages pour laquelle nous proposons une nouvelle composition : deux magistrats nommés par la Cour des comptes, deux par le Conseil d'État et deux par la Cour de cassation.