Intervention de Philippe de Ladoucette

Commission des affaires économiques — Réunion du 11 juillet 2007 : 1ère réunion
Énergie — Audition de M. Philippe de laDoucette président de la commission de régulation de l'énergie cre

Philippe de Ladoucette, président de la CRE :

a tout d'abord rappelé que la CRE, autorité administrative indépendante qui dispose d'un effectif de 125 personnes réparties en cinq directions, se composait, depuis la promulgation de la loi du 7 décembre 2006 relative au secteur de l'énergie, d'un collège de neuf commissaires.

Depuis l'entrée en vigueur de cette loi, qui a également élargi ses compétences, la CRE est chargée de surveiller les marchés de gros de l'énergie, ainsi que les mécanismes de formation des prix. Ces nouvelles missions, qui seront effectives à l'automne 2007, permettront à la commission de détecter tout comportement anormal des acteurs de ces marchés, et la conduiront, en cas de constatation d'une anomalie, à saisir le Conseil de la concurrence. La loi du 7 décembre 2006 a par ailleurs étendu au secteur du gaz la plupart des pouvoirs dont disposait la CRE dans le secteur de l'électricité, à l'instar de l'approbation du programme d'investissement des gestionnaires de réseaux de transport (GRT).

Il a relevé qu'au cours de l'année écoulée, la CRE avait consacré une large part de ses activités aux réseaux. A ce titre, la CRE participe aux groupes de travail européens qui concernent les droits et la protection des consommateurs, l'élaboration d'un code de bonne conduite pour les nouveaux terminaux méthaniers ou la sécurité d'approvisionnement en électricité. Il a expliqué qu'en sa qualité de président de la CRE, il faisait parti du Conseil européen des régulateurs énergétiques et du groupe européen des régulateurs pour l'électricité et le gaz.

Soulignant que le bon fonctionnement des réseaux de transport et de distribution d'électricité et de gaz conditionnait aussi bien le plein exercice de la concurrence que la sécurité d'approvisionnement, M. Philippe de Ladoucette a précisé que le caractère de monopole naturel de ces réseaux justifiait leur régulation. Pour que les conditions d'accès à ces réseaux n'entravent pas le développement de la concurrence, la CRE s'attache à garantir un accès non discriminatoire, transparent et disponible au juste prix pour tous les utilisateurs et à mettre en place les conditions favorables au développement de ces infrastructures. Pour remplir cette mission la Commission s'appuie principalement sur trois outils :

- l'approbation des programmes d'investissements des GRT. L'approbation des programmes de Réseau de transport d'électricité (RTE) tient ainsi compte des besoins annoncés de développement et de renouvellement, évalués à 10 milliards d'euros d'ici 2020. La CRE veille à ce que ces programmes soient accompagnés d'engagements portant sur la sûreté du système électrique, la qualité de la fourniture, le raccordement des nouveaux clients et la résorption des congestions sur le réseau. Pour les réseaux de transport de gaz, les modalités d'approbation sont en cours d'élaboration et devraient être opérationnelles en 2008 ;

- la fixation des tarifs d'utilisation des réseaux, dont le niveau doit garantir l'autonomie des gestionnaires de réseaux en leur offrant les ressources nécessaires aux investissements ;

- et enfin la bonification des taux accordés à certains investissements dans le domaine du gaz. Cette mission s'inscrit dans un contexte particulier puisque, la France important 98 % de sa consommation de gaz, le développement des points d'entrée du gaz est indispensable pour faciliter l'arrivée de nouveaux entrants sur le marché français. La position géographique privilégiée de la France permettant de mettre en concurrence le gaz russe, algérien, de la mer du Nord et le gaz naturel liquéfié (GNL), l'objectif de cette mission est d'inciter les opérateurs à investir pour diversifier les sources d'approvisionnement gazier et favoriser la concurrence.

Tout en estimant que le bon fonctionnement de ces réseaux était un facteur de sécurité d'approvisionnement, constat mis en évidence par la mission commune d'information sur la sécurité d'approvisionnement en électricité, M. Philippe de Ladoucette a précisé que la CRE accordait une attention particulière aux investissements consacrés par RTE aux interconnexions électriques. Sans nier les difficultés inhérentes aux contraintes administratives et aux exigences environnementales des populations, il a considéré que le volume de ces investissements était insuffisant. Il a néanmoins reconnu l'impact positif des évolutions, introduites au début de l'année 2006, des mécanismes de gestion des congestions aux frontières avec la suppression des droits d'accès prioritaires aux interconnexions dont bénéficiaient les contrats historiques et la généralisation des mécanismes d'enchère explicite à toutes les interconnexions françaises, à l'exception de celles avec la Suisse. Il a ensuite noté que l'existence du mécanisme d'ajustement, qui se superpose au dispositif précédent, permettait d'assurer un équilibre instantané entre production et consommation, de résorber les congestions et d'émettre des signaux de prix guidant les investissements dans de nouveaux moyens de production pour répondre aux pointes de consommation.

Puis, relevant que la panne européenne d'électricité du 4 novembre 2006 résultait d'une mauvaise application des règles de sécurité par un des gestionnaires du réseau de transport allemand et d'une insuffisante coopération entre les GRT européens, il a déclaré que les régulateurs européens préconisaient l'établissement, sous leur contrôle, de règles juridiquement contraignantes pour la conduite de ces réseaux. Il a, sur ce sujet, évoqué l'indépendance des GRT, qui fait l'objet de réflexions de la Commission européenne pour la préparation du nouveau paquet législatif énergétique. Après avoir souligné que l'indépendance des GRT par rapport aux entreprises chargées de la production était un principe essentiel des marchés concurrentiels, il a relevé que la CRE avait pour tâche de contrôler le respect par ces derniers de leurs obligations en matière de non discrimination et de transparence. Dans le cadre de son deuxième rapport annuel sur l'indépendance des gestionnaires de réseaux, la CRE a considéré que la situation française était globalement satisfaisante, ce qui a permis de défendre auprès de la Commission européenne le modèle français et de s'opposer aux projets de séparation patrimoniale.

a ensuite abordé les enjeux tenant à l'intégration des marchés européens de l'énergie. Evoquant la participation de la CRE à quatre initiatives régionales dans le domaine de l'électricité, il a indiqué qu'elle avait contribué, avec les régulateurs allemand, belge, luxembourgeois et néerlandais, à l'élaboration d'un plan d'action en vue d'accélérer cette intégration régionale et de promouvoir le couplage des marchés. Le couplage permet en effet d'utiliser de manière plus efficace la capacité quotidienne des interconnexions entre plusieurs réseaux nationaux, mais aussi de favoriser la convergence des prix de marché entre les différentes zones concernées. Le couplage des marchés de l'électricité belge, français et néerlandais, lancé en novembre 2006, est un exemple prometteur puisque, depuis sa mise en service, les prix horaires français et néerlandais ont été équivalents pendant 83 % des heures de fonctionnement des marchés, ce taux s'établissant à 60 % pour les prix français, belges et néerlandais. Il a enfin rappelé que le 6 juin dernier, les gouvernements concernés s'étaient mis d'accord pour étendre le couplage des marchés à l'Allemagne et au Luxembourg d'ici janvier 2009 et avaient évoqué la possibilité de lancer une initiative du même type pour le secteur du gaz.

S'agissant du gaz, il a souligné que la CRE participait à deux initiatives régionales ayant pour but de favoriser l'émergence de marchés régionaux, l'une dans la région nord-ouest, regroupant les Pays-Bas, le nord de la France, la Belgique, l'Irlande, la Grande-Bretagne, l'Allemagne, le Danemark, la Suède et l'Irlande du Nord, l'autre dans la région sud, regroupant l'Espagne, le sud de la France et le Portugal.

Au total, il a précisé que le principe de rencontres régulières entre la Commission européenne et les différents acteurs concernés avait été arrêté au cours d'une réunion tenue le 27 juin dernier à Bruxelles, au cours de laquelle avait été débattue la question de la nouvelle interconnexion France-Espagne pour laquelle un coordinateur, M. Mario Monti, pourrait être prochainement nommé.

Puis, M. Philippe de Ladoucette a dressé un bilan de l'ouverture à la concurrence des marchés énergétiques pour les consommateurs professionnels. Il a jugé que, bien que non négligeable, l'ouverture restait limitée dans la mesure où, au 1er avril 2007, 16,5 % des sites de consommation professionnels, soit 766 300 sites, avaient souscrit à une offre de marché pour l'électricité et que ce chiffre s'établissait à 17,1 %, soit 117 800 sites, pour le gaz naturel. Toutefois, le rythme de la croissance du nombre de sites faisant le choix de la concurrence dans le domaine de l'électricité s'est ralenti alors qu'il s'est accéléré pour le gaz naturel, évolution liée au fait que le niveau des tarifs réglementés du gaz est proche de celui des prix de marché. En électricité, il convient de distinguer, pour les consommateurs ayant fait le choix de la concurrence, la situation des « petits » sites de consommation professionnels, qui bénéficient pour la quasi-totalité de prix de marché inférieurs aux tarifs réglementés, de celle des « gros » consommateurs professionnels, pour qui la situation est inverse. Ainsi, au 1er juillet 2007, environ 2 500 sites, bénéficiant auparavant d'un tarif « vert » pour la plupart, avaient demandé à pouvoir bénéficier du tarif réglementé transitoire d'ajustement de marché (TaRTAM), créé par la loi du 7 décembre 2006.

Il a déclaré qu'au cours de l'année écoulée la CRE s'était attachée à préparer l'ouverture à la concurrence des marchés de l'électricité et du gaz naturel pour les consommateurs particuliers. Rappelant que la CRE menait, depuis 2005, des concertations au sein de groupes de travail regroupant des associations de consommateurs, les représentants des fournisseurs, des gestionnaires de réseau de distribution et de transport, ainsi que les pouvoirs publics, il a précisé que ces réflexions avaient notamment permis de définir des règles de fonctionnement des marchés libéralisés. Par ailleurs, pour faciliter l'accès du consommateur aux informations utiles, la CRE a lancé un site Internet, en liaison avec le médiateur national de l'énergie, M. Jean-Claude Lenoir, et les administrations concernées ainsi qu'un service d'information téléphonique qui reçoit de nombreuses demandes.

Après avoir noté que depuis le vote de la loi du 7 décembre 2006, les gestionnaires de réseaux de distribution (GRD) desservant plus de 100 000 clients sur le territoire métropolitain devaient être filialisés, M. Philippe de Ladoucette a insisté sur la nécessité de bien distinguer les activités de fourniture et de distribution afin d'éviter toute confusion chez le consommateur. Rappelant que cette filialisation aurait dû être effective au 1er juillet 2007, il a précisé que les personnels du service commun de gestion des réseaux à EDF et GDF, en contact direct avec la clientèle, devaient être neutres et impartiaux et apporter le même service à tous les fournisseurs et que la CRE serait particulièrement attentive à cette neutralité.

Par ailleurs, la CRE a souhaité s'assurer que les systèmes d'information des GRD étaient adaptés à l'ouverture totale du marché, des difficultés subsistant pour l'électricité mais les modifications de ces systèmes étant satisfaisantes pour le gaz. En outre, l'évolution du parc de compteurs d'électricité sera un élément de nature à faciliter la diversification des offres en électricité proposées aux consommateurs, même si une telle évolution ne se justifie que si elle apporte des améliorations substantielles aux consommateurs et aux GRD. Conformément aux directives et aux dispositions législatives, la CRE a engagé des réflexions sur les modalités de cette évolution qui concerne potentiellement 34 millions de sites raccordés aux réseaux de distribution d'électricité.

En conclusion, M. Philippe de Ladoucette a insisté sur le fait que l'ouverture à la concurrence conduisait à la réorganisation des activités de commercialisation mais ne remettait pas en cause la continuité du service public de l'électricité, rappelant que la CRE participait à la mise en oeuvre de ces missions, au travers de l'évaluation des charges de service public de l'électricité et de la participation à l'élaboration des tarifs de rachat de l'électricité produite à partir de sources de production bénéficiant de l'obligation d'achat.

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