Intervention de Jean-Pierre Duprat

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 27 mai 2008 : 1ère réunion
Constitution — Réforme des institutions de la ve république - Audition de M. Jean-Pierre duPrat professeur de droit public à l'université montesquieu-bordeaux iv

Jean-Pierre Duprat, professeur de droit public à l'université Montesquieu-Bordeaux IV :

a ensuite centré son propos sur les dispositions du projet de loi constitutionnelle relatives au Parlement, en distinguant celles relatives à l'identité de chacune des deux assemblées de celles relatives à leurs compétences.

Abordant le premier volet des dispositions proposées, il a jugé nécessaire de maintenir une distinction nette entre l'Assemblée nationale et le Sénat, en faisant valoir que les exemples de la Belgique et de l'Italie illustraient les difficultés susceptibles de naître lorsque les deux chambres qui composent le Parlement présentent de trop fortes similitudes sur le plan institutionnel et ont des majorités discordantes sur le plan politique.

S'agissant de l'Assemblée nationale, il s'est félicité de ce que l'article 10 du projet de loi constitutionnelle impose un redécoupage périodique des circonscriptions, accompagné d'un réexamen de la répartition des sièges qui leur sont attribués, et de la soumission des projets ou propositions ayant cet objet à l'avis public d'une commission indépendante, dont la loi fixerait les règles d'organisation et de fonctionnement.

S'agissant du Sénat, il a relevé que l'article 9 du projet de loi constitutionnelle, en prévoyant que celui-ci assure la représentation des collectivités territoriales « en tenant compte de leur population », était en retrait par rapport aux conclusions du comité présidé par M. Edouard Balladur, aux termes desquelles cette représentation devait être assurée « en fonction de leur population ».

Il a jugé prématurées les dispositions de la proposition de loi socialiste relative aux conditions de l'élection des sénateurs prévoyant la création d'un collège des délégués des régions et d'un collège des délégués des départements, en sus du collège des délégués des communes, au motif que l'organisation territoriale de la République était en passe d'être restructurée.

Estimant que l'héritage de la IIIe République devait être pris en considération, il a relevé que la proposition de loi, en augmentant sensiblement le nombre des délégués des grandes villes, prenait l'exact contre-pied du souhait de Léon Gambetta, attaché au fédéralisme municipal, que chaque commune fût représentée par un délégué. La question du nombre et du mode de désignation des délégués des communes lui a toutefois semblé essentielle.

L'enjeu et la difficulté de la réforme du collège électoral sénatorial, a-t-il souligné, consistent à trouver un équilibre entre le principe de la représentation des collectivités territoriales et celui de l'égalité du suffrage, permettant d'éviter d'aligner la composition du Sénat sur celle de l'Assemblée nationale.

Il a estimé que l'institution de députés représentant les Français établis hors de France devrait conduire à prévoir que le Sénat n'assure plus que la représentation des collectivités territoriales.

Evoquant les dispositions du projet de loi constitutionnelle consacrées aux compétences du Parlement, M. Jean-Pierre Duprat a regretté que l'évaluation des politiques publiques, distincte de la mission traditionnelle de contrôle de l'action du gouvernement, ne fasse pas partie de ses nouvelles attributions. Il a appelé de ses voeux la création d'un office commun aux deux assemblées, auquel cette mission serait confiée, et qui serait un donneur d'ordres pour la Cour des comptes.

Il a également souhaité que la plus grande maîtrise de leur ordre du jour donnée aux assemblées ne les conduise pas à réduire la part de leur activité consacrée à leur mission de contrôle de l'action du gouvernement, dénonçant à cet égard les conséquences négatives de la révision constitutionnelle de 1995.

Il a souhaité que le Parlement, dans son ensemble, se préoccupe davantage, à l'instar du Sénat, de la qualité de la loi et procède régulièrement à une évaluation de la législation, la question étant posée de savoir si cette tâche devrait être menée conjointement avec l'évaluation des politiques publiques ou, au contraire, en être dissociée.

Evoquant la composition du collège électoral sénatorial, M. Jean-Jacques Hyest, président et rapporteur, a relevé une contradiction entre les dispositions de l'article 9 du projet de loi constitutionnelle, qui reprennent les termes exacts de la décision n° 2000-431 DC du 6 juillet 2000 du Conseil constitutionnel pour prévoir que le Sénat assure la représentation des collectivités territoriales « en tenant compte de leur population », et la rédaction de l'exposé des motifs du projet, selon laquelle leur objet serait de surmonter les contraintes résultant de cette décision.

A propos de la mission d'évaluation qui pourrait être confiée au Parlement, il a rappelé que la création, en 1996, d'un office parlementaire d'évaluation des politiques publiques et d'un office parlementaire d'évaluation de la législation n'avait pas été couronnée de succès, le premier ayant été finalement supprimé faute d'avoir réellement fonctionné, le second n'ayant à ce jour produit que trois rapports, respectivement consacrés à l'exercice de l'action civile par les associations, à la législation applicable en matière de prévention et de traitement des difficultés des entreprises et, plus récemment, aux autorités administratives indépendantes.

Ces expériences ayant montré que les offices bicaméraux pouvaient être difficiles à animer, il s'est demandé s'il ne serait pas préférable, comme aujourd'hui, de laisser aux commissions permanentes de chaque assemblée le soin de mener des travaux d'évaluation dans le cadre de groupes de travail ou de missions d'information, en faisant appel en tant que de besoin à des experts. L'apport du projet de loi constitutionnelle ne lui a donc pas semblé décisif sur ce point.

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