Abordant l'article 7 du projet relatif au droit de message présidentiel, le professeur Elisabeth Zoller a précisé la substance du message américain qui se décompose en deux clauses portant respectivement sur l'état de l'Union puis les recommandations. Pour la première, elle a rappelé que le président américain est tenu d'informer le Congrès (dans l'esprit de ses concepteurs, pour écarter le risque de dislocation de la Nation), selon une périodicité minimale annuelle (plusieurs présidents ayant recouru au message à un autre moment de l'année). Cette pratique, abandonnée par crainte de « dérive monarchique », avait été relancée par Woodrow Wilson, en 1913, et respectait, dans sa première partie, une règle de neutralité, par l'énoncé de seuls faits objectifs, réservant la seconde partie du message aux recommandations que le président estimait nécessaires et opportunes d'exposer. Cette seconde clause obéissait elle-même à deux principes : anti-monarchique, tout d'abord, (le juge Douglas avait défini, en 1952, le rôle du président comme un pouvoir de recommander, celui de légiférer revenant au Congrès ; par ailleurs, le président, pour les constituants, ne devait être qu'un conseiller du Congrès). Mme Elisabeth Zoller a indiqué que les recommandations ne revêtaient, en théorie, qu'un caractère exhortatif mais qu'elles avaient, en pratique, une portée considérable.
Elle a, ensuite, abordé le second principe, de réalité, en soulignant que la clause de recommandation avait modifié en profondeur la présidence américaine, et en relevant qu'aujourd'hui les membres du Congrès, eux-mêmes, admettaient que les projets de loi étaient rédigés par l'exécutif et transmis, de manière informelle, au Congrès : le président était, donc, devenu un législateur en chef. Toutefois, Mme Elisabeth Zoller a précisé que, s'il participait de façon prépondérante à la préparation des textes législatifs, le Congrès en était totalement maître lors de leur examen, ce qui générait des négociations incessantes entre les parlementaires et le président.
Revenant à la réforme soumise à l'examen du Parlement, elle a considéré que la modification du droit de message opérée par le projet, entrainait un profond changement institutionnel qu'elle a qualifié de changement de régime, par l'érection du président français en législateur en chef et chef de parti, et la disparition, de ce fait, de sa fonction d'arbitrage. Mme Elisabeth Zoller a noté, à cet égard, que le système américain échappait à ce dilemme, notamment par l'absence, au bénéfice du président, de fonction d'arbitrage et de droit de dissolution du Congrès.
Rappelant que le mérite attribué au quinquennat résidait dans la garantie supposée de concordance des mandats exécutif et législatif, Mme Elisabeth Zoller a affirmé que la modification de l'institution présidentielle ainsi proposée par le projet de révision sans diminuer ses pouvoirs actuels d'arbitrage et de direction du travail du Parlement, par gouvernement et Premier ministre interposés, basculerait le régime de la Ve République dans un système consulaire. Elle a confirmé ce retour, en l'état, à la Constitution de l'An VIII, en réponse à M. Pierre-Yves Collombat. Elle a ajouté, qu'à supposer son affirmation fausse, la cohabitation d'un président législateur en chef et d'une assemblée politiquement hostile conduirait à une crise de régime. Elle a conclu, sur ce point, à la probabilité que le droit de message « rénové » du président français produise les mêmes conséquences qu'aux Etats-Unis et donc appelé à la mise en place des poids et contrepoids du système américain, notamment pour encadrer le pouvoir de nomination du président afin d'éviter les excès partisans.
Abordant l'exception d'inconstitutionnalité, Mme Elisabeth Zoller a remarqué que le projet de révision intégrait le système américain au prix de deux aménagements, inexistants, sous cette forme, aux Etats-Unis : l'institution d'un filtre, tout d'abord, qui lui apparaissait indispensable sauf à noyer le système. Elle a rappelé la particularité du système américain : en cas de rejet d'une requête par la Cour suprême, l'affaire a déjà été jugée au fond une fois au moins, de sorte que le refus de la Cour signifie son accord avec la solution retenue par la juridiction inférieure ; une réponse a donc déjà été apportée au plaignant. En revanche, selon le projet soumis au Parlement, la question étant préjudicielle, le juge saisi au fond ne pourrait pas la trancher lui-même. La crainte de multiples mécontentements lui a paru probable, le plaideur s'estimant victime d'un déni de justice et d'un procès inéquitable.
a ensuite considéré que les effets assignés par le texte à la déclaration d'inconstitutionnalité, c'est-à-dire l'abrogation de la disposition litigieuse, créeraient une difficulté en imposant la solution du tout au rien (contrairement au système américain qui annule, en principe, la loi en cause, pour le cas d'espèce). Elle a estimé que, ce faisant, le projet plaçait très haut la barre d'inconstitutionnalité dans la mesure où le plaignant ne triompherait que s'il démontrait qu'il n'existait pas une seule circonstance dans laquelle la loi serait valable. Elle a, en conséquence, affirmé que la réforme proposée serait rapidement perçue comme un artifice juridique, voire un marché de dupes.