Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a tout d'abord procédé à l'examen du rapport de M. Jean-René Lecerf sur la proposition de loi n° 322 (2007-2008) présentée par M. Jean-Pierre Bel, Bernard Frimat et les membres du groupe socialiste et apparentés, relative aux conditions de l'élection des sénateurs.
a constaté que la proposition de loi avait pour objet, à la fois d'étendre l'élection des sénateurs à la représentation proportionnelle aux départements où sont élus trois sénateurs, d'augmenter le nombre des délégués supplémentaires des conseils municipaux en attribuant un délégué pour 300 habitants, de créer des délégués supplémentaires pour les conseils généraux et les conseils régionaux et d'élargir le collège électoral des sénateurs représentant les Français établis hors de France.
Indiquant que la proposition de loi soumise à l'examen de la commission était identique à une proposition de loi déposée à l'Assemblée nationale sur laquelle les députés avaient choisi de ne pas se prononcer le 20 mai, M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a précisé que, lors des débats, Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, avait alors rappelé que la tradition républicaine impliquait qu'on laisse les sénateurs s'exprimer en premier sur un texte ayant pour objet de modifier les conditions de leur élection.
Précisant que le régime électoral du Sénat était une composante importante du bicamérisme différencié, il a rappelé que ce régime électoral était régulièrement actualisé, ajoutant qu'en 2002, un groupe de réflexion pluraliste sur l'institution sénatoriale, présidé par M. Daniel Hoeffel, avait analysé ses caractéristiques et émis plusieurs propositions pour améliorer la manière dont le Sénat remplit son rôle de représentant constitutionnel des collectivités territoriales et des Français établis hors de France.
Il a constaté que deux lois d'initiative sénatoriale avaient modernisé le régime électoral sénatorial en juillet 2003, en particulier en réduisant la durée du mandat sénatorial à six ans et en instaurant un renouvellement du Sénat par moitié, en actualisant la répartition des sièges de sénateurs pour prendre en considération les évolutions démographiques récentes des collectivités territoriales et en instituant un équilibre entre les modes de scrutin du Sénat.
Pour illustrer son propos, il a rappelé, qu'avant 2000, plus de 65% des sénateurs étaient élus au scrutin majoritaire, que la loi n° 2000-641 du 10 juillet 2000 avait au contraire prévu l'élection d'environ 69 % des sénateurs à la représentation proportionnelle et que la réforme de 2003 garantissait l'élection de 52 % des sénateurs à la représentation proportionnelle et de 48 % au scrutin majoritaire.
Il a noté que la disposition de la proposition de loi augmentant les délégués supplémentaires des conseils municipaux, en attribuant un délégué pour 300 habitants était semblable à une disposition de la loi du 10 juillet 2000 jugée non conforme à l'article 24 de la Constitution par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 6 juillet 2000, car le nombre de délégués supplémentaires non élus des collectivités territoriales allait au-delà de la simple correction démographique et remettait en cause le principe selon lequel le corps électoral du Sénat doit être essentiellement composé des membres des assemblées délibérantes de ces collectivités.
Il a noté que le Conseil constitutionnel avait alors élaboré un vrai statut de la représentativité sénatoriale, prévoyant à la fois que la répartition par département des sièges, tout comme la représentation de chaque catégorie de collectivités territoriales et des différents types de communes au sein du collège électoral du Sénat, devaient tenir compte de la population de ces collectivités territoriales, que le Sénat devait être élu par un corps électoral essentiellement composé d'élus locaux, que toutes les catégories de collectivités devaient y être représentées et que la représentation des communes devait refléter leur diversité.
a précisé que l'article 9 du projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Cinquième République, en cours d'examen à l'Assemblée nationale, prévoyait de modifier l'article 24 de la Constitution pour organiser la représentation des collectivités territoriales de la République par le Sénat en tenant compte de leur population et que cette modification constituait un préalable à une éventuelle adaptation du collège électoral sénatorial conforme aux voeux des auteurs de la proposition de loi.
Souhaitant répondre à quelques inexactitudes entendues lors du débat sur le dispositif examiné à l'Assemblée nationale, il a noté que l'affirmation du rapporteur, M. Bernard Roman, qui avait indiqué que le Sénat était un non-sens démocratique, ne tenait pas compte de la réalité du bicamérisme différencié.
Il a déclaré que les deux assemblées ne pouvaient être des clones et que la représentativité du Sénat, reposant sur son élection indirecte qui en fait une émanation de la démocratie locale, était complémentaire de celle de l'Assemblée nationale.
A cet égard, il a constaté que le mode de scrutin des députés, comme celui des élections municipales dans les communes de 3.500 habitants et plus, créaient également des distorsions entre les suffrages exprimés par les électeurs et leur représentation.
Jugeant hâtive l'affirmation selon laquelle le Sénat aurait toujours eu la même majorité politique, il a rappelé que sous la Troisième République, des gouvernements tels que celui de M. André Tardieu avaient été renversés par le Sénat et que sous la cinquième République, de 1958 à 1968, le Sénat avait sans doute constitué le premier opposant à la politique menée par le général de Gaulle.
Il a enfin réfuté les déclarations de M. Bruno Leroux, député, selon lequel le Sénat serait « servile » avec le Gouvernement quand sa majorité le soutient, en constatant que les prises de position récentes du Sénat sur les tests ADN destinés à prouver une filiation à l'occasion d'une demande de regroupement familial ou sur la rétention de sûreté montraient son indépendance et son souci d'améliorer la législation.
Il a marqué son désaccord avec le groupe socialiste concernant l'extension de la représentation proportionnelle aux départements élisant trois sénateurs, estimant que l'équilibre actuel des modes de scrutin était satisfaisant, que la féminisation du Sénat se poursuivrait en raison de la part croissante des femmes au sein des assemblées locales, ajoutant que le législateur ne devait pas en permanence modifier ces règles au risque de donner l'impression de bégayer.
Soulignant que la proposition de loi ne pouvait être adoptée immédiatement en raison de son inconstitutionnalité et de l'absence de consensus sur son dispositif, il a estimé que ce dernier mettait en revanche en lumière la faible représentation des départements et des régions au sein du collège électoral sénatorial, ainsi que le caractère restreint du corps électoral des sénateurs représentant les Français établis hors de France.
Il s'est interrogé sur la possibilité, induite par le texte examiné, de prendre en compte trois fois de suite une même population pour l'attribution des délégués des conseils municipaux, des conseils généraux et des conseils régionaux.
Il a souligné que l'augmentation à 4.735 membres du corps électoral des sénateurs représentant les Français établis hors de France poserait le problème matériel de l'organisation du vote et de la prise en charge financière des déplacements de ces électeurs, ces électeurs étant en pratique amenés à se rendre au ministère des affaires étrangères pour voter le jour du scrutin, ajoutant que le vote par correspondance ne pouvait constituer une alternative satisfaisante dans le cadre d'un scrutin politique national.
Il a considéré que, si le dispositif suggéré par le groupe socialiste n'était aujourd'hui pas conforme à la Constitution, la réflexion sur la définition du collège électoral du Sénat devait se poursuivre.
Il a constaté que cette réflexion devrait prendre en considération la résolution de certains déséquilibres électoraux actuels tels que les incohérences liées à la prise en compte de la population des communes associées pour la désignation des délégués des conseils municipaux en cas de fusion-association de communes, les distorsions de la représentation des électeurs dans le scrutin municipal appliqué à Paris, Lyon et Marseille, ou encore la délimitation actuelle des cantons, qui ne respecte plus le principe d'égalité du suffrage.
A cet égard, il a précisé que les représentants du ministère de l'intérieur entendus avaient confirmé que les écarts de population entre cantons seraient prochainement réduits par une redéfinition des limites cantonales.
a déclaré que cette réflexion devrait aussi prendre en considération à la fois la montée en puissance des établissements publics de coopération intercommunale, qui, en pratique, exercent aujourd'hui de nombreuses prérogatives à la place des communes et dont les délégués communautaires pourraient être à l'avenir désignés au suffrage universel direct, mais aussi les discussions actuelles sur la pertinence des différents niveaux de collectivités territoriales.
Il a enfin précisé que ses auditions avaient permis de dégager des pistes de travail supplémentaires telles que l'intégration dans le collège électoral sénatorial des représentants des communes qui ne sont pas aujourd'hui électeurs sénatoriaux et qui pourraient être désignés délégués au titre des conseils généraux et régionaux, la désignation des sénateurs par plusieurs collèges électoraux correspondant chacun à un niveau de collectivité territoriale, ou encore l'élection simultanée par les électeurs des conseils municipaux et de leurs délégués au collège électoral sénatorial.
Il a estimé que pour toutes ces raisons, la réflexion sur la définition du collège électoral du Sénat devait se poursuivre.