Intervention de Laurent Béteille

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 28 mai 2008 : 1ère réunion
Droit civil — Réforme de la prescription - examen du rapport en deuxième lecture

Photo de Laurent BéteilleLaurent Béteille, rapporteur :

Enfin, la commission a procédé à l'examen du rapport en deuxième lecture de M. Laurent Béteille, sur la proposition de loi n° 323 (2007-2008), modifiée par l'Assemblée nationale, portant réforme de la prescription en matière civile.

a rappelé que cette proposition de loi, déposée par M. Jean-Jacques Hyest au mois d'août 2007 et adoptée par le Sénat en première lecture le 21 novembre 2007, traduisait une partie des travaux de la mission d'information de la commission des lois du Sénat sur le régime des prescriptions civiles et pénales, conduite par MM. Jean-Jacques Hyest, Richard Yung et Hugues Portelli, de février à juin 2007.

Il a exposé que les dispositions proposées avaient pour objet de moderniser les règles foisonnantes, complexes et éparses de la prescription en matière civile, afin de simplifier la vie des particuliers et des entreprises, en réduisant le nombre et la durée des délais de la prescription extinctive, en simplifiant leur décompte et en autorisant, sous certaines conditions, leur aménagement contractuel.

a retracé les principaux apports du Sénat en première lecture, en mettant tout particulièrement en exergue :

- la réduction de trente ans à cinq ans du délai de droit commun de la prescription extinctive, y compris en matière commerciale, avec pour point de départ « le jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer » ;

- l'harmonisation à cinq ans de la durée des multiples délais particuliers de la prescription extinctive, sous réserve du maintien de délais plus courts, comme le délai biennal de prescription de l'action des professionnels contre les consommateurs pour les biens ou services qu'ils leur fournissent, mais aussi de délais plus longs, comme le délai décennal de prescription de l'action en responsabilité pour dommage corporel ;

- la création, sous réserve de nombreuses dérogations concernant notamment les actions en responsabilité pour dommage corporel ou encore les actions relatives à l'état des personnes, d'un délai butoir de vingt ans courant à compter des faits ayant donné naissance au droit et non à compter de leur connaissance par son titulaire ;

- l'octroi aux parties à un acte juridique de la faculté, d'une part, d'allonger, dans la limite de dix ans, ou de réduire, dans la limite d'un an, la durée de la prescription, d'autre part, d'ajouter aux causes d'interruption ou de suspension de la prescription fixées par le code civil, de tels aménagements ayant toutefois été prohibés dans le cadre des contrats d'assurance et des contrats conclus entre un consommateur et un professionnel ainsi que, sur proposition de M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour les actions en paiement ou en répétition de certaines créances périodiques comme les salaires ou les loyers et les charges locatives afférents à des baux d'habitation ;

- l'unification des règles de prescription relatives aux actions en responsabilité engagées à raison d'un événement ayant entraîné un dommage corporel ;

- la soumission de l'action civile aux règles de prescription de l'action publique lorsqu'elle est exercée devant une juridiction répressive, et aux règles du code civil lorsqu'elle est exercée devant une juridiction civile ;

- l'institution d'un délai de trente ans à compter du fait générateur du dommage pour la prescription des obligations financières liées à la réparation des dommages causés à l'environnement par les installations, travaux, ouvrages et activités régis par le code de l'environnement ;

- l'extension aux personnes liées par un pacte civil de solidarité des règles relatives au report du point de départ ou à la suspension de la prescription entre époux pendant la durée du mariage.

a ensuite présenté les travaux de l'Assemblée nationale.

Il a relevé que les députés n'avaient apporté que quelques modifications de fond au texte qui leur était soumis, sans remettre en cause ni sa philosophie, ni ses principales dispositions. Ces modifications, a-t-il expliqué, ont consisté à :

- préciser le point de départ du délai décennal de prescription de l'action en responsabilité née à raison d'un événement ayant entraîné un dommage corporel, en spécifiant qu'il s'agit de la consolidation du dommage « initial ou aggravé » ;

- écarter l'application du délai butoir pour la prescription entre époux ou partenaires d'un pacte civil de solidarité ;

- interdire l'aménagement conventionnel des règles de prescription des actions en paiement ou en restitution de l'ensemble des créances périodiques ;

- consacrer la jurisprudence selon laquelle les dommages trouvant leur origine dans la construction d'un ouvrage doivent être dénoncés dans les dix ans qui suivent la réception des travaux, que ces ouvrages relèvent de la responsabilité contractuelle de droit commun ou de la responsabilité décennale du constructeur ou de ses sous-traitants ;

- réduire de dix à cinq ans, à compter de l'adjudication ou de la prisée, le délai de prescription des actions en responsabilité civile engagées à l'occasion des prisées et des ventes volontaires et judiciaires de meubles aux enchères publiques ;

- soumettre les experts judiciaires au délai de droit commun de la prescription extinctive.

Enfin, M. Laurent Béteille, rapporteur, a indiqué que l'Assemblée nationale avait intégralement repris le contenu de deux amendements identiques au projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, adoptés par le Sénat au mois d'avril 2008 et tendant à prévoir des règles spécifiques pour la prescription des actions en réparation de préjudices résultant de discriminations au travail.

Il a rappelé que ces dispositions réduisaient de trente ans à cinq ans la durée du délai pour agir en justice, cette durée étant jugée suffisante pour rassembler les preuves, mais prévoyaient :

- en premier lieu, que ce délai ne courrait qu'à compter de la révélation de la discrimination, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation ;

- en deuxième lieu, que ce délai ne serait pas susceptible d'aménagement conventionnel ;

- en dernier lieu, que les dommages et intérêts devraient réparer l'entier préjudice résultant de la discrimination, pendant toute sa durée.

Aussi M. Laurent Béteille, rapporteur, a-t-il proposé à la commission d'adopter sans modification la proposition de loi.

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