Intervention de Roland du Luart

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 14 novembre 2006 : 1ère réunion
Pjlf pour 2007 — Mission « justice » et article 49 rattaché - examen du rapport spécial

Photo de Roland du LuartRoland du Luart, rapporteur spécial :

a indiqué que la mission « Justice » était constituée de cinq programmes : « Justice judiciaire », « Administration pénitentiaire », « Protection judiciaire de la jeunesse », « Accès au droit et à la justice », et « Pilotage des politiques de la justice et organismes rattachés ».

Tout d'abord, il a tenu à rappeler que les juridictions administratives ne relevaient pas du périmètre de la mission « Justice », et que, si le bon fonctionnement de cette mission n'était pas entravé par la « sortie » des juridictions administratives, la question restait néanmoins posée de la cohérence d'ensemble du traitement budgétaire des juridictions.

Il a indiqué que la mission « Justice » ainsi définie était dotée, pour 2007, de 6.271,1 millions d'euros de crédits de paiement, en progression de 4,8 %, ce qui renforçait naturellement l'obligation de résultat incombant aux acteurs de la justice, même si les moyens budgétaires n'étaient pas, à eux seuls, la clef de tous les problèmes auxquels était aujourd'hui confrontée l'institution. Il a souligné deux points particulièrement positifs. D'une part, il s'est félicité d'une plus large diffusion de la culture de gestion parmi les acteurs de l'institution judiciaire, en conformité avec le texte et l'esprit de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) et avec la responsabilisation des gestionnaires. D'autre part, il a affirmé que le pari de la maîtrise des frais de justice était en passe d'être remporté.

Abordant le programme « Justice judiciaire », il a constaté qu'il comptait, hors fonds de concours, 2.721,7 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 2.605,8 millions d'euros en crédits de paiement, en progression respectivement de 0,7 % et 4 % par rapport à 2006. Il a indiqué que l'année 2007 était une année riche d'enjeux pour les juridictions et qu'elle devait permettre de consolider les acquis de la LOLF, de poursuivre l'acclimatation à la culture de performance et de pérenniser les bonnes habitudes prises par les gestionnaires.

Dans ce contexte, il a regretté que les objectifs fixés par la loi d'orientation et de programmation pour la justice (LOPJ), en termes de création d'emploi, n'aient pas été remplis. Il a précisé que, si le taux d'exécution de la LOPJ pour les emplois de magistrats se révélait relativement satisfaisant avec un résultat final de 81,7 % en 2007, il s'avérait beaucoup plus décevant pour les emplois de greffiers, avec un niveau de seulement 57,9 %. Il s'est inquiété de ce que, calculés en emplois temps plein travaillé (ETPT), ces taux ne soient revus à la baisse, pour se situer à 66,2 % pour les magistrats et à 52,2 % pour les greffiers.

Enfin, il a déclaré que l'évolution du ratio entre le nombre de magistrats et celui de fonctionnaires était très « défavorable » aux greffiers. Il a souligné que cette situation, en impliquant un recul du soutien logistique susceptible d'être attendu par les magistrats, pour le rendu des décisions juridictionnelles comme pour la gestion des juridictions, n'était pas sans conséquence sur la bonne marche de la justice.

A cet égard, M. Roland du Luart, rapporteur spécial, a souhaité insister sur le caractère hautement préjudiciable de cette insuffisance de greffiers et sur la nécessité de mieux anticiper dans le temps ce problème. Il a rappelé que la pyramide des âges des greffiers, le rythme des départs à la retraite, l'allongement de la scolarité de six mois à l'école nationale des greffes (ENG) et le délai entre l'autorisation d'un concours de recrutement de greffiers et ses premiers effets sur le terrain (au moins deux ans) constituaient autant de circonstances aggravantes au regard de cette dégradation du ratio magistrats/greffiers.

Il a déploré, en outre, l'alourdissement du travail, pour les juridictions, causé par le transfert des charges d'ordonnancement des préfectures vers les cours d'appel, qui ne s'était pas accompagné d'un mouvement de personnels équivalents, soit 200 équivalents temps plein travaillé (ETPT) non transférés, selon les estimations de la Chancellerie.

Il a rappelé que la commission avait estimé, sur la proposition de M. Henri de Raincourt, rapporteur spécial de la mission « Administration générale et territoriale de l'Etat », dont relevaient les moyens des services préfectoraux, qu'il n'y avait pas lieu de réduire « à due concurrence » les crédits de personnel des préfectures. Il a encore précisé qu'il avait été tenu compte de la réaffectation de ces emplois libérés en préfecture sur de nouvelles tâches induites par la LOLF au sein des services préfectoraux : gestion de nouveaux crédits pour le compte de ministères, élaboration d'un avis sur les budgets de chaque service déconcentré, suivi de la mise en oeuvre des actions de ces services, de la réalisation de leurs objectifs et de l'exécution de leurs dépenses.

Il a jugé que la question de la surcharge de travail non compensée, pour les juridictions, restait posée, au moment précis où la LOLF supposait des efforts accrus de gestion.

Il a considéré qu'au-delà de ces réserves d'importance, de réels motifs de satisfaction devaient être soulignés, au premier rang desquels figurait la maîtrise des frais de justice. Ainsi, au regard des premiers éléments d'appréciation portant sur la gestion 2006, la chancellerie a estimé que la dotation prévue pour ces frais s'avérerait suffisante, moyennant toutefois l'abondement supplémentaire tiré de la réserve des 50 millions d'euros mise en place, à cette fin, en loi de finances initiale pour 2006.

Il a expliqué la maîtrise en cours des frais de justice, d'une part par une prise de conscience et de réels efforts des magistrats en tant que prescripteurs de la dépense, qu'il avait pu lui-même constater lors de son stage à la Cour d'appel de Paris et lors de sa récente mission de contrôle budgétaire, et d'autre part, par un plan d'économies efficace mené par la chancellerie. Il a cité un exemple qui lui semblait particulièrement révélateur : en matière d'analyses génétiques, la passation de marchés publics s'était, d'ores et déjà, traduite par une baisse considérable des tarifs unitaires proposés par les laboratoires. Il a précisé que la chancellerie était parvenue, en l'espace de quelques mois, à une réduction de plus de moitié de ces tarifs, résultat qu'il convenait de saluer à sa juste mesure. Enfin, il a tenu à signaler que cette politique de maîtrise des frais de justice n'entamait en rien la liberté de prescription des magistrats, principe essentiel au bon fonctionnement de la justice.

Il a indiqué que, dans ce contexte, l'enveloppe allouée pour l'année 2007 au titre des frais de justice était de 397,9 millions d'euros en crédits de paiement, en hausse de 7,5 % par rapport à la dotation prévue en loi de finances pour 2006, mais en baisse de 5,3 % par rapport au cumul de cette dotation et de la réserve évoquée précédemment de 50 millions d'euros.

a ensuite abordé le programme « Administration pénitentiaire ». Il a indiqué qu'il comportait 2.246 millions d'euros de crédits de paiement, en progression de 5,4 % par rapport à 2006, précisant que cette hausse répondait à un impératif. Il a jugé, en effet, que les conditions de détention étaient, en France, inacceptables, en raison de la vétusté de la plupart des prisons et d'un taux de surpopulation carcérale qui atteignait, au 1er octobre 2006, 111 %.

Il a précisé que, dans cette perspective, la LOPJ avait prévu un objectif de création de 13.200 places supplémentaires de détention. Il a considéré que les efforts consentis au titre de la LOPJ ne feraient sentir leurs premiers effets positifs qu'à partir de 2007, étant donné la spécificité des programmes immobiliers pénitentiaires et les délais incompressibles qu'ils imposaient (validation de projet, études, conception, réalisation, passation des marchés).

En ce qui concerne la performance du programme, M. Roland du Luart, rapporteur spécial, a indiqué que la direction de l'administration pénitentiaire avait fait évoluer son projet annuel de performances (PAP) afin de préciser plus clairement ce qui relevait directement de ses missions. Il s'est félicité de cette initiative, qui répondait aux voeux de la commission. Il a souhaité, à cette occasion, s'attarder plus particulièrement sur les risques en matière d'évasion pour 2006 et 2007. Il a indiqué qu'une dégradation de la sécurité des établissements était anticipée, avec un taux de 3,6 évasions pour 10.000 détenus sous garde pénitentiaire directe, contre un taux de 3,1 en réalisation pour 2005. Il a expliqué cette contre-performance annoncée par l'ouverture de nouveaux établissements, souvent génératrice d'incidents collectifs et de réclamations diverses lors des premiers temps de mise en fonctionnement.

Pour conclure sur la présentation de ce programme, il a précisé le coût pour la collectivité d'une journée de détention pour peine en gestion publique : 15,25 euros en 2005, avec une prévision de 14,26 euros pour 2006.

Puis M. Roland du Luart, rapporteur spécial, a abordé le programme « Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) », dont les faits divers et les violences urbaines récurrentes venaient rappeler l'importance cruciale. Il a indiqué que le programme comportait, hors fonds de concours, 821,3 millions d'euros en autorisations d'engagement et 799,7 millions d'euros en crédits de paiement, en progression respectivement de 11 % et de 8 %. Il a précisé que les dépenses de fonctionnement augmentaient de 42,8 millions d'euros, soit une hausse de 12,7 % due, pour une part importante, à l'augmentation des crédits nécessaires au fonctionnement des centres éducatifs fermés (CEF), qui bénéficiaient d'une dotation de 55,9 millions d'euros en 2007.

Il a souligné que le présent projet de loi de finances prévoyait une augmentation de 43 millions d'euros de l'enveloppe budgétaire consacrée au secteur associatif habilité (SAH), de manière à faire face à son activité croissante, tout en engageant un indispensable travail de résorption des reports de charges des années précédentes.

Il a souligné que le travail en partenariat avec les départements et le secteur associatif constituait l'une des caractéristiques principales de la PPJ, et que, de ce fait, l'atteinte des objectifs ne dépendait pas exclusivement de son action. Il a ainsi indiqué que le taux de départements ayant mis en place un dispositif d'accueil d'urgence ne relevait pas seulement de la compétence de la PPJ, même si cette dernière pouvait jouer un rôle incitateur en la matière par le dialogue avec la collectivité territoriale.

a souhaité faire deux remarques relatives à l'analyse de la performance de la protection judiciaire de la jeunesse. D'une part, il a constaté que les taux d'occupation des établissements laissaient apparaître d'incontestables marges de manoeuvre, et qu'en 2005, ce taux était de seulement 67,8 % pour les centres éducatifs fermés gérés par le secteur public, avec une prévision de 70 % en 2006. Estimant qu'une meilleure optimisation des capacités d'accueil devait être recherchée, il a relevé que le garde des sceaux venait justement d'évoquer une montée en puissance de ces mesures. D'autre part, il a jugé relativement élevé le coût des mesures judiciaires, indiquant qu'une mesure d'enquête sociale, par exemple, coûtait 1.725 euros, et une journée en CEF dans le secteur public, 731 euros. A cet égard, il a espéré que la modification du mode de paiement des investigations et orientations éducatives, passé d'un paiement à la journée à un paiement à l'acte, permette de réaliser des économies substantielles à l'avenir.

Ensuite, M. Roland du Luart, rapporteur spécial, a déclaré que le programme « Accès au droit et à la justice » revêtait une importance singulière, car il correspondait à l'aspiration croissante de la population à mieux connaître ses droits et à agir en justice. Il a souligné que ses moyens progressaient en autorisations d'engagement de 7,3 %, passant de 344,1 millions d'euros à 369,4 millions d'euros, mais reculaient en termes de crédits de paiement de 344,1 millions d'euros à 338,4 millions d'euros, soit une baisse de 1,8 %. Il a indiqué que la principale innovation budgétaire du programme résidait dans le transfert de ses dépenses de personnel vers le programme « Justice judiciaire ».

Il a constaté que l'article 49 du projet de loi de finances pour 2007, rattaché pour son examen à la mission « Justice », proposait une revalorisation de l'aide juridictionnelle de 6 % du montant de l'unité de valeur à partir de laquelle était fixé le montant de la contribution de l'Etat à la rétribution de l'avocat. Il a douté que cette revalorisation soit suffisante, compte tenu de la croissance du nombre de demandes d'admission à l'aide juridictionnelle et de la date de la dernière revalorisation de cette aide (2004). Il a donc annoncé son intention de proposer à la commission un amendement en ce domaine.

Par ailleurs, il a souligné que plusieurs lois avaient été à l'origine de l'augmentation du niveau de l'aide juridictionnelle au cours des dernières années. Il a souhaité rappeler que tout projet de loi devait être accompagné d'une étude d'impact financier solide et sérieuse, afin de mieux éclairer le Parlement sur son vote.

En termes de performance, il a relevé que le délai moyen national de traitement des demandes d'aide juridictionnelle était, pour 2005, de 60 jours, et que, par ailleurs, les enquêtes de satisfaction, réalisées auprès des usagers des maisons de la justice et du droit (MJD), révélaient des résultats très satisfaisants : 90 % de taux de satisfaction en 2005.

Enfin, M. Roland du Luart, rapporteur spécial, a abordé le dernier programme de la mission « Justice » : le programme « Conduite et pilotage de la politique de la justice et organismes rattachés ». Il a précisé qu'il comprenait deux « volets » : la logistique de la mission « Justice » et les moyens nécessaires au fonctionnement d'organismes rattachés, et qu'il était doté de 281,8 millions d'euros de crédits de paiement, en progression de 6,8 %.

Il a indiqué que, parmi ces organismes rattachés, figurait la Commission nationale informatique et libertés (CNIL), et qu'il convenait de souligner qu'en droit, le principe de la fongibilité asymétrique de la LOLF permettait au directeur de l'administration générale et de l'équipement, responsable du programme, de « prélever » des crédits sur la CNIL au bénéfice des services de la Chancellerie. Il a précisé que la Chancellerie avait donné toutes assurances quant à la réalité et à l'effectivité de l'indépendance de cette autorité administrative. Toutefois, il a rappelé la volonté en 2004 de la commission de créer un programme regroupant l'ensemble des autorités administratives indépendantes au sein de la mission « Transparence et régulation de l'action publique ». Il a évoqué la discussion de la présente mission à l'Assemblée nationale, qui s'était traduite par une diminution des crédits de la CNIL.

Tout en estimant que les indicateurs de performance de ce programme mesuraient utilement la qualité du service ou son efficience, il a souhaité proposer, comme lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2006, un nouvel indicateur pour les transpositions de « Directives Chancellerie », à l'instar de l'indicateur sur le taux de publication des décrets d'application des « lois Chancellerie », dans des délais de 6 mois et d'un an.

Enfin, il a relevé la difficulté de porter un jugement sur la gestion des grands projets informatiques menés par le ministère de la justice, car aucun des deux indicateurs s'y rapportant ne présente de données significatives sur 2005, puisqu'un seul projet se trouve visé : le projet Cassiopée (Chaîne applicative supportant le système d'information orientée procédure pénale et enfants).

Un large débat s'est ensuite instauré.

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