Intervention de Michel Charasse

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 16 novembre 2006 : 1ère réunion
Pjlf pour 2007 — Mission « aide publique au développement » et article 42 - comptes spéciaux « prêts à des etats étrangers » et « accords monétaires internationaux » - examen du rapport spécial

Photo de Michel CharasseMichel Charasse, rapporteur spécial :

Enfin, la commission a procédé à l'examen du rapport spécial de M. Michel Charasse, rapporteur spécial, sur la mission « Aide publique au développement », et l'article 42 rattaché, ainsi que sur les comptes spéciaux « Prêts à des Etats étrangers » et « Accords monétaires internationaux ».

a rappelé que les trois missions dont il était rapporteur spécial consistaient, d'une part, en une mission interministérielle inscrite au budget général, composée de deux programmes et dédiée à l'aide publique au développement (APD), et d'autre part, en deux missions relevant des comptes spéciaux, constituées chacune de trois programmes et remplaçant deux anciens « comptes spéciaux du Trésor ».

Il a indiqué que l'APD française globale, comptabilisée selon les normes du Comité d'aide au développement (CAD) de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), serait en augmentation de 2,1 % en 2006 et de 10,3 % en 2007, pour s'établir à 0,50 % du revenu national brut (RNB), conformément aux engagements pris en 2002 par le Président de la République. Il a précisé que la hausse tendancielle de l'aide depuis quatre ans avait succédé à une diminution prononcée à la fin des années 90 et au début de la décennie, et que le ratio d'APD était d'environ 0,62 % du RNB en 1992.

Il a ajouté que les annulations de dette représenteraient, selon les prévisions, environ le tiers de l'APD française en 2006 et le quart en 2007. Il a également relevé une forte hausse de l'aide multilatérale, en particulier du fait des contributions au Fonds européen de développement (FED), pour 692 millions d'euros, aux banques et fonds de développement, et au fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, la dotation de la France en 2007 étant, à cet égard, accrue de 75 millions d'euros, pour atteindre 300 millions d'euros. Il a indiqué que l'aide bilatérale serait quasiment stable en 2007, et a déploré la tendance générale à la hausse de l'aide multilatérale depuis 6 ans, compte tenu du manque de visibilité qu'elle induisait pour les actions françaises de coopération.

a salué les réformes qui étaient mises en oeuvre chez un grand nombre d'opérateurs impliqués dans l'aide au développement. Outre la fusion, déjà réalisée, de l'Association française d'action artistique (AFAA) et de l'Association de diffusion de la pensée française (ADPF), qui avait donné naissance à CulturesFrance, et celle, prévue, d'Egide et d'Edufrance, des conventions d'objectifs et de moyens étaient en cours de négociation avec l'Agence française de développement (AFD), le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD), l'Institut de recherche pour le développement (IRD) ou l'Association française des volontaires du progrès (AFVP). Cette dernière se voyait, en particulier, assigner des objectifs précis et ambitieux afin de réduire, notamment, le montant des concours financiers du ministère des affaires étrangères.

Il a ajouté que la réforme de l'assistance technique n'était pas achevée et que le transfert de projets et d'assistants techniques du Fonds de solidarité prioritaire (FSP) à l'AFD se poursuivait, selon un rythme plus lent qu'escompté. Ces nouvelles modalités de gestion de l'expertise technique internationale constituaient un véritable défi pour le groupement d'intérêt public France Coopération Internationale, dont il avait pu constater l'insuffisance des moyens et le positionnement ambigu à l'occasion du contrôle budgétaire qu'il avait conduit en mars 2006, et qui avait donné lieu à la publication d'un rapport d'information n° 346 (2005-2006). Il a indiqué, en outre, que de nombreux outils de coordination et de planification stratégique avaient été mis en place, compte tenu de la multiplicité des acteurs concernés par l'APD.

La direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID) s'était également réorganisée. A ce titre, il a approuvé les nouvelles orientations de la DGCID en matière de suivi des organisations non gouvernementales (ONG), qui tenaient compte des observations formulées par la commission et la Cour des comptes, et l'insertion, dans le projet annuel de performances, d'un nouvel indicateur mesurant l'efficience de la procédure de financement des projets des ONG soutenues par le ministère des affaires étrangères.

Présentant la mission « Aide publique au développement », M. Michel Charasse, rapporteur spécial, a considéré que la création de cette mission constituait un progrès en termes de lisibilité et d'intégration de la logique de performance, mais limité par la discordance entre la comptabilisation budgétaire et la notification au titre de l'APD. Il a ainsi précisé que l'estimation de l'impact de cette mission sur l'APD représenterait en 2007 environ 64 % des crédits d'APD du budget général, 56 % de l'ensemble des crédits budgétaires (c'est-à-dire en incluant la quote-part du prélèvement sur recettes au profit du budget européen), et 43 % de l'APD globale notifiée au CAD. Il a considéré que les explications du document de politique transversale (DPT) quant à l'incidence des crédits budgétaires et extra-budgétaires sur l'ADP pouvaient encore progresser.

Relevant qu'au moins 14 programmes budgétaires étaient comptabilisés par le DPT au titre de l'APD, il a indiqué que les principales actions, hors de la mission dédiée, qui contribuaient à l'APD, étaient les subventions octroyées aux instituts de recherche et l'écolage, imputés sur la mission « Recherche et enseignement supérieur », diverses actions de la mission « Action extérieure de l'Etat » au titre de l'Agence pour l'enseignement du français à l'étranger (AEFE) et des contributions volontaires aux organismes internationaux, ainsi que les crédits d'accueil des étrangers inscrits sur la mission « Solidarité et intégration ». Il a également relevé que certaines dépenses de la mission dédiée à l'APD, tels que les crédits de soutien à la francophonie ou de promotion de la culture française, ne constituaient pas réellement de l'aide au développement, ce qui pouvait justifier des reclassements et une future révision de l'architecture des missions.

Puis il a indiqué que la mission « Aide publique au développement », constituée de deux programmes respectivement gérés par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie et le ministère des affaires étrangères, était dotée en 2007 de 3,12 milliards d'euros de crédits de paiement, qu'il a comparés à une estimation globale d'APD de 9,18 milliards d'euros. Le plafond de 2.983 équivalents temps plein travaillé (ETPT) était inscrit sur le seul programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement » et représentait une diminution de 148 emplois, soit une baisse réelle de 19 ETPT si l'on tenait compte du transfert de 129 assistants techniques à l'AFD.

Il a jugé que les objectifs étaient globalement satisfaisants, et a relevé que le nombre d'indicateurs avait été opportunément réduit par rapport au projet de loi de finances pour 2006. Des progrès pouvaient néanmoins, selon lui, être réalisés sur le programme 209. Il ainsi estimé que l'action n° 4 « Aide en faveur du développement durable et lutte contre la pauvreté et les inégalités » constituait un « fourre-tout », et que certaines cibles n'étaient pas assez ambitieuses. En revanche, les justifications au premier euro étaient plus précises, en particulier sur le programme 209.

a ensuite formulé ses principales observations sur le programme 110 « Aide économique et financière au développement » :

- environ 60 % des crédits de ce programme étaient affectés aux contributions à de multiples institutions et fonds multilatéraux ;

- les conditions de financement de la facilité financière pour la vaccination, qui mobilisait 920 millions d'euros d'autorisations d'engagement, n'étaient pas suffisamment explicites dans le projet annuel de performances, mais précisées dans l'article 42 du projet de loi de finances pour 2007. A cet égard, il a indiqué que ce nouvel instrument de financement, dont la France serait le deuxième contributeur avec un engagement d'1,3 milliard d'euros sur vingt ans, se traduirait par neuf émissions obligataires. La France participerait à la première émission à hauteur de 373 millions d'euros sur quinze ans, les remboursements d'annuités d'emprunt étant réalisés par l'AFD. L'article 42 rattaché pour son examen à la présente mission prévoyait, dès lors, l'octroi, pour 372,8 millions d'euros courants, d'une garantie de l'Etat au profit de l'AFD, sur laquelle M. Michel Charasse, rapporteur spécial, a formulé un avis favorable ;

- il a considéré que l'abondement, par le programme 110, de trois fonds consacrés à la dépollution et à la sécurité nucléaire, n'avait pas lieu de figurer dans une mission budgétaire dédiée à l'APD ;

- il a enfin relevé que l'accroissement du volume d'activité de l'AFD reposait en grande partie sur des prêts octroyés hors de la Zone de solidarité prioritaire, et se traduisait par une diminution de la part de son activité en Afrique subsaharienne. En application des décisions prises en 2005 et 2006 par le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement, l'AFD diversifiait son activité dans les pays émergents, ce qui lui permettait également d'améliorer sa rentabilité. Il a cependant estimé que ce positionnement stratégique posait problème, et que la diversification ne devait pas se traduire par une dispersion des actions, et in fine par une diminution des engagements dans les pays les plus pauvres, qui constituerait un signal contradictoire avec les objectifs affirmés par la France.

Puis M. Michel Charasse, rapporteur spécial, a fait part de ses principales observations sur le programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement » :

- l'aide multilatérale était prépondérante dans le programme, avec 55 % des crédits de paiement, et la diminution du montant des autorisations d'engagement ouvertes pour l'aide-projet était susceptible de compromettre, à moyen terme, la capacité à prendre le relais des annulations de dette, dont la baisse était escomptée à partir de 2008 ;

- la clef de contribution de la France au Xe FED devait revenir de 24,3 % à 19,55 %, ce qui serait facteur d'économies, mais la perspective d'une budgétisation du FED était abandonnée. Il a relevé que les décaissements continuaient de progresser, mais que cette amélioration était en bonne partie imputable aux versements à des fonds multilatéraux, certes rapides mais peu conformes à la vocation réelle du FED. En outre, la prévisibilité des appels de fonds aux Etats membres était encore aléatoire, ce qui avait conduit la France à acquitter des intérêts de retard en 2005. Il a également estimé que la lourdeur des procédures d'instruction et de suivi des projets tendait à être déconcentrée dans les délégations ;

- les prévisions de décaissement en 2007 au titre des contrats de désendettement-développement (C2D), avec 179,4 millions d'euros, se révélaient plus sincères que dans la loi de finances initiale pour 2006, mais étaient très majoritairement financées par des prélèvements sur les ressources propres et les provisions de l'AFD. Compte tenu du prélèvement opéré au titre du programme 110 « Aide économique et financière au développement », il a indiqué que l'AFD serait ainsi sollicitée à hauteur de 200 millions d'euros en 2007 sur ses ressources propres. Après avoir rappelé le principe du C2D, il a exposé les difficultés auxquelles avait donné lieu le financement de la première tranche du C2D conclu en juin 2006 avec le Cameroun. Il a ajouté que la première évaluation externe du mécanisme du C2D, portant sur le contrat mis en oeuvre au Mozambique, illustrait que cet instrument demeurait complexe et perfectible. Son impact sur le développement local était inégal, et les décaissements annuels au titre de ce mécanisme se révélaient inférieurs aux prévisions ;

- l'impact concret de la LOLF dans les services de coopération progressait lentement, mais était encore insuffisant, notamment si l'on examinait le recours à la fongibilité asymétrique en cours d'exercice.

a ensuite exposé les orientations de la mission constituée par le compte spécial « Prêts à des Etats étrangers ». Il a indiqué que cette mission incluait trois types d'opérations financières : les prêts de la Réserve pays émergents ; les prêts à des Etats étrangers pour consolidation de dettes envers la France, consistant en des remboursements d'anciens prêts et des versements de nouveaux prêts à des conditions révisées ; et les prêts à l'AFD en vue de favoriser le développement économique et social dans des Etats étrangers, qui étaient complémentaires des bonifications d'intérêts imputées sur l'action 2 « Aide économique et financière bilatérale » du programme 110 « Aide économique et financière au développement » de la mission « Aide publique au développement ». Au total, plus de 996,5 millions d'euros de crédits de paiement étaient ainsi inscrits sur cette mission.

Il a rappelé que les annulations de dette représentaient une large part de l'APD, mais exerçaient une incidence minime sur le budget général, à hauteur de moins de 10 % en 2006. Il a indiqué que les estimations des montants des annulations et refinancements de dettes demeuraient aléatoires. Ils revenaient à 2,14 milliards d'euros pour 2007, après 2,8 milliards d'euros en 2006, compte tenu, en particulier, des annulations consenties en 2006 au profit de l'Irak et du Nigeria. Il a précisé que plus de la moitié des allègements de dettes en 2007 serait liée aux créances commerciales de la Coface, et que les principaux pays bénéficiaires en seraient le Cameroun, l'Egypte, l'Irak et la République démocratique du Congo.

A ce titre, il a relevé que l'Assemblée nationale avait adopté en première délibération, à l'initiative de leur collègue M. Henri Emmanuelli, rapporteur spécial de la mission « Aide publique au développement », un amendement portant article additionnel après l'article 42 du projet de loi de finances pour 2007, tendant à relever de 3,5 milliards d'euros le plafond de remises de dettes, pour le porter à 14,6 milliards d'euros. Il a émis un avis favorable sur cet article additionnel rattaché.

Il a rappelé que la mission constituée par le compte spécial « Accords monétaires internationaux » retraçait les opérations d'octroi et de remboursement des appels en garantie de convertibilité effectuées par le Trésor au profit des banques centrales de la Zone franc. Cette mission n'était cependant pas dotée de crédits en 2007, comme en 2006, dans la mesure où la garantie n'était appelée à jouer qu'en cas de dégradation de la situation économique et financière des pays concernés. Il a indiqué que son rapport budgétaire exposait les modalités de la coopération monétaire de la France avec les quinze pays concernés, répartis en trois unions monétaires.

a enfin présenté deux amendements aux crédits de la mission « Aide publique au développement » :

- le premier, tendant à diminuer de 200.000 euros la subvention octroyée par le ministère des affaires étrangères, sur le programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement », à l'association CulturesFrance, dans la continuité d'un amendement qui avait été adopté par la commission sur la mission « Action extérieure de l'Etat ». Ce montant correspondait aux économies de gestion escomptées du fait de la fusion entre l'AFAA et l'ADPF, ainsi que l'enquête de la Cour des comptes que la commission avait demandée en application de l'article 58-2° de la LOLF l'avait relevé ;

- le second, portant sur le transfert vers le programme 209, précité, de 20 millions d'euros d'autorisations d'engagement inscrites sur le programme 110 « Aide économique et financière au développement » au profit de la facilité internationale de financement pour la vaccination, afin d'assurer une meilleure pérennité de l'aide-projet sur le moyen terme.

A l'initiative de M. Michel Charasse, rapporteur spécial, la commission a alors décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Aide publique au développement », ainsi modifiés. Elle a également proposé d'adopter sans modification les comptes spéciaux « Accords monétaires internationaux » et « Prêts à des Etats étrangers » ainsi que l'article 42 du projet de loi de finances pour 2007.

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