Intervention de Philippe Marini

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 4 octobre 2006 : 2ème réunion
Énergie — Secteur de l'énergie - examen du rapport pour avis

Photo de Philippe MariniPhilippe Marini, rapporteur pour avis :

a tout d'abord souligné que la commission avait pour l'essentiel limité le champ de sa saisine à l'article 10 autorisant la privatisation de la société Gaz de France et définissant les modalités du contrôle public sur cette entreprise et ses filiales. Il a déclaré avoir eu une approche patrimoniale de ce sujet, en se plaçant du point de vue de l'Etat actionnaire.

Il a indiqué qu'il lui avait paru nécessaire, malgré tout, de compléter le présent projet de loi par des dispositions concernant la Commission de régulation de l'énergie (CRE), rappelant qu'il s'inscrivait en cela dans la continuité des travaux de la commission. En effet, lors de l'examen des projets de lois de finances rectificatives pour 2004 et pour 2005, il avait déjà présenté des amendements similaires que la commission, puis le Sénat, avaient adoptés, la commission mixte paritaire les ayant, par la suite, rejetés. En outre, il a expliqué qu'il proposerait l'adoption d'un amendement, rédigé en étroite concertation avec M. Ladislas Poniatowski, rapporteur au fond du projet de loi au nom de la commission des affaires économiques, afin de revenir sur les dispositions votées par l'Assemblée nationale quant à la composition de la CRE, et figurant à l'article 2 bis.

Procédant à l'aide d'une vidéo-projection, M. Philippe Marini, rapporteur pour avis, a ensuite évoqué la situation de Gaz de France.

En premier lieu, il a rappelé que la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières avait autorisé l'Etat à ouvrir le capital d'EDF et de Gaz de France. Il a également rappelé qu'en application de ces dispositions, Gaz de France avait été introduit en Bourse le 7 juillet 2005 au moyen, d'une part, de la cession d'actions alors existantes pour un montant de 2,5 milliards d'euros, d'autre part, de l'émission de nouvelles actions, pour un montant de 1,9 milliard d'euros. Il a relevé qu'entre son introduction et la fin du mois de septembre 2006, le cours de l'action de l'entreprise avait progressé de 34 %, augmentant la valorisation de la participation de l'Etat de 270 millions d'euros. Il a ajouté que Gaz de France avait, par ailleurs, versé à l'Etat un dividende de 536 millions d'euros au titre de l'exercice 2005, en progression de près de 50 % par rapport à l'exercice précédent.

a estimé que Gaz de France était une entreprise saine. A cet égard, il a tout d'abord insisté sur sa puissance commerciale, qui lui a permis de conserver une part de marché proche de 80 % sur les marchés ouverts à la concurrence, tout en poursuivant son développement hors du territoire national, 36 % de son chiffre d'affaires de l'exercice 2005 ayant ainsi été réalisé à l'étranger. Il a également souligné la rentabilité du groupe qui, en 2005, a réalisé un bénéfice net de 1,7 milliard d'euros, en hausse de près de 30 % par rapport à 2004, pour un chiffre d'affaires de 22,4 milliards d'euros. Il a enfin mis en exergue le faible endettement de Gaz de France.

Puis il a expliqué que, malgré ces bons fondamentaux, Gaz de France devait grandir, deux arguments justifiant selon lui la recherche d'une taille critique dans le contexte actuel :

- la nécessité de « peser » au cours des négociations commerciales avec les fournisseurs de gaz. A ce propos, il a rappelé que l'Europe dépendait de la Russie et de l'Algérie pour plus d'un tiers de ses approvisionnements gaziers, ce chiffre étant de l'ordre de 40 % pour Gaz de France, ce qui pouvait poser des problèmes géostratégiques, particulièrement après l'accord du 4 août 2006 entre les sociétés russe Gazprom et algérienne Sonatrach ;

- les fusions en cours entre distributeurs de gaz européens, de nature à créer des groupes de grande taille pouvant proposer des offres multi-énergies à leurs clients.

Il a estimé qu'au vu de ces évolutions en cours, Gaz de France ne pourrait se permettre de demeurer un acteur isolé de taille moyenne, et que tel n'était pas l'intérêt de l'Etat actionnaire.

Puis M. Philippe Marini, rapporteur pour avis, s'est interrogé quant aux alliances possibles pour Gaz de France.

Il a tout d'abord rejeté l'hypothèse d'une fusion entre cette entreprise et EDF, s'appuyant principalement sur les conclusions d'une étude juridique réalisée, en 2004, par le cabinet Bredin-Prat, à la demande de l'Agence des participations de l'Etat. Il a indiqué qu'après avoir montré qu'une telle fusion renforcerait la position dominante d'EDF et de Gaz de France sur leur marché historique, ladite étude concluait que la Commission européenne ne déclarerait ce rapprochement compatible avec le marché commun qu'au prix de très lourdes contreparties. Il a, en particulier, cité la cession d'au moins 10 à 15 % du parc nucléaire d'EDF et de 15 à 20 % des capacités de stockage de gaz de Gaz de France. De plus, il a émis de fortes réserves quant à l'opportunité de créer un tel « empire énergétique », estimant que son contrôle par l'Etat serait de facto à peu près impossible.

A l'inverse, il a jugé que le profil de Suez s'accordait mieux à celui de Gaz de France, indiquant, en premier lieu, qu'une fusion de ces deux groupes permettrait à Gaz de France de diversifier et de sécuriser ses approvisionnements en gaz, notamment en réduisant de façon significative la part de la Russie et de l'Algérie dans le portefeuille des fournisseurs. En outre, il a relevé la grande complémentarité des actifs gaziers et électriques de l'éventuel groupe fusionné. Estimant que cet atout donnerait audit groupe une forte crédibilité en matière d'offre multi-énergies, il s'est félicité que puisse ainsi apparaître un premier « concurrent sérieux d'EDF » sur le marché français. Enfin, s'appuyant sur les estimations de plusieurs analystes financiers, il a conclu qu'une fusion de Gaz de France et de Suez serait de nature à augmenter sensiblement la valeur des actions de l'entreprise, ce dont bénéficierait l'Etat actionnaire.

a ensuite décrit les modalités du contrôle public de Gaz de France prévues par le projet de loi.

A ce sujet, il a tout d'abord indiqué que, possédant plus d'un tiers du capital de l'entreprise, l'Etat disposerait de la minorité de blocage et pourrait donc s'opposer aux décisions relevant de l'assemblée générale extraordinaire, telles que les changements de statuts, d'objet social, de capital social ou de siège social. De plus, il a relevé que le « groupe de contrôle » de l'entreprise inclurait d'autres actionnaires stables, atteignant une proportion supérieure à 40 % de son capital. Il a estimé que ce facteur était de nature à dissuader une éventuelle offre publique d'achat non sollicitée.

Il a ajouté que l'article 10 du projet prévoyait la transformation d'une action de Gaz de France détenue par l'Etat en action spécifique, qui permettrait à la puissance publique de s'opposer à la cession de certains actifs au nom de l'intérêt national. Il a déclaré que la jurisprudence européenne montrait que la création d'une telle action spécifique était compatible avec le marché commun, précisant que le décret prévu par le projet de loi devrait indiquer quels actifs seraient concernés.

a relevé, de plus, que selon les termes du projet de loi, un commissaire du gouvernement participerait, avec voix consultative, à l'ensemble des réunions des organes de gouvernance de Gaz de France.

Après avoir remarqué que la privatisation de Gaz de France ne remettrait en cause ni le service public du gaz, ni le statut du personnel, fondés sur d'autres dispositions législatives, il a conclu que le dispositif prévu par l'article 10 du projet de loi offrait toutes les garanties pour que cette privatisation, qu'il a qualifiée de « condition indispensable du développement de l'entreprise », se déroule sans léser les intérêts des acteurs concernés, ni celui de l'Etat. En conséquence, il a recommandé à la commission d'adopter cet article sans modification.

a ensuite évoqué la situation des distributeurs non nationalisés.

Il a estimé qu'il serait paradoxal que le projet de loi proposant de privatiser Gaz de France maintienne en l'état l'article 23 de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l'électricité et du gaz, dont les dispositions régissent les sociétés d'économie mixte de distribution de gaz détenues par des collectivités territoriales, ledit article ayant précisément été conçu comme une exception au principe de nationalisation prévu par ailleurs par ladite loi.

Il a, en outre, exprimé sa crainte que ces distributeurs, de taille modeste et qui ne peuvent se développer en dehors du territoire des collectivités présentes dans leur capital, connaissent des difficultés après l'entrée en vigueur de la libéralisation totale du marché du gaz.

Il a donc proposé à la commission d'adopter à l'article 6 un amendement autorisant les collectivités territoriales concernées à transformer ces sociétés d'économie mixte en sociétés anonymes de droit commun, ainsi qu'à privatiser lesdites sociétés, une fois transformées en sociétés anonymes de droit commun.

Enfin, M. Philippe Marini, rapporteur pour avis, a évoqué la question de la CRE.

Il a estimé qu'au vu de l'importance des décisions qu'il revenait à la CRE de prendre, il était nécessaire qu'aucun doute ne puisse subsister quant à son indépendance, et qu'elle ne devait, en particulier, être liée ni au gouvernement ni aux entreprises du secteur. Il a expliqué que, pour cette raison, il regrettait les modifications apportées par l'Assemblée nationale à la composition de la CRE, en particulier la présence de parlementaires, ès-qualités, au sein du collège. Il a souhaité que la commission revienne sur ces dispositions, en adoptant pour cela, à l'article 2 bis, un amendement, élaboré en étroite liaison avec M. Ladislas Poniatowski, rapporteur du projet de loi au nom de la commission des affaires économiques. Il a indiqué que ledit amendement rétablissait, dans les grandes lignes, l'actuelle composition de la CRE, ajoutant que ce texte définissait également les objectifs de la CRE, dont le concours au bon fonctionnement des marchés devrait, prioritairement, s'exercer au bénéfice des consommateurs finals. Il a également déclaré que cet amendement prévoyait l'instauration d'un comité de règlement des différends, de la médiation et des sanctions au sein de la CRE, distinct du collège des commissaires, en conformité avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Pour conclure, M. Philippe Marini, rapporteur pour avis, a proposé à la commission d'adopter, comme elle l'avait déjà fait lors de l'examen des projets de lois de finances rectificatives pour 2004 et pour 2005, deux amendements portant articles additionnels avant l'article 2 bis et qui concernent la CRE. Il a précisé que le premier de ces amendements visait à doter la CRE de la personnalité morale et à poser le principe de son autonomie financière, et que le second tendait à établir les modalités du financement de la CRE, en créant une contribution spécifique acquittée par les consommateurs de gaz et d'électricité.

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